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Mon engagement total est pour venir à bout de l’extrémisme religieux par le savoir, la culture, la connaissance et l’éducation.
Nous, aumôniers, avons la charge d’assurer, dans les établissements hospitaliers de Chambéry et d’Aix les Bains (ainsi qu’au CHS de la Savoie – Bassens), le service du culte musulman.
Disposant de 7 auxiliaires à Aix les Bains, 15 auxiliaires à Chambéry et 2 à Bassens), nous fonctionnons avec une subvention depuis un peu plus de 2 ans. Le référent, éducateur spécialisé, chargé de l’encadrement, (avec sa compagne), a une longue expérience de l’aumônerie en milieu carcéral et hospitalier.
Les cadres des hôpitaux font appel, bien souvent, aux services de l’aumônerie, au dernier moment. Nous intervenons quotidiennement comme des « pompiers ». Le médecin et l’infirmière souhaitent, la plupart du temps, des réponses par retour. En fin de vie, chaque minute compte. Très souvent le cas exposé est lapidaire, laconique.
Notre mission, pour faire diligence et bien orienter la personne qui doit intervenir, exige de connaître le lieu où se trouve le patient et les problèmes qui justifient les appels. Lorsque nous recevons le mail sollicité, l’aumônier référent peut agir facilement auprès des auxiliaires.
Si les coordonnées téléphoniques du référent sont connues, l’absence de la plaquette de l’aumônerie fait défaut dans certains services, malgré que celle-ci ait été transmise par le « service communication ».
Dans nos échanges avec nos auxiliaires, nous vivons parfois des débordements religieux. Notre équipe est formée de bénévoles dont les motivations sont très diverses. Les bénévoles qui viennent à l’aumônerie, sont généralement des religieux fidèles de la mosquée. Certains s’impliquent dans la souffrance des malades, au même titre que sainte Teresa, ou Soeur Emmanuelle, missionnaires catholiques. De la même façon que les religieux, ils sont des messagers de l’amour de Dieu pour accéder au paradis céleste. Soigner les malades, comme Saint Camille de Lellis, précurseur de la bienfaisance, protecteur des hôpitaux et des malades, correspond aux préceptes religieux en islam.
D’autres sont là pour une opportunité personnelle. Cloitrées à la maison, elles sortent pour rencontrer du monde. Certaines, pour se former, voire passer des examens et ces différentes motivations les incitent à venir à l’aumônerie. En les gratifiant de responsabilités, ainsi reconnues, elles acceptent parfois ces remises en cause. Pour la majorité, elles manquent d’instruction mais se vouent, corps et âme, à l’aumônerie.
Dans sa culture initiale, le musulman, tout musulman à travers le monde, est allergique au concept de la “laïcité et à celui de la démocratie ”. Ces mots “laïcité et démocratie ” font peur, le rend malade, l’angoisse ! À ses yeux, “laïcité et démocratie” sont équivalents à « communiste », similaire à “l’athée”, à “l’irréligieux” !
L’objectif étant d’éviter ce que les aumôniers « redoutent par-dessus tout », à savoir l’entrée au sein de l’hôpital, sous le couvert d’activités cultuelles mais parfois aussi culturelles, de « membres des mosquées voisines, parfois salafistes ». Actuellement, encore, de nombreuses associations, savoyardes, extérieures des établissements, sous couvert de lavage ou transfert de corps, etc. interviennent dans les deux hôpitaux. L’impact de l’Arabie Saoudite dans nos quartiers est bien réel. Ce pays évolue selon un système féodal et tribal de plus en plus incompatible avec les évolutions du monde occidental. Les salafistes viennent de ce pays (et du Qatar). Il faut lire le livre d’Ardavan Amir-Aslani, « Arabie Saoudite, de l’influence à la décadence », récemment publié par l’Archipel.
Les récriminations des patients apparaissent de plus en plus fréquentes et incongrues. Tout comme, d’ailleurs, les revendications des personnels, en s’appuyant sur des exemples montrant des «incidents en majorité liés à l’islam», mais qui concernent aussi les autres religions.
