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Le Bureau des légendes, la série télévisée de Canal+, donne une image plutôt réaliste des agents de la DGSE.
Le siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), boulevard Mortier, à Paris. Le cœur du renseignement français et des opérations clandestines menées à l’étranger. MARTIN BUREAU/AFP
Mais le vrai travail de fourmi des professionnels du renseignement est plus rude et moins romanesque. Plongée dans la réalité d’un vieux métier en plein bouleversement technologique. Par Vincent Nouzille
«Les personnages et les situations de cette série étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite.»
Cette formule légale est habituelle pour toute œuvre de fiction. Mais pour Le Bureau des légendes, la création originale de Canal + qui connaît un vif succès mondial, elle s’applique avec une certaine ironie. Car ses concepteurs, le réalisateur Eric Rochant et son associé producteur Alex Berger, ont tout fait pour que leur série d’espionnage, dont les héros sont des agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), les services secrets extérieurs français, reflète au mieux le quotidien des agents de renseignement. «Nous voulions montrer comment des gens ordinaires font un métier difficile, puisqu’ils doivent mentir en respectant une sorte de code d’honneur», explique Alex Berger.
Avant le lancement de sa série en 2015, Eric Rochant, réalisateur de films de référence sur le monde de l’espionnage, comme Les Patriotes et Möbius, a été reçu avec bienveillance par le directeur général, le diplomate Bernard Bajolet, qui vient de quitter ses fonctions (lire l’encadré en pied de page). Puis le cinéaste a passé un «grand oral» devant tous les directeurs de la «Boîte» – c’est ainsi que ses agents la surnomment – qui ont soutenu le projet à l’unanimité. L’utilisation du logo de la DGSE a été autorisé, tout comme des tournages extérieurs devant le siège, boulevard Mortier, dans le XXe arrondissement. L’équipe en charge de la série et la DGSE ont eu des échanges ponctuels, que ce soit sur l’organisation de la maison, les profils des agents, ou la situation de certaines régions du monde, qui donnent le cadre des aventures des héros, sans dévoiler de secrets d’Etat ni de modes opératoires. «Nous nous voyons deux ou trois fois par an pour vérifier la plausibilité de quelques points, mais nous gardons notre liberté créatrice, sans faire relire nos scénarios, ni employer des consultants de la DGSE», insiste Camille de Castelnau, adjointe d’Eric Rochant pour l’écriture.
Mathieu Kassovitz dans l’épisode 10 de la saison 2 du Bureau des légendes. Jessica Forde/Canal+
Le résultat est donc bien une fiction: l’histoire d’un agent français, surnommé «Malotru», joue par Mathieu Kassovitz, de retour de mission clandestine à Damas durant six ans, qui trahit la DGSE pour sauver son amoureuse syrienne avec l’aide de la CIA est peu probable. L’accumulation d’événements qui rythment le récit n’a pas grand-chose à voir avec le tempo réel du monde du renseignement. «De plus, les personnages de la série font plusieurs métiers en un, notamment du renseignement et des opérations, ce qui n’est pas possible», note un initié. Mais, globalement, le ton est juste. «Les personnages sont bien campés, et l’ambiance à la DGSE très bien restituée», estime Yvonnick Denoël, historien du renseignement et coauteur de Comment devient-on espion? (Nouveau Monde Editions). «C’est de loin la série française d’espionnage la plus réaliste et la plus réussie», renchérit Eric Denécé, directeur du Centre français de recherches sur le renseignement (CF2R). Les décors du Bureau des légendes sont, en effet, saisissants de vérité, de la couleur des murs du siège de la DGSE aux cartes de la Syrie en guerre. Présentées en avant-première à quelque 300 agents et cadres de la DGSE dans un amphithéâtre du boulevard Mortier, les trois saisons déjà diffusées ont d’ailleurs toutes été accueillies par une ovation. «Chaque fois, c’est un grand moment d’émotion pour moi», confie Alex Berger.
Certains agents nous ont assuré que leurs enfants découvraient leur univers de travail grâce à nous
Alex Berger, producteur du Bureau des légendes
Pour la DGSE, Le Bureau des légendes constitue une opération de communication réussie. Après des décennies de réputation mitigée et de méfiance de l’exécutif à son égard, la Boîte a regagné des galons et s’est professionnalisée. Aujourd’hui, elle emploie 6500 agents – dont 63 % de civils et 25 % de femmes – et continue d’embaucher à tour de bras: près de 600 arrivées sont prévues d’ici à fin 2019. «Nous recrutons des profils très qualifiés: par exemple, des ingénieurs et des linguistes, dans des secteurs concurrentiels, confirme son porte-parole. Il y a une appétence croissante des jeunes pour le renseignement et la DGSE est attractive. Mais nous devons expliquer toujours mieux nos métiers et nos missions. C’est pourquoi nous assumons une certaine ouverture.» La série télévisée de Canal+ est tombée à point nommé pour conforter cette politique. «Une fiction, c’est un vecteur puissant d’image», dit-on boulevard Mortier, où l’on se félicite que la DGSE soit présentée «sans caricature» dans Le Bureau des légendes. «Certains agents nous ont assuré que leurs enfants découvraient leur univers de travail grâce à nous», explique Alex Berger. Plus surprenant: désormais, presque toutes les recrues récentes de la DGSE connaissent Le Bureau des légendes. Parmi ces espions en herbe, plusieurs ont dit avoir été motivés en visionnant la série!
Le fait de ne pas pouvoir communiquer avec nos proches pendant nos missions et de ne rien pouvoir dire à notre retour est lourd
Un ancien officier du Service action (SA), le bras armé de la DGSE
Mais gare! Car le vrai quotidien des espions est moins flamboyant qu’une fiction, aussi bien renseignée soit-elle. «Nous faisons un boulot exceptionnel, mais c’est un travail rude, compartimenté, minutieux, contraignant, parfois très administratif ou très technique. Nous sommes au service du pays tout en étant contraints au secret, ce qui est parfois difficile à supporter», raconte un ancien cadre de la Direction du renseignement. «Le fait de ne pas pouvoir communiquer avec nos proches pendant nos missions et de ne rien pouvoir dire à notre retour est lourd», ajoute un ancien officier du Service action (SA), le bras armé de la DGSE, chargé des opérations clandestines les plus offensives à l’étranger. Au sein du SA, selon plusieurs sources concordantes, le taux de divorces aurait dépassé les 90 % à certaines époques…
Dans le monde entier, plusieurs centaines d’agents de la DGSE, officiellement installés dans les ambassades de France sous la couverture de diplomates, collectent, des renseignements
Des agents de la Direction du renseignement en mission clandestine au Sahel. Ils restent en contact permanent avec le quartier général parisien. Jean Pierre Rey/Divergence
La première mission de la DG-SE, la collecte de renseignements, relève, en réalité, d’un véritable travail de fourmi. Au sein de la Direction du renseignement, près de 1500 agents trient et analysent des informations confidentielles recueillies partout dans le monde. Ils rédigent près de 7000 notes chaque année, dont l’essentiel est distribué dans les principaux centres du pouvoir, de Matignon à l’Elysée, en passant par les ministères de la Défense et de l’Intérieur. Le but officiel est de «réduire l’incertitude», autrement dit «éviter à notre pays toute surprise stratégique, fournir à nos autorités une expertise de long terme», comme l’a rappelé le directeur général Bernard Bajolet dans la Revue défense nationale, début 2014. Mission complexe: les services français ont bien vu venir la chute du mur de Berlin, la guerre d’Irak de 2003 ou la poussée djihadiste au Mali début 2013, mais ils ont moins bien anticipé les révolutions arabes de 2011, l’émergence de Daech en 2014 ou les attentats terroristes de 2015. Le renseignement n’est pas une science exacte, car il repose souvent sur des sources humaines. Dans le monde entier, plusieurs centaines d’agents de la DGSE, officiellement installés dans les ambassades de France sous la couverture de diplomates, collectent, en effet, des renseignements auprès d’honorables correspondants (des personnes volontaires) ou manipulent des sources afin qu’elles livrent quelques secrets. «Durant un séjour de deux à trois ans dans un pays, si on a recruté une ou deux sources, ce n’est déjà pas mal», se souvient Guy, qui fut notamment en poste au Moyen-Orient dans les années 2000.Patience et précaution sont les maîtres mots des agents envoyés sur le terrain. Auparavant, ces recrues ont été formées aux mesures de sécurité, aux changements d’apparence, aux rendez-vous secrets et à l’art de nouer des contacts et de recruter des sources. Certains se déplacent pour des missions ponctuelles, avec une légende, c’est-à-dire une identité fictive, qu’ils ont travaillée durant plusieurs mois afin de la rendre crédible avant de partir. Une tâche difficile, car il n’est pas facile de mentir en permanence et de passer inaperçu. «A la fin des années 1970, nos instructeurs nous disaient de nous laisser pousser les cheveux et de porter des jeans troués parce que c’était la mode” , se souvient François Waroux, ex-officier traitant de la DGSE, auteur d’un livre de souvenirs au titre explicite: James Bond n’existe pas(Mareuil Editions). “Il faut avoir un vrai dédoublement de la personnalité, ce qui crée un certain stress, surtout quand on traverse les frontières. Officiellement, je devais aller aux Etats-Unis comme professionnel du tourisme. Je passais donc du temps à visiter les centres de loisirs de Floride. En réalité, je rencontrais clandestinement des sources qui me procuraient des renseignements technologiques.» Mais l’agent ignorait comment les informations recueillies étaient ensuite analysées, et à qui elles étaient transmises. Car tout est compartimenté à la DGSE selon le principe du «droit d’en connaître»: nul n’est censé en savoir plus que ce que sa mission lui impose. «On ne connaît qu’une partie du tout. C’est une règle de protection intangible», répète-t-on au siège de la maison.
Je me sentais souvent perdu, sans contact avec la Boîte. C’était très usant, au point que je me posais parfois des questions sur le sens de mes missions et même sur ma vraie identité
Hervé, qui a longtemps été clandestin en Afrique pour la Direction du renseignement
A l’étranger, la solitude est souvent le prix à payer de ce cloisonnement. «Sur le terrain, on est seul, livré à soi-même, c’est pour cela que la sélection est importante, car les tentations existent», raconte Patrick, ancien responsable du Service missions, qui témoigne dans le livre de Jean-Christophe Notin Les Guerriers de l’ombre(Tallandier) et le film documentaire du même nom, réalisé par Frédéric Schoendoerffer et diffusé en juin sur Canal+. Plusieurs agents ont, par exemple, été confrontés à des cas de conscience concernant des liaisons nouées durant leur séjour, qui pouvaient affecter leur sécurité ou accroître une forme de schizophrénie. Généralement, la DGSE n’apprécie guère ce genre de situation! La cinquantaine bien tassée, le regard toujours aux aguets, Hervé, qui a longtemps été clandestin en Afrique pour la Direction du renseignement, confirme cet isolement ressenti loin de Paris. «Il y avait parfois de l’adrénaline intense, provoquée par une manipulation réussie ou un renseignement obtenu. Mais je me sentais souvent perdu, sans contact avec la Boîte, sans garde-fous. C’était très usant, au point que je me posais parfois des questions sur le sens de mes missions et même sur ma vraie identité. Il a fallu que je m’endurcisse progressivement.» Dans Le Bureau des légendes, une jeune sismologue qui opère pour la DGSE se retrouve emprisonnée en Iran et doit se débrouiller par elle-même pour se tirer d’affaire. Hervé a enduré cette situation, qui exige du sang-froid et une solide endurance. «J’ai été arrêté en passant une frontière, interrogé longuement et tabassé. J’ai réussi à m’évader, mais il m’a fallu plusieurs mois pour rejoindre la France. Quand je suis arrivé à Paris, tout le monde, à la Boîte, me croyait disparu.»
