Dans l’histoire douloureuse et complexe de la guerre d’Algérie, on a en tête le rapport de force entre l’armée française et les combattants algériens du Front de libération nationale (FLN). On connaît moins, en revanche, le rôle plus pacifique et discret que certains ont eu dans le conflit.
Diffusé dimanche 3 juillet à 10 heures, sur France 2, le documentaireles Veilleurs de l’Évangile a choisi de mettre en lumière des chrétiens, protestants ou catholiques, qui ont milité pour l’indépendance de l’Algérie à la fin des années 1950. Surveillés, parfois arrêtés et torturés par les militaires français ou assassinés dans des attaques terroristes, ils sont pourtant souvent restés les oubliés de cette page d’Histoire.
Le réalisateur de documentaires Richard Berthollet réhabilite ces militants chrétiens et les fait témoigner aujourd’hui, dans une coproduction œcuménique des émissions Le Jour du seigneur et Présence protestante. Évoquant leurs souvenirs avec émotion, ces témoins de la guerre racontent notamment leur rôle dans les centres sociaux catholiques, au cœur des bidonvilles et des campagnes de l’Algérie colonisée.
Un cardinal rebelle
C’est au contact de ces populations plongées dans la misère que les travailleurs sociaux catholiques, et notamment les prêtres ouvriers de la Mission de France, se sensibilisent à la question de l’indépendance algérienne et commencent à militer. Certains cachent des membres du FLN (comme le diplomate Salih Benkobbi qui témoigne dans le documentaire), quand d’autres documentent et dénoncent la torture des enfants algériens par des militaires français.
Parmi les témoins révoltés par cette violence, le prêtre jésuite Stanislas Hutin a bien du mal à faire entendre sa voix dans les aumôneries, où on peine à le croire. Il doit lutter contre l’incompréhension d’une partie de la communauté catholique, qui a même surnommé « Mohamed Ben Duval » un autre prélat, le cardinal et archevêque d’Alger Léon-Étienne Duval, à cause de ses prises de position en faveur des indépendantistes.
Les institutions ecclésiales prennent leurs distances avec ces chrétiens rebelles. Le pasteur Étienne Mathiot est ainsi désavoué par une partie de l’Église luthérienne après sa condamnation en justice pour avoir aidé des combattants du FLN. Car les chrétiens français sont censés maintenir une forme d’autorité religieuse en Algérie, et les églises, surmontées de drapeaux français, sont perçues comme les symboles d’un pays acquis aux Occidentaux.
Un pont entre deux mondes
En dévoilant toutes les divisions de la communauté chrétienne, le documentaire de Richard Berthollet s’efforce de porter un regard objectif et très complet sur la place de la religion dans le conflit. Il fait intervenir plusieurs historiens et a recours à des images d’archives qui permettent de donner un tempo moins dramatique à ce format qui s’appuie sur des témoignages difficiles.
Aujourd’hui très âgés, les anciens militants chrétiens qui prennent la parole ont longtemps subi le même sort qu’une partie des pieds-noirs, les rapatriés d’Algérie. Le documentaire cherche à montrer qu’ils constituent pourtant un pont entre deux mondes, dans l’Algérie coloniale, où Français chrétiens et Algériens musulmans étaient divisés par un « mur invisible ».
Le réalisateur cherche aussi à aborder les relations entre l’Église et l’Algérie, pays musulman, après l’indépendance. Mais le format est trop court pour développer une question aussi vaste, 60 ans après la signature des accords d’Evian. Une invitation à poursuivre ce travail sur cette histoire commune dans un second volet.
Les Veilleurs de l’Évangile, documentaire de Richard Berthollet, diffusé sur France 2, dimanche 3 juillet à 10 heures.
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