L’aumônier ne doit trahir ni celui qui l’envoie, ni celui qui l’embauche. Cela doit être vécu « comme un mariage en alliance avec la laïcité. L’aumônier se trouve au carrefour du public et du privé, sans les mélanger ». Dans les mosquées, les échanges autour de la table se font avec des prières rituelles de bénédiction, avant et à la fin de chaque rencontre. Au début, à l’aumônerie, lors des nos entretiens, la prégnance religieuse avait tendance à organiser nos échanges. L’établissement étant laïc, avec tact et patience, nous avons instauré qu’à l’aumônerie, nous devions rester loin des prêches et des rites de la mosquée. Il a fallu 6 mois pour éradiquer ce problème !
Nous avons observé que l’univers des femmes reste, toutefois, fermé. A Aix les Bains, les hommes, n’ont pas réussi à s’intégrer. Les femmes excellent à fonctionner sans la présence des hommes. Pour la réalisation de la toilette des morts, cette distinction est nette. Les femmes s’occupent des femmes et les hommes, s’occupent des hommes.
Mais lors d’une des cinq prières journalières, parfois nous devons suspendre notre réunion pour satisfaire cette pratique musulmane qui est, certes, importante chez les musulmans. Elle est constitutive des 5 piliers de l’islam.
Les problèmes rencontrés sont divers : « Port du voile au sein même de nos équipes, prières à certains moments de nos réunions, aménagement des horaires pour ne pas manquer les permanences du vendredi, (prières à la mosquée), les jours de fêtes religieuses, etc.
Le côté vestimentaire est difficile à négocier. Certaines portent des vêtements qui les distinguent avec des foulards caractéristiques, mais le personnel soignant et les cadres de santé ne sont pas unanimes dans leurs appréciations. « Vous aimeriez qu’on s’habillent à la française, mais il y a des médecins qui nous disent que ça ne les dérangent pas ! ». Nous avons, aussi, rencontré des personnels soignants qui ne les ménagent pas : « Elles veulent les avantages de la France et garder leurs traditions ! ». La neutralité des tenues vestimentaires existe pour les fonctionnaires (infirmières, médecins, femmes de ménages, brancardiers,…), mais pas pour les usagers (malades, familles, visiteurs…).
Concernant les patients, quelques difficultés ont été constatées : « Des incidents dans les services d’urgence, des problèmes liés au respect des rites mortuaires, des difficultés entre patients, de confessions différentes, dans les chambres partagées !… »
Les refus de soins, de la part des patients, gorgés de cet « islam d’Internet » et des personnes qui se prennent pour des imams, veulent parfois imposer leur vision aux cadres de santé et à l’égard des musulmans même : Ex. Si pendant trois jours, tu ne fais pas ta prière, tu n’es plus musulman !
Il y a, depuis les attentats de janvier 2015, avec une multiplication des actes islamophobes, une surenchère permanente sur l’islam. Il y a quelques craintes de voir l’instrumentalisation de la laïcité et de la loi de 1905. Les demandes des patients dérèglent – encore plus – le rythme de l’hôpital et posent des problèmes de gestion quotidiens aux soignants.
Avant cette dérive islamique, la pratique religieuse était moins évoquée à l’hôpital. Certains patients observaient le ramadan sans le faire savoir. Les familles hésitaient à formuler des demandes, parce qu’elles appréhendaient les réactions du personnel. Lorsqu’un patient musulman voyait arriver du porc sur son plateau, il n’en mangeait pas, mais ne réclamait rien !
Il se présente, aussi, le cas de patientes refusant qu’un personnel masculin entre dans leur chambre, pas seulement pour des questions de pudeur. Celles qui refusent de serrer la main, personnes qui restent comme figées sur des livres islamiques. Celles aussi qui ne supportent pas d’être frôlées par un « chien », ce qui les obligera à refaire leurs ablutions. Des femmes (ou de leur mari) qui refusent d’être examinées par un médecin homme, ex. cette jeune femme avec son coach, un imam d’Arabie Saoudite, qu’elle brandit comme une barrière impossible à transgresser. Tenant tête aux médecins à l’hôpital de Chambéry, qui proposait une fin de vie raisonnable pour son frère : « Madame, depuis 3 jours, nos médecins se relayent pour votre frère trisomique, il ne s’alimente plus, son cerveau ne répond plus, cela ne sert plus à rien de vouloir le maintenir en vie ! ». Violente et hargneuse, la jeune dame ne démord pas. « Voulez-vous vous substituer à Dieu ? ….Mon frère est musulman ! Sachez que c’est Dieu qui donne la vie et c’est Dieu qui donne la mort. ». Cette intransigeance cachait simplement un grand désarroi !
Le rappel de la Charte de l’aumônerie, de la laïcité dans les hôpitaux, précisent que dans les établissements de soins, c’est la loi qui décide et pas la religion. Ce sont les médecins qui décident et pas l’imam, fut-ce un des grands imam de l’Arabie Saoudite. Une semaine après le décès de son frère, la jeune dame s’est déplacée à l’aumônerie confuse pour s’excuser.
Il s’agit de mettre en œuvre, au quotidien, au travers des équipes dans les nombreuses disciplines médicales, le soin à la personne et non pas au malade éthéré, désincarné, immatériel. Bien évidemment, des questions liées aux pratiques religieuses, ou plus généralement aux croyances, se posent régulièrement. Elles doivent faire l’objet d’une écoute, d’un dialogue, d’une prise en compte et généralement, elles donnent lieu à une réponse qui intègre le soin et le respect de la personne sans que l’hôpital ait en quoi que ce soit sombré dans le religieux.
Il y a des écarts. Il y a de la violence dans les services. Dans ces cas, il nous est demandé d’intervenir. Pour pondérer la foi religieuse, il y a une fausse paix dans les hôpitaux. Les valeurs républicaines restent encore menacées. Mais qu’est-ce la laïcité ? Les patients ont chacun leur interprétation. Il faut parfois composer avec les sensibilités religieuses. Un patient doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa religion. La religion a bien une place à l’hôpital car on ne saurait demander aux patients de laisser ses croyances à l’extérieur. Cela aide souvent à faire face à la maladie, permettant de se raccrocher aussi au monde extérieur, de continuer leur vie malgré des hospitalisations qui peuvent parfois être très longues. L’hôpital est un lieu où l’on doit souvent faire face à la mort. Dans ces moments difficiles, il me semble que les gens se rattachent forcément à leurs croyances. En ce qui concerne les patients, il est normal qu’ils puissent continuer de pratiquer leurs religions au sein de l’hôpital.
Nous avons pu constater des réticences de certains soignants qui n’aiment pas voir des aumôniers musulmans circuler dans les couloirs de l’établissement. Ceci oblige les auxiliaires d’attendre, de longs moments, dans le service, et qu’on les appelle. Tout au début, lors de notre démarrage, certaines personnes de l’aumônerie chrétienne, paraissant incrédule face à notre présence, semblaient remettre en question l’esprit des visites. « Alors, vous musulmans, vous visitez aussi les non musulmans ! ». Pourtant, le personnel hospitalier, en totalité, doit œuvrer dans un esprit de laïcité. « Bien évidemment ! Nous rencontrons les musulmans, mais pas que… !….aussi les chrétiens et les juifs, quand il y en a ! C’est le sacerdoce de tous les aumôniers ! »
Les cadres de santé doivent répondre aux patients et à leurs proches sur un plan professionnel et non pas par rapport à leurs convictions personnelles. Certains cadres donnent libre cours à un discours aux accents de laïcité fermée et crispée. L’homme et la femme, quelque soit sa religion, a des idées, une culture, une croyance, une spiritualité, une identité !
Nous avons noté des défaillances au niveau des cades de santé. Lors de récentes invitations des vœux, l’un d’entre eux s’y est opposé. Nous constatons que notre fascicule ne serait pas affiché partout, la présence des aumôniers musulmans surprend encore….
Récemment, une carence a été observée à l’accueil d’Aix les bains, concernant le transfert des messages à l’aumônerie musulmane !
Le patient hospitalisé n’est pas seulement un malade. Il est, avant tout, une personne avec des droits et des devoirs. L’établissement de santé doit respecter les croyances et les convictions des personnes accueillies. Un patient doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa religion (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté d’action et d’expression), etc.,….
Pour le patient, les hôpitaux sont des lieux de souffrance où la spiritualité peut occuper une place primordiale. Pour certains malades, « c’est une pratique intégrante du quotidien. Elle peut constituer une place importante dans le processus de guérison ». La mort à l’hôpital, lieu de décès d’une grande partie de nos concitoyens et résidents de France, doit être accompagnée des rites funéraires propres à l’anthropologie humaine en fonction des cultures.
Les religions se présentent comme des fontaines de paix, de justice, de morale. Pourtant, l’Histoire et l’actualité montrent combien cette image est partielle, voire partiale. Dans notre France laïque, elles passent souvent pour des foyers autoritaires d’ignorance, d’hypocrisie et finalement de sévices variés, dont souffriraient leurs fidèles comme les autres, croyants ou non.
Nous constatons tous, un manque de formations sur les questions de laïcité et de gestion du « fait religieux » dans le secteur hospitalier. L’exposition des panneaux sur le « Fait Religieux et la Laïcité » ont été réalisé dans de nombreux lycées et Universités, en Savoie et en Isère, dont au CHS Savoie-Bassens. Nous avons débattu et disposons d’un programme complet sur le sujet.
Nous avons des projets d’une exposition de ces panneaux dans les anciens bâtiments de l’hôpital. La conférence organisée par l’établissement le 14 décembre 2017 était une première : « REGARDS CROISÉS SUR LA LAÏCITÉ ET LA RELIGION À L’HÔPITAL ».
Utilité de la formation : Il y a une laïcité agressive contre les religions. Elle existe. Nombreux pensent toujours que la religion musulmane n’est pas compatible avec les lois de la République et la laïcité. Musulmans et non musulmans,… il faut relire Averroès.
Les personnels hospitaliers s’interrogent-il, au quotidien, sur les questions et la Charte du patient hospitalisé ? (Circulaire ministérielle du 6 mai 1995, consolidée ensuite par la Loi du 4 mars 2002 sur les droits du malade et les dispositions de la circulaire du 2 février 2005).
Cette dernière disposition, issue de la Commission Stasi sur la laïcité, précise l’application de la laïcité à l’hôpital. (Photo, j’ai collaboré, dans ce programme avec Bernard Stasi)
L’approche de la maladie en Islam, cristallisé dans sa diversité, (iranien, saoudien, afghan, qatari, maghrébin), n’est pas la même que dans nos sociétés occidentales ! La connexion de cet islam très divers et sa confrontation avec le concept de laïcité restent, aujourd’hui, plus qu’auparavant, laborieuses, compte tenu de la menace islamiste. La question du fait religieux à l’hôpital fait irruption dans l’actualité.
Comment la religion cohabite-t-elle avec l’impératif de la laïcité des établissements de soins ? Les patientes qui refusent de se faire soigner par des médecins hommes, soignants qui portent de manière ostentatoire des signes religieux…etc., etc. Comment résoudre les éventuels conflits entre convictions religieuses et législation ?
Nous appelons surtout à « poursuivre les actions de formation des personnels hospitaliers entreprises depuis plusieurs années », en disant souhaiter « un discours commun à tous les établissements ». Reste un « point de vigilance » : « La crainte que notre culte ne se développe pas, compte tenu des contraintes budgétaires de l’établissement ». Nos aumôniers demandent que « le CFCM les aide financièrement, comme l’Église le fait pour les aumôniers catholiques ». Ils font appel aussi à leur propre association.
Beaucoup de personnels ne savent pas ce qu’est la laïcité. Ils sont peu ou pas formés à ces questions. Côté soignants, en formation initiale, la discipline “Culture et religion” doit être enseignée mais le module est optionnel selon les écoles. En revanche, il n’est pas du tout abordé en faculté de médecine. Ainsi, au sein d’une même équipe, les comportements seront discordants pour une même situation. Pourtant, les personnels ne doivent pas réagir en fonction de leurs convictions personnelles mais bien en fonction de la législation républicaine. Et c’est bien là le problème. Que ce soit le personnel, les patients ou les familles, peu de personnes connaissent les règles à appliquer à l’hôpital.
Enfin, concernant la présence des cultes au sein des établissements de santé, par l’intermédiaire des aumôneries, nous nous félicitons de l’adoption de plusieurs textes (et notamment de la Charte des aumôneries hospitalières) qui « ont permis une clarification du statut, du rôle des aumôniers et de leur origine ». « Ils les ont ancrés dans les équipes hospitalières au sein desquelles ils jouent un vrai rôle de médiateur ».
Rappelons les principes fondateurs de la loi de 1905. Ils visent à permettre de vivre ensemble et de construire en commun une société démocratique où prévalent un certain nombre de valeurs universelles. Elles garantissent la liberté de conscience et d’expression publique de ses croyances ou engagements, la liberté de croire ou non à une transcendance, de pratiquer une religion ou de n’en pratiquer aucune et l’égalité des droits, qui se traduit en terme plus moderne par un principe de non-discrimination (Article 1 « La République assure la liberté de conscience »). Elle s’impose aux services publics et à leurs agents qui doivent être neutres par rapport à tous les usagers pour leur assurer une vraie égalité de traitement, mais ne peut servir à discriminer des patients et leur famille sur des critères religieux.
