Les musulmans de France « doivent contribuer au renforcement des institutions » et « doivent voter » à l’occasion de chaque échéance électorale (présidentielle aujourd’hui, législatives demain), car « le droit de vote est un outil fondamental et indispensable à (leur) intégration ». Ils sont des citoyens qui doivent aussi défendre « la plus belle invention française »,
la laïcité. Seuls les « laïcards » seront surpris de découvrir que Chems-Eddine Hafiz défend passionnément cet « espace commun dans lequel notre fraternité en tant que citoyens français s’exprime. » « Il faut l’utiliser, la renforcer et s’épanouir en elle, insiste-t-il. Je le dis aux imams et je les incite à en parler. Nous avons besoin de l’expliquer, même en langue arabe. Surtout en langue arabe, car il y a une tendance à confondre cette notion avec l’athéisme. »
Il rappelle au passage que des penseurs musulmans ont proposé l’instauration de la laïcité dans l’espace arabo-musulman, « comme le syrien al-Kawakibi qui fut le premier à prôner un système de séparation ou le théologien égyptien Ali Abd al-Raziq, professeur à l’université d’Al-Azhar ». Pas étonnant, selon l’auteur, puisque « la première communauté créée par le Prophète à Médine ressemble à ce que nous pourrions appeler avec les mots d’aujourd’hui un État civil peuplé de citoyens libres, quelles que soient leurs orientations religieuses ».
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris consacre deux chapitres à la place des femmes dans l’islam. « Le statut de la femme dans le Coran a été bien souvent mal interprété, explique-t-il. D’abord et avant tout par les théologiens de l’islam qui, depuis les tout débuts de la constitution des sociétés musulmanes, ont forcé une lecture du texte leur permettant de faire perdurer un modèle de société patriarcale. » Avec force exemples historiques issus du Coran, il démontre que, lorsque le texte coranique est ambigu, la tradition juridique a opté pour une interprétation qui va « en sens inverse de l’esprit novateur du Prophète, généralisant à toute la société et à tous les cas des recommandations spécifiques ou des points de détail isolés ».
C’est ainsi le cas du voile qui, de l’ordre d’« une simple recommandation de décence » selon lui, est devenue avec le temps, « sous la pression masculine, la règle générale, un des moyens de soustraire les femmes à la vie sociale ». Plus globalement, « la tutelle des hommes sur les femmes est justifiée au nom d’une lecture particulière du Coran et se sert d’une terminologie dite religieuse qui mériterait aujourd’hui un grand époussetage », affirme l’auteur.
Nourri de ses lectures des textes sacrés et d’une passion pour l’histoire, Chems-Eddine Hafiz affirme que, depuis des siècles, « les considérations politiques n’ont jamais eu de mal à s’appuyer sur l’adaptabilité et la souplesse de spécialistes du droit. Quand la politique veut, la charia peut ». Les interprétations abusives sur la place de la femme dans la société peuvent et doivent être modernisées, affirme-t-il, en appelant à une féminisation urgente du débat sur l’islam car « la femme est l’avenir de l’islam ».