Ils s’appellent La Gazette d’Algérie, ou encore All About Algeria. On y trouve des publications sur le sport, la santé, la technologie ou la politique. De prime abord, rien ne pourrait différencier ces sites internet d’un portail d’information généraliste quelconque. La particularité de ces deux «médias»? Aucune trace d’un seul journaliste y travaillant n’a pu être identifiée. Derrière cette façade trompeuse, se cache une obscure agence de marketing algérienne appelée Ayam Agency, qui alimente en contenu les deux marques. Ces comptes imitent le fonctionnement d’organismes de presse légitimes afin de diffuser des messages à caractère politique.
La cyberguerre à l’aube d’une nouvelle ère
Ces deux titres font partie des nombreux comptes supprimés par Facebook en juin. Le géant américain a ainsi annoncé la suppression de 130 profils, 221 pages, 35 groupes et 29 comptes Instagram. Ils relayaient des annonces sur les affaires courantes du pays en adoptant systématiquement le point de vue du gouvernement algérien et en dénigrant ses opposants.
Manipulation de l’opinion
La société américaine Graphika, spécialisée dans les nouvelles technologies et l’analyse des réseaux sociaux, a étudié les techniques d’influence et de désinformation sur internet utilisées en Algérie avant, pendant et après les manifestations du Hirak en 2019. Son rapport publié le 22 juillet met en lumière les procédés de manipulation de l’opinion à l’ère de la cyberguerre.
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L’enquête révèle une activité multiplateforme sur plusieurs années pour défendre les intérêts du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, depuis sa candidature en 2019. «L’activité détaillée dans ce rapport montre comment les acteurs politiquement motivés sont capables d’utiliser un comportement trompeur sur plusieurs plateformes en ligne, pas seulement à des fins d’influence “promotionnelle” pour les forces alignées sur le gouvernement. Mais ces acteurs peuvent aussi attaquer et réduire au silence les voix discordantes» , résume l’équipe de Graphika.
Deux aspects illustrent la cyberguerre politique en Algérie. Le premier est celui des campagnes de harcèlement parrainées par l’État. Un phénomène que le rapport nomme «trolling patriotique» . Enregistrées dans le monde entier, elles ont ciblé des journalistes, des militants des droits de l’homme et des dissidents. Le rapport s’alarme de la promotion d’un soi-disant groupe d’hacktivistes qui a émergé en février. The Algerian Spy a publié des vidéos sur Facebook et YouTube qui prétendaient prouver la compromission des personnalités de l’opposition.
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Ces vidéos incluent des captures d’écran et des enregistrements de messages et de conversations soi-disant privés, ainsi que des informations financières, des documents d’identité et autres données personnelles. Pour Graphika, ce deuxième aspect «illustre la manière dont les efforts de collecte de renseignements peuvent ensuite être militarisés pour intimider et discréditer les victimes» .
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