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Par Caroline Beyer
Mis à jour le 23/04/2017 à 18h58 | Publié le 23/04/2017 à 18h39
Lancée à Strasbourg en 2018, elle réunira aussi des universités allemandes et suisses.
L’université peut-elle être un rempart contre les intégrismes religieux? C’est le pari de l’université de Strasbourg, pionnière sur ce terrain depuis la mise en place en 2011 d’une formation à la laïcité s’adressant aux imams et aumôniers musulmans. Elle franchit une nouvelle étape, avec le lancement d’une formation au «dialogue interreligieux». Derrière l’expression ressassée, la volonté affichée de faire vivre, via une approche universitaire et scientifique, le pluralisme des convictions, dans une société tiraillée par des tendances contradictoires.
«Aujourd’hui, les religions cohabitent. Pour autant, le communautarisme se développe. Dialogue interreligieux et radicalisation font partie du même paysage»
Francis Messner, professeur à l’université de Strasbourg
«Aujourd’hui, les religions cohabitent. Pour autant, le communautarisme se développe. Dialogue interreligieux et radicalisation font partie du même paysage», explique Francis Messner, professeur à l’université de Strasbourg, qui évoque «un retour à une lecture littéraliste des textes qui ne concerne pas exclusivement la religion musulmane». Ce spécialiste du droit des religions, auteur en 2015 d’un rapport sur la formation des cadres religieux musulmans en France, est le porteur du projet «inter-religion», financé en partie par l’Union européenne.
Outre l’université strasbourgeoise, il associe les universités de Bâle (Suisse) et Heidelberg (Allemagne), ainsi que la Haute École des études juives de Heidelberg et la Faculté de théologie islamique de Tübingen (Allemagne). L’une des six que l’État fédéral a mises en place depuis 2010, afin d’intégrer davantage la religion musulmane à la société. Une démarche qui n’est, pour l’heure, pas envisageable en France, en raison de la séparation de l’Église et de l’État. Pas même en Alsace-Moselle.
«Il faut développer en France des formations en islamologie. À force d’ignorer l’approche universitaire de l’islam, nous laissons la place à un seul discours, littéraliste, intégriste»
Francis Messner
L’université de Strasbourg, unique établissement public à abriter en France une faculté de théologie – c’est pendant l’occupation allemande, de 1871 à 1918, que les parlementaires de la IIIe République ont supprimé de telles facultés – ne peut en effet proposer de théologie islamique. Car le régime du Concordat qui reconnaît et organise quatre cultes (catholique, luthérien, réformé et israélite) ne peut être élargi à d’autres, conformément à une décision du Conseil constitutionnel en 2011. L’université abrite à ce jour des facultés de théologie catholique et protestante, un département d’études juives et un master en islamologie. «Il faut développer en France des formations en islamologie. À force d’ignorer l’approche universitaire de l’islam, nous laissons la place à un seul discours, littéraliste, intégriste», estime Francis Messner. Actuellement, quelques cursus sont proposés à l’École pratique des hautes études et à l’EHESS.
Quel sera le contenu de cette formation au dialogue interreligieux? Elle se déclinera autour d’un diplôme universitaire (DU) en «connaissances et pratiques de l’interreligieux» et un master «interreligieux et société». «L’idée est de dépasser la vision classique de l’interreligieux, consistant en une présentation successive des différents cultes et de travailler sur les principes du dialogue entre les religions et ce qui les relie», détaille le professeur strasbourgeois. Au programme: l’étude comparée des textes fondateurs et une approche historico-critique. Et des questions. Cette approche fait-elle l’unanimité dans toutes les religions?
À partir de 2018, 80 étudiants pourront suivre la formation dans les universités de Strasbourg, Bâle et Heidelberg. Public visé? «Des étudiants internationaux. Des cadres religieux, mais aussi des professionnels de la fonction publique, des collectivités territoriales, et pourquoi pas des journalistes», conclut Francis Messner.
Cet article est publié dans l’édition du Figaro du 24/04/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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