Les Ecritures de la Bible
L’association ” Bible Ensemble ” a invité le 19 octobre à la Salle J. Renoir, deux conférenciers de grande qualité, le pasteur Louis Schweitzer, professeur de théologie à la faculté évangélique de Vaux-sur-Seine et le père Antoine Guggenheim, prêtre, directeur du diocèse faculté de Paris, qui a remplacé le père Patrick Desbois empêché. La magistrale intervention du pasteur L. Schweitzer précisait : ” La Bible appartient au patrimoine de l’humanité et aucune religion, aucune Eglise n’a le monopole de son étude et de sa lecture. La Bible est un livre religieux, le judaïsme comme le christianisme y puisent leurs origines. Si les Eglises chrétiennes ont ajouté à la Bible juive le Nouveau Testament, elles partagent avec lui les autres livres qui sont alors appelés par les chrétiens Ancien ou Premier Testament “. Nous retiendrons comme légitime que le dialogue judéo-chrétien tourne autour de l’interprétation de ces textes qui leur sont communs mais qu’ils l’entendent différemment. Le pasteur poursuit : ” Mais, au sein même du christianisme, chacun sait qu’il existe plusieurs Eglises, plusieurs manières de comprendre ce texte biblique auquel chacune se réfère. Il est donc tout naturel que la Bible et son interprétation soit aussi au centre du dialogue œcuménique “. Le pasteur nous rappelle que la Bible a été au cœur d’une rupture du XVIe siècle et qu’elle a donné naissance au protestantisme. Une de raisons historiques de la Réforme a été le mouvement de retour aux sources de la culture qu’a suscité la Renaissance, retour aux textes de l’antiquité comme à celui de la Bible. ” D’un point de vue protestant, la Réforme a été une sorte de critique de l’institution ecclésiastique au nom de son propre fondement, la Bible “, précisera-t-il. Car ce qui était en cause à l’époque c’était bien son interprétation. Les diffèrences principales portaient sur la compréhension du salut, de l’Eglise, des ministères et des sacrements. La rupture de la Réforme accentua le différent. Depuis le XVIe siècle, le mouvement œcuménique a amenéles chrétiens des différentes traditions à renouer le dialogue et à entrer dans la compréhension de l’autre. ” Le travail biblique, précisera le pasteur, a certainement été un des lieux privilégiés de cette réconciliation. La Bible, qui avait été le lieu principal de la discorde est largement devenu un lieu de communion et de rencontre. Les approches bibliques se divisent en deux parties, celles qui sont liées à la théologie et à la culture confessionnelle. Le plus souvent, ce n’est plus la compréhension du texte biblique qui sépare, mais sa place dans la réflexion théologique. Pour les catholiques, la Bible doit être comprise à la lumière de la tradition de l’Eglise “. Il rappellera que c’est l’Eglise qui, par un long processus a déterminé le canon des Ecritures, c’est à dire la liste des livres qui devaient faire partie de ce recueil de textes considérés comme inspirés. L’interprétation des conciles, celles du magistère ecclésiastique demeurent une autorité. Certains dogmes tiennent une place importante comme l’immaculée conception de Marie, sans avoir un fondement, au moins explicite, dans l’Ecriture. Pour les protestants, le discernement du canon par l’Eglise est enseignements à laquelle l’Eglise doit se soumettre. Toute décision en matière de foi, pour les protestants, doit être fondée sur l’Ecriture. Cette opposition n’est pas définitive, ainsi du culte catholique, le concile Vatican II, dans la constitution ” Dei Verbum, Vatican II”, tout en maintenant la place de la tradition, a souligné l’importance de l’Ecriture. Et, du culte protestant, une attention toute nouvelle est portée à la tradition de l’Eglise et à l’apport des pères. ” A ces différences théologiques, reprécisera le pasteur, il en demeure d’autres qui relèvent, des habitudes de lecture. Les études bibliques œcuméniques nous rendent attentifs à une réalité naturelle et pourtant surprenante. Chacun lit un texte à partir de sa propre tradition “. Nous sommes habitués à lire dans la Bible les grandes lignes de notre propre culture. La lecture commune de l’Ecriture, la fécondité de la rencontre autour de la Bible, nous ouvre à une approche plus complète. Au point