Invitée de RTL suite à son ralliement à Eric Zemmour, Marion Maréchal est apparue complètement libérée. Elle a mis en difficulté les journalistes qui l’asticotaient sur le thème du “grand remplacement”, alors qu’ils n’avaient pas lu l’ouvrage de Renaud Camus.
Marion Maréchal: la parole dans la plaie…
Marion Maréchal était l’invitée du Grand Jury le 13 mars. Face à Benjamin Sportouch et à Adrien Gindre notamment, elle a brillé. J’aurais pu pousser la provocation jusqu’à la juger époustouflante comme je l’avais prévu initialement pour mon titre. Mais je l’ai modifié en faisant référence à “la plume dans la plaie”, ambition suprême du journalisme de presse écrite, magnifiquement exprimée par Albert Londres.
En l’occurrence Marion Maréchal a porté la parole dans la plaie et révélé ainsi les graves faiblesses du journalisme audiovisuel, d’autant plus préoccupantes qu’elles concernaient une émission dominicale emblématique que je ne manquerais pour rien au monde. Cette fidélité ne garantit pas que je ne puisse pas me tromper mais au moins que j’ai, pour ce billet, de quoi comparer. Du côté des personnalités questionnées comme de celui des journalistes qui questionnent, étant entendu que j’estime, pour ces derniers, que Marion Mourgue du Figaro , irrégulièrement présente, est de loin la meilleure.
Une oratrice brillante
Anticipant un reproche lassant mais auquel je me sens contraint de répliquer parce que je ne l’estime pas absurde dans ce monde intellectuellement frileux, je précise à nouveau que c’est – sans aucune présomption – en qualité de technicien du verbe, de l’argumentation, de l’intelligence des propos et des répliques, de la qualité de la dialectique développée, que je me permets de formuler un jugement.
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L’appréciation de la forme ne peut pas être totalement distincte de l’appréhension du fond mais il est possible, tout en n’adhérant pas pleinement à ce dernier, d’examiner ce que vaut l’expression accordée au fond du propos. