« Plusieurs versets coraniques recommandent aux musulmans la nécessité d’être justes et rappellent la justice divine, mais il s’agit pour eux d’une justice qui n’est pas fondée sur l’égalité », selon Razika Adnani, philosophe et islamologue, qui nous éclaire sur la question de l’égalité. Ouest France
L’égalité est une autre valeur après celle de la liberté que l’islam, tel qu’il est conçu et pratiqué, ne reconnaît pas. Plusieurs règles coraniques font la différences entre les hommes et les femmes, les maître et les esclaves, les musulmans et les non-musulmans et il en est de même pour la charia, le corpus législatif des musulmans.
Certes, plusieurs versets coraniques recommandent aux musulmans la nécessité d’être justes et rappellent la justice divine, mais il s’agit pour eux d’une justice qui n’est pas fondée sur l’égalité. Pourtant, les arabes de l’époque du prophète n’ignoraient pas totalement ce concept d’égalité. Le prophète aurait dit : « les gens sont égaux comme les dents d’un peigne ». Cependant vu les règles de la charia qui sont fondées sur l’inégalité, cela appelle à s’interroger sur ceux qui sont désignés par le terme « gens ».
Ce n’est qu’au XIXe siècle, lorsque le monde musulman est entré en contact avec la civilisation occidentale que l‘égalité comme principe de justice sociale a été soulevée par des intellectuels de la Nahda « réveil ou renaissance ». Ainsi, alors que l’esclavage n’a pas été aboli par le Coran bien au contraire puisqu’ il a été codifié dans 25 versets, les pays musulmans entre 1846 et 1980 ont tous procédé à son abolition. En revanche, les inégalités entre les femmes et les hommes, entre les musulmans et les non-musulmans ont été pérennisées au nom de la justice divine. Pour les musulmans elles sont dictées par Dieu et rien d’injuste n’émane de lui, l’Être parfait.
La charia est fondée sur l’inégalité
Ainsi, si au XXe siècle les femmes grâce aux combats des modernistes, ont connu une grande émancipation, elles n’ont jamais eu le droit à l’égalité. Et dans les pays musulmans qui ont promulgué des constitutions stipulant l’égalité de tous les citoyens, et certaines insistent sur l’égalité entre les hommes et les femmes, leurs lois concernant la famille, hormis en Turquie, sont issues de la charia qui est fondée sur l’inégalité.
Ainsi, si au XXe siècle les femmes grâce aux combats des modernistes, ont connu une grande émancipation, elles n’ont jamais eu le droit à l’égalité.
Les non-musulmans, eux non plus et malgré le combat des laïcs, n’ont pas réussi à accéder à une égalité sociale, juridique ou politique. Le pouvoir revient systématiquement aux musulmans conformément aux versets coraniques : un musulman de ne pas être sous l’autorité d’un mécréant, d’un chrétien ou d’un juif, ni même de les avoir comme alliés : « Ô vous qui croyez ne prenez pas pour “awlia” les mécréants au lieu des croyants […» dit le verset 144 de la sourate 4, les Femmes.
À partir des années 1970, la forte progression du conservatisme a stoppé l’évolution des sociétés musulmanes vers davantage d’égalité. Concernant l’égalité femmes-hommes, il a même réussi à convaincre y compris beaucoup de femmes, que c’était une hérésie, car « l’islam a accordé à la femme tous ses droits ». Cela ne veut pas dire que les hommes et les femmes sont égaux, mais que la femme n’a rien d’autre à réclamer, car elle a eu tout ce qu’elle mérite comme droits. Ils ajoutent qu’avec ces droits « l’islam a honoré la femme ».
« L’islam a accordé à la femme tous ses droits » ne veut pas dire que les hommes et les femmes sont égaux, mais que la femme n’a rien d’autre à réclamer, car elle a eu tout ce qu’elle mérite comme droits.
Ces concepts agissent tels des dogmes sur les musulmans et constituent des obstacles les empêchant d’adhérer réellement au principe de l’égalité. Beaucoup de femmes ne remettent pas en question les inégalités dont elles sont victimes, mais aiment aussi montrer leur soumission à la charia, soumission qu’elles vivent avec satisfaction, d’autres conscientes de leur situations, vivent ces inégalités avec douleur.
Razika Adnani