À Nice
«Ici, les refus d’obtempérer sont quasi quotidiens.» Pour le colonel Alexandre Malo, qui commande, à 44 ans, les 913 gendarmes du Var, le constat est clair. Depuis 2018, ses hommes, qui couvrent 89% du territoire de ce département, soit quelque 480.000 habitants, sont «de plus en plus régulièrement confrontés à des actions de violence» à leur encontre. Celles-ci se traduisent par des refus d’obtempérer de la part de conducteurs lors des contrôles, mais aussi par des outrages, des menaces ou des rébellions lors d’interventions.
Au niveau national, en zone gendarmerie, un refus d’obtempérer est enregistré toutes les 45 minutes. En juillet, le tribunal de Draguignan a condamné à vingt-quatre mois de prison un conducteur sans permis ni assurance pour de tels faits. «Après une infraction routière, il avait refusé de s’arrêter, doublé des véhicules dans des virages sans visibilité, failli renverser un gendarme et fini sa course dans une impasse», raconte le colonel Malo.
La situation est similaire dans le département voisin des Alpes-Maritimes. «Le point de bascule, c’est 2018, les “gilets jaunes”. On a ensuite connu une augmentation constante et, cette année, en lien avec la crise sanitaire, encore plus significative» des atteintes aux forces de l’ordre, note, à Nice, le colonel Nasser Boualam, 46 ans. Les 850 gendarmes d’active sous ses ordres couvrent 94% du département pour environ 330.000 habitants. Le 31 décembre dernier, une patrouille intervient à Isola 2000 pour un banal tapage nocturne. «Elle va au contact, demande gentiment aux fêtards de réduire le volume, mais les gendarmes se font caillasser puis sont violentés, avec un blessé qui prend des coups de pied dans les parties», relève Nasser Boualam. «On est confronté, y compris dans les territoires ruraux, à cette augmentation de la violence», déplore le militaire.
On observe de plus en plus le développement de petits trafics liés à l’extension de la consommation de stupéfiants, notamment dans le Centre Var
Le colonel Alexandre Malo
La majeure partie des atteintes aux personnes concerne toutefois les violences intrafamiliales, les «VIF» dans le jargon militaire. Ce sont elles qui alimentent les statistiques, à la hausse, de cette catégorie de délits. Là, à l’échelle nationale, une intervention pour de telles violences est enregistrée toutes les 4 minutes en zone gendarmerie. Très marquée par le drame de Saint-Just, dans le Puy-de-Dôme, où le 23 décembre trois gendarmes ont été abattus lors d’une intervention pour un différend conjugal, l’institution va mettre en place un groupe de travail pour améliorer encore les dispositifs existants.
Signe que la délinquance des champs n’a plus grand-chose à envier à celle des villes, le trafic de stupéfiants investit désormais les zones périurbaines et rurales, indique aussi la maréchaussée. «On observe de plus en plus le développement de petits trafics liés à l’extension de la consommation de stupéfiants, notamment dans le Centre Var», remarque Alexandre Malo. Dans les Alpes-Maritimes, les gendarmes utilisent désormais des drones pour localiser les plantations de chanvre. L’essor du trafic s’accompagne aussi de violences. Le 13 octobre dernier, un règlement de comptes sur fond de commerce de drogue a ainsi fait un mort par arme blanche à La Trinité, une petite bourgade aux portes de Nice.
L’explication de cette contagion de la délinquance aux campagnes tient, peut-être, à l’évolution sociologique. Confrontées à une hausse du foncier sur la côte, de plus en plus de familles s’installent en zone périurbaine ou rurale. Dans les Alpes-Maritimes, les habitants sont de plus en plus nombreux à remonter les vallées en quête de logements abordables. Dans le Var, la zone gendarmerie gagne 5000 habitants chaque année. Il n’est pas interdit de penser que ces néoruraux, pour une part, amènent dans leurs bagages des modes de vie qui étaient, jusqu’à présent, peu répandus dans ces territoires éloignés.