L’armée formée par les Américains n’aura pas tenu face aux talibans, et c’est l’ensemble de la structure imaginée par Washington comme alternative aux insurgés lors du départ programmé de ses troupes du sol afghan qui s’est effondré tel un château de cartes. D’où les rappels répétés du traumatisme historique du Vietnam. Sur les réseaux sociaux, une image d’un hélicoptère survolant l’ambassade américaine à Kaboul dimanche a ainsi été rapprochée de celle de l’aéronef qui s’était envolé de la représentation des États-Unis à Saigon en 1975 lors de la prise de la ville par les communistes.
© Shireen Mazari
Symbole de cette débâcle, le président Ashraf Ghani, dont les talibans réclamaient la démission et qui était totalement discrédité, a fui dans la journée vraisemblablement dans un pays d’Asie centrale. La nouvelle a été annoncée par Abdullah Abdullah, président du conseil désigné pour mener des négociations de paix, dans une vidéo diffusée sur son compte Facebook .
Dimanche matin, les insurgés se trouvaient aux portes de Kaboul après avoir conquis samedi soir Mazar-e-Charif, dans le nord, et la ville orientale de Jalalabad, dimanche matin, ce qui leur permettait de contrôler une zone frontalière importante entre l’Afghanistan et le Pakistan.
L’Émirat islamique a ordonné à ses forces de pénétrer dans les zones de la ville de Kaboul d’où l’ennemi est parti car il y a des risques de vol et de cambriolage.
Communiqué de l’Émirat islamique
Toute la journée, la situation a été confuse, la présence des talibans dans Kaboul étant démentie par certaines sources officielles. Cependant, un communiqué émis par l’Émirat islamique d’Afghanistan en fin d’après-midi et publié sur son fil Twitter par le porte-parole des talibans, Zabiullah Mujahid , informait que les forces des insurgés avaient reçu instruction de rentrer dans la ville pour assurer la sécurité dans les zones désertées par les policiers et les forces de sécurité. « L’Émirat islamique a ordonné à ses forces de pénétrer dans les zones de la ville de Kaboul d’où l’ennemi est parti car il y a des risques de vol et de cambriolage » , indique le communiqué, affirmant que « les citoyens de Kaboul ne devraient ressentir aucune peur des moudjahidines » .
Les talibans essaient de convaincre également la communauté internationale qu’ils ont changé et qu’ils n’exerceront ni représailles ni actes de vengeance. « Nous voulons un gouvernement islamique inclusif, ce qui signifie que l’ensemble des Afghans seront représentés dans ce gouvernement , a assuré un de leurs porte-parole, Suhail Shaheen, à la BBC. Nous en parlerons à l’avenir, lorsque la transition pacifique aura eu lieu. »
Repoussant les craintes d’un retour du pays dans l’époque de la première domination talibane, avec une application très stricte des règles islamiques et une mise sous tutelle des femmes, M. Shaheen a déclaré que les talibans voulaient désormais « travailler avec tous les Afghans » . « Nous voulons ouvrir un nouveau chapitre de paix, de tolérance, avec une coexistence pacifique et une unité nationale pour le pays et le peuple afghan » , a-t-il dit.
L’évacuation des ressortissants étrangers s’est poursuivie toute la journée, mais certains n’ont pas pu prendre leur avion en raison de la rapidité avec laquelle les talibans sont arrivés. Selon CBS News, le représentant américain a quitté l’ambassade pour rejoindre l’aéroport de Kaboul, emportant avec lui le drapeau de son pays. « Nous transférons les hommes et les femmes de notre ambassade vers l’aéroport. C’est la raison pour laquelle le président a envoyé de nombreuses forces armées » , a précisé le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, interrogé par CNN .
Le secrétaire d’État a également défendu la décision de quitter l’Afghanistan. « Nous sommes allés en Afghanistan il y a 20 ans avec une mission et cette mission était de régler le compte de ceux qui nous ont attaqués le 11 septembre. Nous avons accompli cette mission » , a dit le secrétaire d’État, affirmant : « Ceci n’est pas Saigon. »
De son côté, Paris a expliqué mettre actuellement « tout en œuvre pour assurer la sécurité des Français » encore en Afghanistan. « La priorité immédiate et absolue dans les prochaines heures est la sécurité des Français, qui ont été appelés à quitter l’Afghanistan, ainsi que des personnels sur place, français et afghans , a indiqué l’Élysée à l’AFP. Ces opérations, qui concernent plusieurs centaines de personnes, ont été menées à bien au cours des dernières semaines et se poursuivent » , a précisé l’Élysée.