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Le Forum de l’islam de France (FORIF) est officiellement né ce samedi à l’issue d’une rencontre organisée au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Le Conseil français du culte musulman (CFCM) disparaît et, avec lui, espèrent en tout cas les autorités françaises, les relations contre nature entre des puissances étrangères et les différentes fédérations islamiques.
Gérald Darmanin au Forum de l’islam de France (AFP)
Les imams seront désormais majoritairement Français et formés en France. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, l’a clairement fait comprendre à ses interlocuteurs, ce samedi lors de son discours devant le Forum de l’islam de France (FORIF), qui remplace désormais le défunt Conseil français du culte musulman. L’Etat veut mettre un terme aux discours qui, jusque-là, pouvaient diffuser une vision de l’islam basée sur des lectures de pays étrangers. Même si cette décision a déplu de l’autre côté de la méditerranée, elle semble être irréversible.
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Elle a été prise à l’Elysée “après mûre réflexion”, explique-t-on place Beauvau. Gérald Darmanin s’était lui-même chargé de notifier à l’Algérie, au Maroc et à la Turquie la fin des “imams détachés”. En clair, ces trois pays qui, depuis plusieurs années, envoyaient régulièrement des religieux pour garder un lien avec leurs ressortissants ne pourront plus le faire à partir de 2023. Devant le FORIF, Gérald Darmanin a réaffirmé son attachement à la laïcité tout en rappelant, comme un clin d’œil, que depuis des lustres, “on ne compte plus les Rois qui ont mobilisé leur énergie pour que le pouvoir religieux en France ne dépende pas de tutelles étrangères”.
Les puissances étrangères accusent le coup
Même si les pouvoirs algériens et marocains ne reçoivent guère cette annonce avec enthousiasme, ils accusent discrètement le coup alors que cette décision les prive d’un levier qu’ils n’ont eu de cesse d’utiliser, tantôt pour des questions de politique interne, tantôt pour des sujets diplomatiques. Les plus pénalisés sont toutefois les Turcs.
Recep Tayyip Erdogan et son pouvoir ont fait de l’instrumentalisation de l’islam sur le sol européen une approche stratégique pour au moins deux raisons : d’abord parce que l’autocrate turc réalise en France auprès de ses compatriotes (et c’est davantage le cas dans les autres pays européens) des scores électoraux 15% plus importants que ceux obtenus dans son pays, ensuite parce que les associations islamiques – y compris les adeptes du Milli Görüs – représentent un vecteur d’influence important pour la politique d’Ankara. C’est aussi le cas des autres fédérations, celles liées au Maroc et à l’Algérie, largement influencées par le pays d’origine qui d’ailleurs parfois importent leurs divergences sur le territoire hexagonal.
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Mais ce n’est pas tout. Loin des caméras et des projecteurs, Emmanuel Macron, mais aussi Gérald Darmanin, ont voulu agir auprès de deux autres puissances qui n’ont eu de cesse d’influencer l’islam de France même si elles ne disposent pas de diaspora installée dans l’Hexagone : l’Arabie saoudite et le Qatar. Les premiers, promoteurs historiques du salafisme et les seconds sponsors des Frères musulmans ont été sensibilisés -diplomatiquement- quant à la nécessité de cesser leur soutien à des associations toxiques.
Selon les informations du JDD, une liste d’une dizaine d’associations, diffusant l’idéologie des Frères a été remise récemment aux autorités qataries qui auraient ainsi cessé immédiatement tout financement. D’un autre côté, une voix importante au ministère de l’Intérieur se réjouit de constater que “les Saoudiens sont désormais plus réceptifs” et acceptent de ne plus sponsoriser des groupements qui prônent le séparatisme en France.