Vues:
793
La menace que représente l’ultra-droite.
Les conclusions du rapport parlementaire sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France ont été rendus publiques jeudi 13 juin 2019.
Constituée en janvier à l’initiative des députés de La France Insoumise, la commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite a rendu public, jeudi 13 juin, ses conclusions et ses recommandations sur les manières de contenir la propagation des idéologies radicales de l’extrême droite en France.
Le rapport alerte sur l’émergence d’une « tentation terroriste » de groupuscules de l’ultra-droite regroupant entre 2 000 et 3 000 activistes en France selon les services de renseignements. Dans ce tas, « un noyau d’un millier de militants (sont) susceptibles de se livrer à des faits de violence, des activistes sur lesquels nous avons réuni des éléments montrant qu’ils sont déjà passés à l’acte ou qu’ils pourraient le faire », selon Nicolas Lerner, patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). En témoigne le projet de militants d’ultra-droite regroupés sous l’appellation « L’oiseau noir » – récemment démantelé – en vue de commettre des attaques contre des musulmans et des juifs.
Des violences qui atteignent « un degré d’intensité préoccupant ». Si la menace ne concerne actuellement « qu’une petite fraction des militants des groupuscules d’extrême droite », « elle ne doit toutefois pas être prise à la légère », les violences commises par ces activistes d’extrême droite ayant atteint, ces dernières années, « un degré d’intensité préoccupant », signifie le rapport.
Par ailleurs, Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, pointe le risque « de voir émerger des loups solitaires nourris par la propagande diffusée par les groupuscules, notamment sur Internet », sur le modèle du terroriste norvégien Anders Breivik qui a notamment inspiré l’auteur des attentats de Christchurch en mars.
Des groupuscules agissant comme des « prestataires de service » pour le RN. Ces groupuscules, englobés dans l’appellation extrême droite, s’éparpillent dans plusieurs petites organisations de tendances diverses. Mais qu’ils soient néo-nazis, skinheads, néo-populistes, ultra-nationalistes, identitaires ou « survivalistes », ils se retrouvent sur des idées communes que sont « une détestation des institutions républicaines, notamment dans ses dimensions de laïcité et d’intégration »et « la commission d’actes et de discours à caractère haineux », ces groupuscules n’hésitant pas à emprunter « des théories à relent xénophobe, telles que le grand remplacement auquel ils adhèrent tous, soit pour le constater, soit pour l’ériger en programme politique ».
Lire aussi : L’extrême droite en Europe : des visages multiples pour des risques communs
Voulant se substituer aux forces d’ordre, et comptant d’ailleurs dans leurs rangs d’anciens agents de la police ou de la gendarmerie, ces groupuscules multiplient les opérations de « sécurisation », n’hésitant pas « à usurper les fonctions régaliennes, prérogatives de l’État », à l’image de Génération identitaire avec son opération anti-migrants réalisée en 2018 à la frontière franco-italienne.
Leurs actions s’inscrivent de plus en plus dans une « volonté de paraître respectables dans le champ politique et militant traditionnel », tout comme le Rassemblement national s’assure de le faire dans le cadre d’une « stratégie de “dédiabolisation” » voulue par Marine Le Pen.
Par ailleurs, soulève le rapport, ces groupuscules d’extrême droite « ont bien des liens avec le Rassemblement national » (ex-FN). Pour l’historien Nicolas Lebourg, « aujourd’hui, les radicaux ne sont pas dans le parti : ils sont prestataires de services ».
Ces groupuscules « sont à la recherche de la plus grande exposition médiatique possible. Ce ne sont plus des groupuscules qui se réunissent dans des arrière-salles pour fomenter d’obscurs complots ; ils cherchent désormais à apparaître en première ligne, en première page des journaux et sur Internet », lit-on également.
Renforcer les poursuites et les sanctions contre les militants de la haine. « L’émergence d’une nouvelle tentation terroriste d’ultra-droite doit toutefois être prise en compte avec sérieux. L’importance de la menace islamiste ne doit pas faire reculer la vigilance quant à celle de l’ultra-droite (…) largement nourrie par la première », indiquent les auteurs du rapport, qui ont émis 32 recommandations visant à contenir la propagation de l’idéologie d’extrême droite dans la société.
Le rapport suggère d’abord de « renforcer les poursuites contre les auteurs haineux » à travers des mesures permettant de faciliter leur identification, d’« inscrire l’ensemble des délits d’expression à caractère raciste et discriminatoire dans le Code pénal » et d’« allonger la durée de prescription en ce qui concerne les atteintes à caractère raciste, antisémite, homophobe et sexiste à six ans » et de « redonner sa pleine portée au délit de provocation à la haine ou à la violence raciste, en supprimant l’exigence, introduite par la jurisprudence, d’une exhorte ».
Ses auteurs appellent également à prévoir la dissolution des groupuscules n’adoptant aucune mesure contre les discours et agissements haineux de ses membres et à « accorder une importance particulière au suivi des membres ou anciens membres des forces armées ou de sécurité intérieure impliqués dans des groupes d’ultra-droite ».
Les plateformes de financement participatif dans le viseur.
La commission, qui a Muriel Ressiguier (LFI) pour présidente et Adrien Morenas (LREM) pour rapporteur, souhaite également une clarification du « régime de responsabilité des plateformes de financement participatif en ligne à l’égard des actions qu’elles permettent de financer et les soumettre à des obligations de déclaration de soupçon quant à l’origine des fonds ». Une recommandation née du constat que l’utilisation des « cagnottes » par les groupuscules d’extrême droite – du type de celle lancée par Génération identitaire pour empêcher le sauvetage de migrants en Méditerranée – serait en explosion selon Tracfin, le service gouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Autres recommandations, celle d’« imposer une plus grande transparence aux intermédiaires de la publicité » et d’« encourager les initiatives de type “name and shame” (“désigner et dénoncer publiquement”) visant à publier la liste des annonceurs dont les contenus sont visibles sur des sites diffusant des propos haineux ».
Vers une extension du champ d’action du CIPDR ?
Aussi, la commission recommande d’étendre le champ d’action du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) « à la radicalisation identitaire et à d’autres formes de radicalisation (anarchiste, antisioniste, vegan) ».
Dans cette optique, le rapport incite à « élargir le champ du site “Stop-Djihadisme” aux formes précitées de radicalisation et le rebaptiser “Stop-Radicalisation” » et « à introduire un module de sensibilisation aux risques liés aux différentes formes de radicalisation dans le cadre du Service national universel».