La Charte du patient hospitalisé dit-elle autre chose ? « Du respect de la personne et de son intimité. Comment les personnels doivent-ils aborder ces questions ultrasensibles?
Ils peuvent interroger le patient à son entrée: «Pour améliorer les conditions de votre séjour, je voudrais connaître vos habitudes alimentaires. Quels sont vos goûts? Observez-vous des interdits d’origine religieuse? Avez-vous l’habitude de vous rendre à un lieu de culte ou de prier?» Si le patient répond par l’affirmative, l’infirmier peut alors lui demander sa religion, en faisant valoir que cela peut aider l’hôpital à mieux le prendre en charge (examens, régime…). En outre, quand un patient est entendu, écouté, il se sent plus en confiance ! Et puis connaître la confession du patient permet d’éviter des impairs médicaux. En psychiatrie, des soignants pensent parfois que leurs malades ont des TOC (troubles obsessionnels compulsifs) parce qu’ils utilisent uniquement leur main droite pour se nourrir ou se laver. En fait, l’islam considère le côté gauche comme impur! Un autre exemple, celui d’un défunt musulman présenté à sa famille mains jointes par les infirmiers. Cette posture est considérée par l’islam et le judaïsme comme une offense au disparu !
Pourquoi le personnel soignant est-il si rétif à aborder ce sujet? Par crainte de mettre à mal la laïcité ou par méconnaissance ? C’est la résultante d’une absence de culture religieuse – il n’est pas question, ici, de «foi» – dans notre société. Certains n’osent pas répliquer à des patients qui leur demandent tout et n’importe quoi par crainte de profaner leur culte. Et les requêtes sont de plus en plus délirantes ! Un hôpital public n’est ni un hôtel ni un lieu de culte! Il faut que les personnels apprennent, lors de leur formation, les éléments de base de la culture religieuse. Aujourd’hui, ces points sont abordés sous l’angle ethnologique. Les questions éthiques et médicales sont trop rarement soulevées.
Jusqu’où peut-on satisfaire les revendications des malades? Il y a un point sur lequel on ne peut pas transiger : l’impératif de santé. Il doit toujours passer avant les interdits religieux, et ce, quels que soient les préceptes à transgresser. Toutes les religions tolèrent des aménagements. Trop de patients ignorent ces nuances de première importance ou font semblant. C’est la question des versets abrogés et abrogeant du Coran. Ainsi, des femmes enceintes refusent de cesser de jeûner pendant le ramadan. Ces jusqu’au-boutistes sont souvent des jeunes gens se cachant derrière le « Livre », qu’ils connaissent généralement mal dans ses interprétations.
Que peut-on, que ne doit-on pas tolérer ? Est-ce, comme pour l’école, une loi nécessaire pour préserver la laïcité à l’hôpital ? L’arsenal juridique existant est suffisant mais non appliqué ! Il faudrait le faire connaître aux soignants et au grand public. Mais ce qui est rendu possible par l’organisation hospitalière est bien différent. Dans de nombreux établissements, il est normal de devoir passer par l’intermédiaire de l’aumônier catholique pour contacter l’imam ou le rabbin !
Il est important que tous ceux qui ont envie de construire la paix – croyants, religieux et athées – se mettent autour d’une même table et construisent, ensemble, un monde meilleur : celui de demain. L’époque nécessite de défendre des valeurs de rassemblement.
Des tables rondes doivent, sans cesse, s’organiser, mêlant religieux et laïcs. « Le dialogue interconvictionnel » doit reprendre. La laïcité est-elle « battue en brèche à l’hôpital ?”
Chacun a pu réaffirmer à quel point le dialogue dans le respect, la rencontre avec l’autre, l’éducation des enfants, sont importants et peuvent être fructueux bien au-delà des croyances et incroyances.
En conclusion des débats, la philosophe Catherine Kintzler a observé que : « la notion de paix sociale ne va pas de soi. Chacun dit qu’il faut accepter de se fâcher un peu avec soi-même, avec des traditions que l’on a cru peut-être immuables. Accepter le fait qu’on puisse se désarmer, au fond se sentir parfois un peu démuni, pour que la raison s’exerce et que l’on puisse travailler les arguments ».
Comme l’a écrit Simone Veil : « Venus de tous les continents, croyants et non croyants, nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes… »