Huit agents de la DGSE sont morts en mission en 2016
L’assassinat en janvier 2013 de l’agent surnommé Denis Allex, enlevé en Somalie, a traumatisé la DGSE. MAXPPP
Généralement, la DGSE intercède de manière plus active pour récupérer ses agents s’ils sont en captivité à l’étranger, comme ce fut le cas pour les faux époux Turenge, arrêtés en 1985 en Nouvelle-Zélande après l’affaire du Rainbow Warrior, un navire de Greenpeace saboté par la DGSE. A la fin des années 1980, un agent emprisonné dans un pays de la Corne de l’Afrique, alors qu’il œuvrait pour la DGSE avec le Mossad afin d’exfiltrer des juifs du Soudan vers Israël, a pu être libéré suite à un accord négocié au sommet entre Etats. En 2002, le ministère de la Défense est aussi intervenu directement auprès du procureur de Catalogne pour se porter garant de deux agents «Alpha», la petite cellule ultrasecrète des tueurs de la DGSE, qui avaient été interpellés par hasard par des policiers espagnols près de Barcelone avec des armes de guerre.La détention très éprouvante d’un autre agent, connu sous son identité fictive de Denis Allex, enlevé en Somalie en juillet 2009 par le groupe djihadiste des Shebabs, a particulièrement marqué les esprits. «Nous ne laissons pas tomber les nôtres, explique un ancien cadre du SA. Pendant plus de trois ans, des centaines de personnes ont travaillé dans l’ombre tous les jours pour essayer de le sauver.» En vain: le raid pour tenter de récupérer Denis Allex en Somalie a mal tourné en janvier 2013, provoquant le décès de l’otage et de deux autres militaires du Service action. La DGSE a été durement éprouvée ces dernières années, avec huit morts en mission en Libye et à Malte durant la seule année 2016. Les risques pris par ses agents sont parfois colossaux, sans que cela freine leur engagement. «Je n’ai jamais essuyé de refus [de leur part], même pour les missions les plus dangereuses ou les plus délicates, a rapporté Bernard Bajolet dans une interview à Politique internationale, fin 2016. Dès qu’il y a une crise, tous les personnels sont sur le pont, la nuit, le week-end, avant même qu’on le leur demande.»
La plupart des experts du renseignement ne sont pas exposés directement. Beaucoup d’analystes, par exemple, restent essentiellement parisiens. Spécialistes de tel ou tel pays, expert dans un domaine particulier (la prolifération nucléaire, la piraterie maritime ou la cyberguerre), ils passent l’essentiel de leur temps sur leurs ordinateurs à éplucher, disséquer, vérifier tous les renseignements qui leur parviennent, y compris ceux fournis par la direction technique ou par des services étrangers. Ils doivent en établir la fiabilité, selon le degré de crédibilité des sources, et les mettre en perspective. «Cela s’apparente à une vie de métro-boulot-dodo, comme beaucoup de fonctionnaires d’administrations centrales», s’amuse un habitué du boulevard Mortier. Mais ce travail minutieux et casanier n’est pas forcément éternel. «Nous les formons à toutes les techniques de renseignement, car ils vont avoir des carrières évolutives qui peuvent les conduire à des affectations à l’étranger», explique le porte-parole de la DGSE.
Des polyglottes parlant le farsi, le pachtoun, les dialectes syro-libanais, le chinois ou le russe sont particulièrement recherchés
Ces dernières années, la Boîte a recruté en masse des analystes et des linguistes, par les voies classiques des concours administratifs, dans le vivier des armées, ainsi que dans le monde civil, via des contrats de trois ans, renouvelables une fois. Des diplômés issus des masters de relations internationales de type Sciences-Po, des géographes et des polyglottes parlant le farsi, le pachtoun, les dialectes syro-libanais, le chinois ou le russe sont particulièrement recherchés. Après une sélection sévère, les impétrants doivent se plier à des contraintes strictes: une enquête de sécurité sur eux et leurs proches, une interdiction de mentionner leur appartenance à la DGSE et leur travail, une présence discrète sur les réseaux sociaux, des déplacements à l’étranger soumis à autorisation. «Ils font des choses hors normes qui impliquent des règles de clandestinité auxquelles ils doivent se soumettre», dit-on boulevard Mortier. Tous travaillent dans l’ombre, sur des sujets géopolitiques passionnants, mais sans reconnaissance visible. Avec des salaires bruts proposés d’au moins 35.000 euros par an, la DGSE paie correctement ses contractuels débutants, tout en ayant du mal à retenir les plus expérimentés. «Beaucoup ne restent que quelques années à la DGSE. Je me suis fait une belle carte de visite et je gagne désormais mieux ma vie dans le privé», raconte Marc, 37 ans, ex-analyste devenu cadre dans le secteur de l’intelligence économique.
