Vues:
311
La Laïcité est la clé de la construction de la citoyenneté, on en connait tous les fondamentaux :
◦ liberté́ de conscience, liberté de culte,
◦ séparation des institutions publiques,
◦ égalité́ de tous devant la loi, etc.
Et quand on a dit tout cela, après une carrière dans la Protection Judiciaire de la Jeunesse, puis vingt et une années bénévole dans l’aumônerie pénitentiaire et vingt-six année dans l’hospitalière, quand on a rappelé́ ces préceptes fondamentaux, on reste toujours aussi démuni, face à l’appréhension de la laïcité dans le milieu des imams et des aumôniers.
Abdel-Malik Petitjean, l’énigme d’une bascule que personne n’avait vue. L’adolescent fréquentant la mosquée Salam à d’Aix les Bains, dont les responsables ont expliqué n’avoir décelé aucun signe de radicalisation. Devenu terroriste, il est allé tuer un prêtre, le père Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray avec un autre camarade. Personne ne s’était rendu compte de la radicalisation d’Abdel-Malik Petitjean. Ni sa mère, ni les responsables de la mosquée ne comprennent le pourquoi de son geste.
L’hôpital public n’est pas épargné, actuellement, par le radicalisme religieux, estime Patrick Pelloux dans un communiqué du 04/03/2022. Comme dans d’autres services et établissements publics, la radicalisation, le prosélytisme religieux et les atteintes à la laïcité constituent une réalité et un risque à l’hôpital, alerte l’urgentiste Patrick Pelloux. La pandémie et le drame de l’Ukraine, rejettent au second plan ces problèmes. Nous avons toujours des dormant en France.
Devant son incurie, le CFCM1 sera enterré par le Ministre de l’intérieur, Darmanin. Dans son rôle, entre-autre, le CFCM avait en charge la formation des imams et des aumôniers. Le Président de la République a demandé́ aux fédérations du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) de signer une “charte des valeurs républicaines“ et de créer le “Conseil national des imams“ (CNI). Rien de satisfaisant n’ayant été réalisé, dans la foulée, l’Etat crée le FORIF2. Cela veut dire que la France n’en veut plus de l’accueil des aumôniers étrangers, venant des pays d’origine. C’est là, le souhait fervent de la plupart d’entre-nous. A présent, il est nécessaire de « former les aumôniers résidents en France ». Ces derniers s’occupant de nos enfants, la question de la formation est fondamentale. Ce concept de laïcité́, tout le monde en parle, mais il reste encore obscur par endroit. Cette formation devient ainsi essentielle, pour cette catégorie de population.
Cela d’autant que les sondages montrent qu’une grande majorité de musulmans accordent une importance prioritaire à la foi et manifestent de grandes réticences à l’idée de s’associer à la laïcité. Cette dernière est injustement apparentée à l’athéisme. Les deux concepts − foi et laïcité – leur paraissent incompatibles dans ce monde où la croyance en Dieu et l’observance des pratiques religieuses doivent, à leurs yeux, dominer et régler la vie quotidienne. La dévotion, la piété, le rappel des pratiques rituelles, et l’au-delà sont les préoccupations d’ordre eschatologique, essentielles.
Nous affrontons là, des abimes d’incompréhension dont par exemple la difficulté́ à admettre la liberté́ de changer de tradition religieuse : « C’est bien cet aspect de la laïcité qui vous inquiète, que vous refusez ? Pourquoi, vous sentez-vous concerné par cette disposition ? Personne ne vous impose cela. Si toutefois votre voisin veut changer de religion, est-ce une raison pour lui couper la tête ? Si on est d’accord sur ce point, nous sommes sur le chemin de la laïcité ». Cette position a l’avantage de la clarté, dénuée de toute ambiguïté !
Référent de dix-sept aumôniers hospitaliers, ces derniers sont ainsi tous animés d’une foi inébranlable, d’un besoin « d’aider autrui », correspondant à des devoirs religieux en islam, mais malheureusement, toujours éloignés de la laïcité : ce sont des fidèles, des croyants présents tous les vendredis à la mosquée.
La question est brulante. Depuis quarante ans, j’ai ce souci de vouloir trouver un moyen, une idée, pour faciliter l’approche de ce concept auprès de mes aumôniers : « Nous sommes en France, le concept de la laïcité est fondamental ; l’islam a connu une forme de laïcité avec les Mutazilites et Averroès. La Turquie, avec Mustapha Kemal a créé le premier Etat laïque et républicain dans le monde musulman ! La laïcité n’est pas dans les mœurs ! ».
La sempiternelle question revient : Comment étendre la formation de la laïcité, celle civique et civique avec l’apport coranique, dans les meilleures conditions, avec une diffusion plus générale sur le territoire ? Tout le monde en reconnait l’importance, mais il n’y a pas de formation à la hauteur de ce manque. Le retard est grand, la méconnaissance chez nos aumôniers est abyssale. La nécessité de personnes qualifiées, en nombre suffisant, est souhaitée pour rappeler au quotidien son importance. Les sachants doivent en parler beaucoup plus régulièrement, profitant aussi des médias, pour habituer nos populations à ce concept.
