Diagnostiqué dans les années 70, ce trouble du comportement est désormais considéré comme une véritable pathologie. Comment reconnaître les signes de la dépendance sexuelle ?
Par Gwendoline Cassine
Rapportée pour la première fois par un patient au milieu des années 70 lors d’une réunion des Alcooliques Anonymes, la dépendance sexuelle toucherait aujourd’hui 5 à 6% de la population et surtout les hommes avec un ratio de cinq hommes pour une femme.
Cette addiction au sexe prête à sourire. On y voit souvent une sorte d’excès d’hédonisme, de volonté de plaisir et de goût de la vie immodéré. La réalité est beaucoup plus morose si l’on en croît les spécialistes : elle touche surtout les grands dépressifs.
1. Le sexe compulsif : signe de dépression
« La dépendance sexuelle se traduit par une consommation répétée, durant plus de six mois d’affilée, d’un ou plusieurs supports sexuels (films porno, sexe tarifé, masturbation compulsive, réalisation de fantasmes…) en réponse à un stress ou à un état dépressif. »explique Laurent Karila psychiatre à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (Val de Marne), spécialiste des addictions.
L’addiction sexuelle n’a rien de franchement rigolo en fait. Elle s’inscrit dans un cycle en cinq étapes : recherche obsessionnelle d’une stimulation sexuelle, pression intense ressentie par le sujet, passage à l’acte de manière compulsive, sentiment de culpabilité, de douleur morale voire de désespoir… Finalement le court moment de plaisir durant l’orgasme semble se payer très cher avant et après l’acte sexuel.
« Ce n’est pas grave de regarder un porno ou de se masturber ! Ce qui est problématique, c’est de penser que la vision d’un film porno, ou que le passage à l’acte sexuel, va servir d’antidépresseur ou d’antalgique. Les dépendants sexuels utilisent le sexe comme une drogue. »
En gros vous n’êtes pas forcément un malade sexuel parce que vous pratiquez l’onanisme, même si vous le faites fréquemment. En revanche si vous le faites pour vous calmer ou pour compenser un manque, c’est plutôt mauvais signe.
Le « sex addict », loin d’être un simple amoureux de la chair, fait face à une dévorante dépendance, à l’instar des autres toxicomanes. Une addiction qui peut le conduire conduit à l’isolement social, et à un comportement dangereux pour lui-même et pour ses proches.
2. Exposé trop tôt au porno
S’il y a encore peu d’études sur la question, des facteurs communs à tous les dépendants sexuels peuvent cependant être établis. Excessivement sensibles à la recherche de sensations et de nouveautés, ils peuvent également avoir été exposés précocement à des supports érotiques, ou avoir subi des maltraitances dans l’enfance.
« Il est important de noter également que 80% des dépendants sexuels sont en couple. Ils viennent d’ailleurs souvent consulter suite à une crise conjugale, liée à leur addiction. » La perte de temps et d’argent, leur comportement sexuel envahissant mais aussi les conséquences médicales, avec le risque accru de MST, les amènent à prendre conscience de leur pathologie.
« Le comportement addictif sexuel peut également s’accompagner de la prise de drogues qui leur permettent d’améliorer leurs performances, ou de se désinhiber. »
3. Alors sexuellement dépendant ? Testez-vous !
Pour diagnostiquer la pathologie, un questionnaire d’évaluation sexuelle, le SAST (Sexual addiction screening test) a été mis au point par une équipe américaine, et traduit en français. Sur 20 questions, 13 réponses positives ou plus suggèrent une véritable addiction.
Exemples de questions :
– Avez-vous eu peur que les gens apprennent votre conduite sexuelle ?
– Êtes-vous abonné(e) ou achetez-vous régulièrement des revues érotiques ?
– Le sexe a-t-il été pour vous une manière d’échapper à vos problèmes ?
– Êtes-vous déprimé(e) après un rapport sexuel ?
…
Allez avouez-le, vous êtes juste moyennement obsédé, comme tout le monde…