L’école fait face à une crise des vocations. Plus de 4 000 postes n’ont pas été pourvus lors des concours enseignants de 2022. Pour combler les trous, la rue de Grenelle compte sur les contractuels mais aussi sur les « deuxièmes carrières » en reconversion dans l’Éducation nationale après un premier parcours professionnel.
Des professionnels qui sont pourtant loin d’être choyés. Le rapport annuel 2021 de la médiatrice de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti-Bizot, remis ce 25 juillet, pointe les difficultés récurrentes dans les processus d’affectation et de mobilité de ces nouveaux venus. De quoi décourager les candidats au métier.
SAISINES LIÉES À L’AFFECTATION
En 2021, 17 % des réclamations des personnels ayant saisi la médiation de l’Éducation nationale concernaient des difficultés liées à l’affectation et à la mobilité. Soit près de 600 saisines au cours de l’année. Être éloigné ou séparé de sa famille, ne pas pouvoir s’occuper d’un parent handicapé « sont des sources renouvelées de souffrance et de démotivation pouvant avoir des répercussions dommageables sur la carrière des personnes mais aussi, à plus long terme, sur l’équilibre du système éducatif (manque d’attractivité, démissions, etc.) », alerte régulièrement la médiatrice.
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Elle explore plus particulièrement cette année la situation particulière des deuxièmes carrières, dont l’« expérience professionnelle antérieure » devrait être, à ses yeux, mieux reconnue. Première difficulté : la rémunération. Comme en témoigne, dans le rapport, « Monsieur V ». Passé par des cabinets d’experts-comptables et des directions financières, ce quinquagénaire a voulu se reconvertir en fin de carrière au sein de l’Éducation nationale. Pour cela, il a obtenu l’agrégation externe d’économie et de gestion. « Mes collègues enseignants du public m’avaient certifié qu’au vu de mon expérience, je serais reclassé à un bon indice », raconte-t-il. Sauf que les textes en vigueur ne permettent pas de prendre en compte son parcours dans le secteur privé, alors même que celui-ci est lié directement à la discipline qu’il souhaite enseigner. Résultat : malgré ses 20 ans de carrière professionnelle, Monsieur V. n’est finalement classé qu’au troisième échelon de la grille, comme un débutant…
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« Madame A. » a aussi fait les frais du système d’affectation. Préparatrice en pharmacie en formation, elle a souhaité il y a six ans enseigner la biotechnologie en lycée professionnel. Recrutée comme contractuelle, elle a passé, avec succès, un concours pour être titularisée. « Cette expérience professionnelle a été une révélation pour moi : je me suis complètement investie dans ce nouveau métier », raconte l’enseignante.
Après son année de stage, c’est naturellement dans son académie qu’elle postule, tout en formulant quatre autres vœux par précaution. Elle n’est finalement retenue à aucun de ces postes. « Je n’ai obtenu aucun de ces cinq vœux et me retrouve affectée à titre définitif en région parisienne, à 350 km de ma résidence familiale ! témoigne Madame A. Mon conjoint est gérant de son entreprise. Il ne peut envisager un déménagement. Quant à moi, j’ai 52 ans : si un déménagement était envisageable il y a quelques années, ce n’est plus possible aujourd’hui, compte tenu de mes problèmes de santé… »
Autre situation mise en avant par la médiatrice : celle de Monsieur C., affecté après reconversion dans une autre académie que celle où il réside, alors même qu’il avait connaissance de postes vacants et que son fils, travailleur handicapé, requiert sa présence à ses côtés.
MENACE POUR LE RECRUTEMENT
Si la médiatrice reconnaît que ces situations ne représentent qu’une « part relative des saisines […] par rapport au nombre d’affectations et d’opérations de mouvement effectuées chaque année », elle craint tout de même qu’elles nuisent à l’attractivité du métier et au recrutement de deuxièmes carrières : « Il existe une contradiction entre un discours volontariste visant à diversifier les profils en recrutant des seniors ayant un parcours qui constitue un enrichissement pour leur enseignement au profit des élèves, et une application stricte du principe d’égalité de traitement par le barème, alors que ces personnels ne sont pas dans une situation comparable à celle de leurs collègues titulaires depuis plus longtemps », alerte le rapport.
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Certes, la gestion des ressources humaines est d’autant plus complexe dans l’Éducation nationale que ce ministère gère le plus gros bataillon de la fonction publique. En 2020-2021, 1 201 500 personnels étaient affectés en poste au sein de cette administration. Les affectations, les mobilités, les revalorisations obéissent à des grilles de progression et à des critères très précis. Si ce système est censé garantir l’égalité et prendre en compte les situations personnelles des salariés, il n’est pas rare qu’il dérape. Et que des enseignants attendent des années pour obtenir une mutation.
Ca va de soi! Mais ça ne suffira pas à redorer le blason du métier. Il faut aussi améliorer les conditions de travail, et retirer aux parents ce pouvo …
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La médiatrice recommande d’ « adapter les textes statutaires » pour mieux valoriser l’expérience professionnelle antérieure. Une avancée qui permettrait sans doute d’améliorer l’attractivité du métier pour les profils en reconversion. Peu probable pour autant que cela soit suffisant pour répondre à la crise structurelle du recrutement. Et au malaise des enseignants.