Républicain et laïque, je veux dialoguer avec des esprits éclairés, en écrivant un livre4 et en souhaitant vivement le partager. Vivre, c’est aussi dialoguer pour apporter, pour réparer.
Faisant partie du comité́ directeur de la Fraternité́ d’Abraham depuis 40 ans, une antenne locale en Savoie s’est créée : l’Union des Enfants d’Abraham, (UDEA). Avec ces associations, dont l’Association de Recherche sur les Processus de la Radicalisation, (ASPRA), nous sillonnons la région Rhône-Alpes depuis de longues années. J’ai, dans un domaine particulier, soustrait des griffes de Daech trois gamines radicalisées. Leur objectif, se rendre en Syrie. J’étais très serin pour leur dire : « Au nom de l’islam, on tue ? Ce n’est pas ça l’islam, mais pas du tout ! ».
Devant tant de difficultés, mon questionnement, en direction des grandes organisations nationales est sans équivoque. La FIF3, dirigée par Ghaleb BENCHEIKH, la Grande Mosquée de Paris, avec des actions hautement médiatiques, toutes me paraissent bien loin des inquiétudes développées, annoncées.
J’ai bien admiré le rapport moral de Ghaleb à notre AG, mais il faut, qu’avec les administrateurs de « Religions pour la Paix – France », nous puissions aller aussi dans le quotidien pour domestiquer ce concept. Ce qui se traite dans les grandes associations nationales n’est pas toujours en phase avec la réalité. Certes, les attentats ne sont pas banalisés ; ils sont dénoncés, alors qu’ils sont insupportables. C’est cruel et inadmissible.
Les souvenirs de mon aumônerie pénitentiaire, restera pénible. Un besoin ardant d’aider me contraignait à l’acharnement. Se rendre, pendant vingt et un ans à la Maison d’Arrêt était une souffrance. Comment l’amoralité se conjugue au quotidien, comment l’être humain est ainsi rabaissé, et aidé par d’autres humains ?
En tant qu’homme de terrain, ces difficultés mènent aux questionnements : « Comment trouver la façon « magique » pour que ce concept, qui fait l’honneur de la France, soit adopté, instauré par l’ensembles des imams et des aumôniers ? Qu’il soit enfin plus partagé, plus propagé sur notre territoire ».
Comment combler cette lacune, car nous voyons bien, dans les hôpitaux, les burqas, les niqabs. C’est difficile d’obérer des changements, des adaptations à la société française, quand la préparation, la réflexion n’y sont pas. Le Français lambda, celui de la France profonde est tourmenté, on le voit bien. Les politiques en parlent à gorges déployées. Nous avons tous en mémoire les 267 français assassinés et on ne peut pas esquiver l’argument.
Je dispose déjà d’un diaporama sur les dérives sectaires et d’un PowerPoint pour aborder sous angle qui se voudrait pédagogique, et d’un site5, dans lequel les personnes peuvent trouver des informations très générales, mais surtout des possibilités de formation à la laïcité, à la carte, par correspondance et toujours dans l’esprit du bénévolat. C’est un budget.
Pour une approche différente de la laïcité, la création de nouveaux outils serait opportune avec des panneaux sur le fait religieux et un diaporama sur les dérives sectaires. Les articles de loi sur l’enseignement du fait religieux à l’école sont menés par le député-maire d’Aix-les-Bains, Dominique DORD en 2015, (Proposition de loi n° 2515), et on est toujours fier d’y avoir participé. Dans les quarante-deux panneaux créés, chacune des religions y est représentée par trois panneaux en infographie de 60 sur 80, cela jusqu’aux religions les moins connues. Des conférences interreligieuses entre Juif, Catholique, Protestant, Musulman et parfois Bahaïe et Bouddhiste bouclent la fin des expositions, à la suite d’une bonne dizaine de jours.
Il faut vraiment qu’on arrive à aider et à former ces imams et ces aumôniers. Ils seront des futurs agents de l’Etat de la France future. Cette question devrait être d’actualité.
Le président de CMRP-France6, Ghaleb BENCHEIKH, remercie Foudil BENABADJI pour son témoignage et dit qu’on ira en Savoie, en force et en délégation CMRP-France !
4 Un ouvrage de F. Benabadji : La laïcité, une conquête de l’esprit humain (épuisé́) https://www.decitre.fr/livre-pod/la-laicite-une-conquete-de-l- esprit-humain-9782374801681.html. Quelques exemplaires sont encore disponibles.
5 https://education-citoyenneteetderives.fr
6 Conférence des Religions pour la Paix – France
Rapport de la Commission laïcité pour l’AG du 6 mars 2022 4/4
Un précédent travail a été édité dans le site et la revue de la Fraternité d’Abraham N° 190, 12 pages. « L’Aumônerie musulmane hospitalière en Savoie ». https://www.fraternite-dabraham.com/2020/
Les aumôniers musulmans ont reçu les cadres de santé et l’aumônerie catholique de l’hôpital d’Aix les Bains.
Chacune des religions est représentée par trois panneaux.
42 panneaux représentent l’ensemble du programme