Dans une des salles de crise de la DGSE, des agents surveillent 24 heures sur 24 tout ce qui se passe dans le monde. Avec un mot d’ordre: l’anticipation. Lorsqu’une crise survient (guerre, prise d’otages, attentat), tout le monde est sur le pont, avec des moyens techniques ultramodernes. Jean-Pierre Rey
Les sédentaires sont également légion au sein de la Direction technique (DT), où officient plus de 2000 agents. Longtemps en retard sur ses homologues étrangers comme la NSA américaine ou le GCHQ britannique, la DT de la DGSE est montée en puissance de manière spectaculaire ces dernières années. Véritable forteresse tenue par des ingénieurs, comme le centralien Bernard Barbier, expert en cryptographie, patron de la DT de 2006 à 2014, elle a bénéficié d’investissements massifs. Ses stations d’écoutes hertziennes, réparties sous plusieurs latitudes, ont été complétées par d’impressionnants outils de captation des flux internet, une plateforme de cryptanalyse et de déchiffrement, des satellites délivrant des images haute définition, des superordinateurs traitant des milliards de métadonnées. La DGSE contrôle aujourd’hui un dispositif dernier cri de surveillance – images, sons, textes -, mutualisé avec les autres services de renseignement français. «Travailler à la DT, c’est un must pour beaucoup de jeunes ingénieurs comme moi, pour des experts des réseaux ou des mathématiciens, car les projets sont motivants», explique Germain, 35 ans, spécialiste des télécoms qui a passé trois ans à la Boîte.
Même s’ils officient souvent en équipe avec des analystes, la plupart de ces experts, soumis aux mêmes normes de sécurité que l’ensemble du personnel, effectuent un travail cloisonné, assez peu nomade et hyperpointu. «C’est un job de geek, avec des missions très techniques», confirme Yvonnick Denoël. Pour preuve: les 48 stages offerts en 2017 à des brillants diplômés en fin d’études portent sur des sujets abscons, comme le développement d’outils de gestion des bases de données, la conception d’algorithmes pour l’analyse de graphes ou la détection des vulnérabilités des codes. Derrière ces intitulés hermétiques, il s’agit parfois d’aider la DGSE à mener une cyberguerre offensive, autrement dit à pirater des technologies existantes. Ainsi propose-t-elle des stages visant à extraire des informations cachées grâce au «développement d’un logiciel permettant la recherche et la détection de zones fantômes dans des fichiers de différents formats» ou à «la récupération de données sur différents supports numériques: clés USB, smartphones, cartes mémoire, disques SSD…». La DGSE précise, dans ce dernier cas, que le stagiaire devra «rechercher des vulnérabilités pour contourner les protections afin d’accéder aux données»… Un vrai espionnage virtuel sans quitter les bureaux. Avis aux candidats !
DGSE: nouveau patron, nouveau dispositif: Bernard Bajolet a été à la tête de la DGSE de 2013 à 2017.. ERIC DESSONS/JDD/SIPA
L’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée a coïncidé avec la fin du mandat de Bernard Bajolet, âgé de 67 ans. A la tête de la DGSE depuis avril 2013, ce diplomate de carrière, habitué des pays difficiles comme l’Algérie, l’Irak et l’Afghanistan, a mené la «Boîte» tambour battant en période de crises, du Sahel à l’Irak, et d’attentats en France, vécus comme des «échecs» par le service. Cultivant une relation personnelle avec le président de la République, parfois au détriment de son autorité de tutelle du ministère de la Défense, Bernard Bajolet a poursuivi la moder-nisation de la DGSE et relancé la collecte du renseignement humain. Il n’a pas hésité à assumer des opérations clandestines violentes, jusqu’à des exécutions ciblées, avec l’aval du président François Hollande, qui a lui-même confirmé publiquement avoir approuvé certaines de ces actions
Bernard Emié, nouveau directeur de la DGSE. RYAD KRAMDI/AFP
Nommé le 22 juin, son successeur choisi par l’Elysée, Bernard Emié, 58 ans, est également un diplomate expérimenté. Ancien conseiller diplomatique adjoint de Jacques Chirac, ex-ambassadeur en Jordanie, au Liban, en Turquie, au Royaume-Uni et à Alger, il connaît par cœur les arcanes du Moyen-Orient. Mais il se mon-trera sans doute plus prudent que son prédécesseur. Et il devra surtout, désormais, rendre compte directement de ses activités au patron de nouveau Centre national du contre-terrorisme de l’Elysée, le préfet Pierre de Bousquet de Florian, qui est aussi le coordon-nateur national du renseigne-ment. Un double poste stratégique, voulu par Emmanuel Macron, pour mieux piloter l’en-semble des services de rensei-gnement et de l’antiter-rorisme, qui souffrent, de longue date, de lacunes en matière de coordination.