Quand les Français restent chez eux, les cambrioleurs n’ont manifestement plus les coudées franches. «Et les dépôts de plaintes sont aussi inévitablement retardés, ce qui rend la statistique instable», confie un commissaire du Rhône. À l’en croire, «les mesures sanitaires ne dureront qu’un temps et la délinquance repartira de plus belle».
Au-delà de ces fluctuations, on voit bien le décrochage de la France dite périphérique, celle des campagnes, des villes moyennes et des quartiers pavillonnaires ou d’habitat collectif en marge des grandes villes, où la gendarmerie voit croître la population et les problèmes.
Alors que les coups et blessures volontaires, tant révélateurs du climat de violence au quotidien, ont stagné l’an dernier en zone police, ils ont ainsi augmenté de l’ordre de 10% dans les secteurs confiés aux gendarmes. Dans le même temps, les séquestrations ont diminué dans les zones de police de 3%, alors qu’elles ont grimpé en zone gendarmerie de près de 15%. Idem pour les indicateurs cumulés des règlements de comptes, homicides et tentatives d’homicide, expression ultime de la violence, qui ont augmenté de l’ordre de 3% en zone police et explosé en zone gendarmerie de plus de 15% par rapport à 2019.
Autre indicateur attestant d’une radicalisation des comportements dans la France rurale et périurbaine: alors que les violences à dépositaires de l’autorité ont baissé en zone police de l’ordre de 15% (2019, l’année de comparaison, a été, il est vrai, riche en heurts avec les forces de l’ordre dans le contexte des «gilets jaunes»), l’année 2020 se solde dans les zones gendarmerie par une hausse d’environ 7%. Plus de 20 agressions par jour contre les porteurs d’uniforme dans les campagnes!
Ce n’est pas tout. Quand les viols ont augmenté de 7% environ l’an dernier, en zone police, ces graves agressions ont augmenté de près de 18% en zone gendarmerie, avec plus de 12.000 faits révélés, soit plus de 30 par jour. Or, en la matière, la zone grise demeure considérable. Les statisticiens de Beauvau prennent soin de préciser que «dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration de l’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie, le nombre de violences sexuelles augmentait depuis 2017» et que «la tendance à la hausse était marquée sur la période précédant la crise sanitaire». Il s’agit bien d’un phénomène de grande ampleur.
Les cambriolages (toutes catégories confondues) ont, pour leur part, baissé de 10% en zone police et de plus de 15% en zone gendarmerie. Les vols de véhicules et à l’intérieur des véhicules ont aussi chuté de respectivement 13% et 17% en un an. Les destructions et dégradations ont connu une baisse équivalente. Celle des vols sans violences contre les personnes a été de 24%. Par ailleurs, les vols à main armée ont chuté de plus de 10% en zone police et un peu moins en zone gendarmerie. Effet amplificateur du confinement, à n’en point douter.
Un dernier ratio marque les esprits: alors que les escroqueries ont stagné dans les grandes villes, elles ont augmenté l’an dernier de plus de 15% en zone gendarmerie. Là encore, le fossé se creuse. La France des campagnes et des villes moyennes souffre, c’est indéniable. La réponse judiciaire n’y est pas meilleure que dans les grands centres urbains, tant s’en faut. Aussi atypique soit-il, ce bilan 2020 révèle des fragilités profondes.
Une «Force d’appui rapide» pour lutter contre les violences
La «FAR», force d’appui rapide. Tel est l’acronyme d’une nouvelle unité mobile des CRS qui devrait voir le jour l’été prochain. Composée de 200 agents, elle serait mobilisable 24 heures sur 24 et dans un délai maximal de 15 minutes pour intervenir en tout point du territoire. Sa mission: faire face à des violences urbaines ou des événements graves, comme les récents troubles à Dijon, en juin dernier, par exemple. La CRS 8 de Bièvres (Essonne) pourrait servir de matrice à cette force d’élite. Située à côté de l’aéroport de Villacoublay, près du Raid, elle bénéficierait d’un d’équipement renforcé. Le syndicat FO maison redoute toutefois que ce projet, limité en apparence, masque une «volonté inavouée de démantèlement des CRS dans leur forme actuelle».
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