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Cet article est le cinquième d’une série de 5 articles publié par Ouest France
Publié le 11 mai 2021
« Il est nécessaire aujourd’hui de réformer l’islam et c’est même une question de responsabilité ». Razika Adnani, philosophe islamologue, nous éclaire sur la question. » Ouest France
L’islam ne sépare pas la dimension spirituelle de la dimension juridique et c’est cette dernière qui pose problème. Les règles juridiques de l’islam, appelées charia, ont organisé la société arabique du VIIe siècle et s’opposent aux valeurs actuelles de l’humanité en premier lieu l’égalité et la liberté. Ce qui complique la situation, c’est que les musulmans les veulent valables en tout temps et tout lieu. C’est pour cela qu’il est nécessaire aujourd’hui de réformer l’islam et c’est même une question de responsabilité.
Une question de responsabilité
L’idée de la réforme de l’islam ne fait pourtant pas l’unanimité. Pour certains l’islam est irréformable et la seule solution serait d’en sortir. Et si cette solution est tout à fait possible sur le plan individuel, elle est irréaliste au regard du nombre très élevé des musulmans dans le monde et de leur attachement à leur religion. D’autant plus que cela reviendrait à affirmer que seule la version islamiste et fondamentaliste de l’islam est recevable.
Pour d’autres, l’islam est la religion de Dieu et on ne change pas la religion de Dieu. Ils ignorent que la réforme fait partie de l’histoire de l’islam en commençant par le message coranique. Les versets de la période de la Mecque (610-622) ont un caractère quasi spirituel. Ceux qui ont un caractère juridique sont plus tardifs, ils remontent à la période de Médine (622-632). Le Coran s’est donc adapté à la nouvelle situation des musulmans à Médine où est née la première société musulmane.
Pour les musulmans, certains versets de la deuxième période abrogent, sans les supprimer du Coran, des versets de la première période. Ils ont également utilisé l’abrogation pour sortir de la difficulté posée par les versets dont les recommandations étaient contradictoires. Ils ont gardé ceux qui répondaient à leurs valeurs, leur culture et leur situation politique et ils ont abrogé ceux qui n’y répondaient pas.
L’islam a également connu d’autres réformes, comme celle des Wahhabites, qui ont marqué son histoire et celle des musulmans. C’est pour cela qu’il est nécessaire de préciser la nature de la réforme qui s’impose aujourd’hui afin de la distinguer des autres réformes qui sont toutes tournées vers le passé ou incapables de s’en affranchir.
La réforme qui est nécessaire aujourd’hui doit être tournée vers l’avenir et avoir pour objectif de construire un nouvel islam et une nouvelle manière d’être musulman. Pour cela, elle doit commencer par libérer la pensée de l’emprise de l’épistémologie salafiste présentant l’islam des anciens comme le critère de vérité. Elle doit concerner les textes coraniques, mais aussi les théories et les concepts qui les entourent, car ils déterminent le comportement des musulmans à l’égard de ces textes.
Comment procéder ? Il faut abroger les versets qui posent problème, ceux incitant à la violence et instaurant les inégalités à l’égard des femmes et des non-musulmans. Il faut mettre en avant, après les avoir réinterprétés, les versets ayant une portée universelle, ceux reconnaissant la liberté de conscience et ceux rappelant la dignité humaine.
L’objectif de cette réforme n’est pas de permettre à la charia de continuer à administrer la société, mais que les croyants puissent vivre leur religion sans se trouver en conflit avec les règles de celle-ci qui sont issues de la raison. C’est pour cela que cette réforme doit en premier lieu faire de l’islam une religion et non une politique.
Razika Adnani
Cet article est le cinquième d’une série de 5 articles publié par Ouest France.
Le premier : La laïcité face à la charia
Le deuxième : Le voile est-il réellement une obligation pour les musulmanes?
Le troisième : Quelle place pour la liberté de conscience en islam ?