Vues:
722
Pourquoi on en parle beaucoup en ce moment ? Que disent les experts ? Que peut-il se passer ?
“Nous avons fait un choix, qui est celui de la préférence du contrôle et donc du rapatriement en France.” La ministre française de la Justice a confirmé, jeudi 31 janvier, que Paris avait désormais une “préférence” pour le rapatriement en France de ses ressortissants partis rejoindre Daesh, en Syrie, et aujourd’hui détenus par les forces kurdes. Nicole Belloubet a précisé qu’une majorité de Français sur place étaient en réalité des enfants. Combien sont-ils ? Pourquoi ce changement de doctrine ? Comment réagit la classe politique ? France Info répond à cinq questions sur le sujet.
Plusieurs facteurs contribuent maintenant à rendre cette question encore plus brûlante : tout d’abord, l’Etat Islamique a perdu une grande partie de son territoire et se concentre maintenant sur quelques pâtés de maison dans le hameau de Baghouz. De ce fait, de nombreux jihadistes étrangers ont été capturés où se sont rendus aux FDS (Forces Démocratiques Syriennes). Ne pas rapatrier les jihadistes français pourrait alors avoir deux conséquences : soit les voir échapper à tout contrôle (et risquer de les voir rentrer sur le territoire par des filières clandestines), soit les voir utilisés comme moyen d’échange ou de pression par les FDS.
Des civils se rassemblent à un avant-poste des Forces démocratiques syriennes, près du village de Baghouz, en Syrie, près de la frontière irakienne, le 26 janvier 2019. (DELIL SOULEIMAN / AFP)
Autre facteur qui va accélérer les choses, le retrait américain de Syrie. Prévu pour être effectué fin avril, il a pour conséquence de priver les jihadistes français de moyen de rentrer. En effet, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, avait dit à ce sujet : “Si nous agissons dans le cadre de la légalité internationale, nous prenons en charge toute personne sur le territoire français, pour autant nous n’irons pas les chercher où ils sont”. Il était ainsi prévu que les forces américaines rapatrient les prisonniers français jusqu’au tarmac dans l’hexagone, où ils seraient pris en charge par le GIGN. Ce plan concerne 150 personnes, dont des enfants. Par ailleurs, les américains apportaient un soutien financier et logistique aux kurdes, qui détenaient un nombre important de prisonniers. Sans ce soutien, les kurdes se retrouvent extrêmement fragilisés et ne pourraient plus assurer ces détentions, prenant le risque alors de voir des prisonniers s’échapper.
Les chiffres officiels font état de 1700 Français partis rejoindre les zones jihadistes irako-syriennes à partir de 2014. 450 seraient morts, et 302 sont revenus en France. Ces 302 font l’objet d’une procédure judiciaire (pour les adultes) et les enfants d’un suivi judiciaire et éducatif.
Jusqu’ici, les enfants ont été considérés comme irresponsables pénalement. Ceux âgés de plus de 13 ans peuvent en revanche être jugés : ils sont soupçonnés d’avoir combattu. A ce jour, 8 adolescents dans ce cas ont été incarcérés.
Parmi les 130 à 150 concernés par le rapatriement, il y a 70 à 80 mineurs, les trois quarts étant des enfants de moins de sept ans. S’y ajoutent une cinquantaine d’adultes (dont une quinzaine d’hommes).
La longue caravane de véhicules de l’Etat islamique.
Le Code Pénal est très clair et dit que “la loi française s’applique aux crimes et délits qualifiés d’actes de terrorisme (…) commis à l’étranger par un français”. Néanmoins, la Syrie tout comme l’Irak ont également la possibilité de faire valoir leur droit à les juger, car comme l’a dit le procurer François Molins, ces pays peuvent “décider s’ils veulent juger ces femmes et ces hommes ou les rendre au pays de leur nationalité”.
Se pose le problème de la peine de mort: la Syrie et l’Irak l’appliquent, et il est normalement interdit d’extrader un français vers un pays où il risque cette sentence.
En visite à Paris, le président Irakien, Barham Saleh, a affirmé le 25 février détenir 13 prisonniers jihadistes français, et a annoncé les juger dans son pays. Dans le droit irakien, toute personne qui a apporté un soutien, même matériel (sans combattre) à une organisation extrémiste, encourt la peine de mort. La ministre de la Justice française a donc immédiatement réagi en rappelant que la France interviendra, si ses ressortissants sont condamnés à mort.
Pour l’instant, aucun français n’a été condamné à la peine capitale pour son appartenance à l’Etat Islamique.
Jean Charles Brisard, le directeur du CAT (Centre Anti-Terroriste), est favorable à l’encadrement et le retour de ces jihadistes, pour qu’ils puissent être jugés et que l’on puisse comprendre ce qui s’est passé lors des attentats commis sur le sol français. “Il est très important que ces individus comparaissent devant la justice française. Ils doivent répondre de leurs actes, en particulier, de leur rôle dans la chaîne d’organisation de certains attentats en France”, a-t-il déclaré.
Il rappelle par ailleurs qu’avec le retrait des troupes américaines, les kurdes sont fragilisés et les jihadistes français (parmi eux des profils très dangereux), risquent de s’échapper.
Il y a un précédent : il y a 25 ans, quand les pays arabes ont refusé de “reprendre” leurs concitoyens jihadistes ayant combattu en Afghanistan, ils ont contribué à la création du réseau mondial Al Qaida (et n’ont pas empêché cette organisation de commettre des attentats, bien au contraire).
Emmanuel Macron avait déclaré, en novembre dernier, que les décisions se prendraient au “cas par cas”, faisant ainsi bondir les familles des français se trouvant sur zone, ainsi que leurs avocats. Le temps pressant et la situation sur place ayant changé, il se pourrait alors que le rapatriement des 130 à 150 individus se fasse plus vite que prévu.
Les adultes seront, quoiqu’il en soit, incarcérés et les enfants encadrés (nous reviendrons sur le cas des enfants dans un autre article). Plusieurs questions restent notamment en suspens : comment réinsérer ces individus, comment assurer qu’ils n’endoctrinent pas des codétenus… et où sont les jihadistes français toujours sur zone et pas encore capturés ?
Environ 130 ressortissants français sont détenus par les Forces démocratiques syriennes (FDS), majoritairement kurdes. Mais leur nombre pourrait augmenter alors que les dernières poches du groupe Etats islamique EI), désormais acculé sur un territoire de quatre kilomètres carrés, sont en train de tomber dans l’est de la Syrie, près de la frontière irakienne. Selon des sources françaises citées par l’agence Reuters, quelque 250 jihadistes français (une centaine à Idlib, environ 150 à Hajine) seraient encore en état de combattre sur le territoire syrien.