Quand Sabrina, tout juste 40 ans, mère de famille et vendeuse, s’est réveillée cette nuit-là avec une douleur dans le dos, des maux de ventre et des nausées, elle était loin d’imaginer ce qui était en train de lui arriver. «Je comprends tout de suite que quelque chose cloche. SAMU, hôpital, prise de sang, électrocardiogramme, tout s’enchaîne… On me dit que tout cela est probablement une crise d’angoisse », raconte-t-elle sur le site de Agir pour le cœur des femmes . Finalement, le diagnostic tombe : «Vous faites un infarctus , Madame! ». Prise en charge en soins intensifs, puis en service de rééducation pendant plusieurs semaines, Sabrina est finalement sortie indemne de cet accident qui aurait pu être dramatique.
L’infarctus du myocarde est une urgence vitale. Quand il survient, nous avons deux heures pour agir, trois grand maximum.
Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille et cofondatrice d’Agir pour le cœur des femmes.
À VOIR AUSSI – Pourquoi le nombre de crises cardiaques augmente à Noël ?
Pour rappel, un infarctus du myocarde se produit lorsqu’une des artères coronaires – celles qui cheminent à la surface du cœur et irriguent ce dernier – se bouche. La zone du cœur touchée, soudainement privée de sang (et donc d’oxygène), se retrouve en souffrance et peut s’abîmer de façon irréversible. Plus le délai de prise en charge est grand, plus l’étendue des dégâts sera massive. Et dans le pire des cas, l’infarctus du myocarde peut conduire à un arrêt cardiaque. «Et là, il ne faut pas que le cœur s’arrête plus de 5 minutes, sinon le cerveau est grillé. Il faut absolument initier un massage cardiaque et appeler le 15 si l’on voit qu’une personne est inconsciente et en arrêt cardiaque », souligne le Pr Mounier-Véhier. Savoir réagir très rapidement est donc crucial.
Contrairement à une idée reçue, «un infarctus du myocarde survient volontiers au repos », prévient la spécialiste. Mais il existe une forme particulière d’infarctus qui se manifeste principalement en cas d’effort physique: «Il touche les petites artérioles qui se trouvent à l’intérieur du muscle cardiaque. Elles lui assurent une réserve d’oxygène qui va lui permettre de se contracter davantage en cas d’effort », explique la cardiologue. «Ces artérioles peuvent se boucher et provoquer un infarctus, en particulier chez les femmes ménopausées, les personnes obèses, diabétiques et hypertendues. »
Autre idée reçue, cette maladie est surtout considérée comme touchant des hommes et les symptômes qui ont longtemps été médiatisés sont ceux qui concernent surtout ces derniers. Les femmes ont donc tendance à sous-estimer les signes d’alerte, or elles ne sont pas épargnées : sur les 60.000 cas d’infarctus du myocarde pris en charge chaque année en France, un quart concerne une femme. Un phénomène en augmentation, notamment en raison de l’effet conjugué de la hausse du tabagisme, de l’obésité, du stress, de la sédentarité et de la prise de contraceptifs hormonaux. En vingt ans, le nombre de femmes de moins de 65 ans hospitalisées pour un infarctus du myocarde a augmenté de 25%. «La pandémie de la Covid avec le télétravail a été un véritable accélérateur de ces maladies cardiovasculaires », réagit Claire Mounier-Véhier.
Essoufflement et douleurs à l’estomac
Le signe le plus emblématique de l’infarctus est sans doute la survenue d’une douleur dans la poitrine, derrière le sternum. «C’est comme un étau dans la poitrine avec la sensation d’être oppressé et de ne plus arriver à respirer », explique la cardiologue. Il n’est pas rare (mais pas systématique non plus) que cette douleur irradie vers le bras gauche, les épaules, la partie supérieure de l’abdomen, le cou ou encore la mâchoire (douleur semblable à celle d’une rage de dents). Cela donne alors l’impression d’une gêne ou de picotements dans ces zones. Fait notable, ces douleurs persistent malgré la prise d’un médicament antalgique.
Peuvent s’ajouter à cela une sensation d’épuisement soudaine et inhabituelle, un essoufflement brutal avec des difficultés à respirer, des troubles du sommeil, un teint pâle et blafard ou encore un étourdissement soudain. «Si ces symptômes durent plus de 10 minutes et/ou qu’ils sont de plus en plus fréquents, il ne faut pas hésiter à appeler le 15 ou le 112 », insiste la spécialiste. L’infarctus du myocarde peut également entraîner des nausées et des vomissements ainsi que des douleurs digestives (comme des brûlures à l’estomac), en particulier chez les femmes. «Si l’infarctus touche la partie inférieure du cœur proche de l’estomac, elle peut faire croire à de simples problèmes digestifs, ce qui est trompeur », souligne la cardiologue.
Nos patients rapportent très fréquemment avoir eu une sensation de danger, de mort imminente.
Pr Claire Mounier-Véhier, cardiologue et médecin vasculaire au CHU de Lille et cofondatrice d’Agir pour le cœur des femmes.
Autre signe à connaître absolument : l’anxiété. «Nos patients rapportent très fréquemment avoir eu une sensation de danger, de mort imminente », raconte le Pr Mounier-Véhier. Il faut se méfier de ce symptôme, qui peut laisser croire qu’il s’agit d’une «simple » crise d’angoisse et conduire ainsi à un grave retard de prise en charge.
Enfin, «il arrive qu’il y ait des douleurs atypiques, notamment chez les femmes. Par exemple, dans le dos entre les omoplates ou une sensation de brûlure à la gorge », ajoute le Pr Mounier-Véhier. Près de la moitié des femmes victimes d’infarctus du myocarde n’ont d’ailleurs pas de douleur thoracique, mais plutôt une gêne avec sensation d’oppression. Outre cela, les symptômes les plus typiques chez une femme sont l’essoufflement, les palpitations, la fatigue, les nausées et vomissements et les douleurs à l’estomac.
Des facteurs de risque
Si les symptômes évoqués précédemment peuvent survenir brutalement et se maintenir plusieurs heures, ils peuvent aussi apparaître et disparaître par vagues successives pendant plusieurs jours, de façon non prolongée et répétée. «Cela signifie que le muscle cardiaque n’est pas encore atteint mais que l’artère s’apprête à se boucher complètement », explique la cardiologue. «Si les symptômes surviennent plus de 5 à 10 minutes plusieurs fois par jour, il faut appeler les secours. Dans le doute, il vaut toujours mieux appeler à tort que de ne pas appeler, surtout si l’on a des facteurs de risque ». En l’occurrence si l’on fume, que l’on est surmené (et stressé), que l’on a du diabète, du cholestérol, de l’hypertension, un manque d’activité physique ou encore qu’il y a des cas d’accident cardiovasculaire dans son entourage familial.
À noter qu’il arrive parfois qu’un infarctus du myocarde passe totalement inaperçu. «Il peut y avoir des petites zones du muscle qui se nécrosent, mais l’on s’en rend compte bien plus tard avec la survenue d’un trouble du rythme cardiaque grave ou lors d’une décompensation cardiaque révélatrice d’une insuffisance cardiaque jusqu’alors méconnue », conclut Claire Mounier-Véhier.