de départ, chacun de nous est persuadé que la lecture de sa propre tradition est celle qui est fidèle au texte, à l’accueil global de son sens, et nous remarquons facilement ce qui, chez l’autre semble poser problème. Mais lorsque nous lisons ensemble les textes, l’approche de l’autre peut nous ouvrir à une lecture plus vaste et, par là, plus juste aussi de l’Ecriture. ” J’ai parlé du dialogue entre protestants et catholiques, reprend le pasteur, mais nous pourrions en dire de même de la relation avec l’orthodoxie. Le travail biblique est une nécessité absolue si nous voulons un jour dépasser les différences qui sont encore séparatrices. L’œcuménisme est une approche courageuse des questions essentielles en vue de leur trouver des solutions véritables. Il y a là, dans le travail biblique, une progression vers la catholicité au sens premier du terme qui nous concerne tous “. Aujourd’hui des tendances fortes visent à promouvoir l’unité chrétienne, ou œcuménisme. L’esprit de communauté et de fraternité, qui se dégage s’accorde sur les vertus essentielles de la chrétienté, foi, espérance et charité. A son tour le père Guggenheim précise : ” Jésus souffla sur les apôtres pour ouvrir l’esprit aux Ecritures. A la suite du mouvement des protestants, les chrétiens ont bien repris l’analyse des Ecritures. Les textes ont plusieurs sens, une pluralité de lectures. Le dialogue, juifs-chrétiens, sujet qui fâche, peut rendre irritantes les différences. Accepter que les autres soient différents de moi et cependant ne pas avoir tord “. Il y a des points passionnels et explosifs que le père expliquait pour désamorcer et transformer les oppositions en sujets qui réconcilient. Il faut réviser nos conceptions en nous ouvrant à l’intelligence des Ecritures. ” Les conditions du dialogue sont vraies avec les Actes de demande de pardon, ensuite le pélerinage de Jean Paul II à la synagogue de Rome en 1986 et celui Jérusalem, près du Temple de Salomon, en l’an 2000 “. Peut-on espérer un œcuménisme conduisant à une église uniforme, qui reconnaisse l’autre différent, telle est une des questions de la salle. ” Si on peut reconnaïtre l’autre dans sa différence, dit le pasteur, on doit pouvoir surmonter les difficultés et mieux prendre en charge celles théologiques “. L’Ecriture des juifs interroge les théologiens, Jésus a dit ” Le Salut vient des juifs. Il n’y a donc pas à faire d’apartheid ! “. Le Docteur Faschler, président de la communauté juive de la Savoie, tout en apportant des indications, questionne les théologiens : ” Le peuple juif, pour cette génération, a le sentiment d’avoir vécu plusieurs miracles’. Survivre à la Choah’, la plus grande persécution des juifs dans l’Europe chrétienne, ensuite, le retour des juifs dans leur terre ancestrale, et enfin la main tendue, ou plutôt à les bras ouverts’, des chrétiens après Vatican II, beaucoup plus tôt par les protestants. Les questions qui se posent à nous et à nos amis chrétiens sont douloureuses et difficiles à résoudre. Tout d’abord, comment éviter que le rapprochement en cours, ne soit vécu comme une assimilation ou comme une conversion ? Deusio, comment lutter contre le repli communautaire provoquépar des milliers d’attentats et une judéophobie latente, à nouveau verbalisée et alimentée par un conflit lointain qui pollue la relation entre les français juifs et les autres citoyens ? Tercio, comment susciter des instances, une ouverture pour gârer le principal enjeu de l’avenir, les mariages mixtes et éviter l’évaporation, puis la disparition des traditions Juives “. Dans la salle d’autres questions émergent, comment atteindre l’universalité biblique. Des approches narratives, psychanalytiques et autres restent à découvrir. Les lectures du XXe siècle se comprennent-elles comme des lectures des siècles précédents ? Une personne dans la salle avoue sa méconnaissance des faits religieux devant tant d’érudition, et sa joie en tant que catholique de l’entente avec les juifs. Un étudiant, avec une charmante naïveté, se dit heureux de l’intelligence des protestants, se reconnaissant dans cette religion. A l’issue de leurs interventions les conférenciers ont été vivement applaudis.
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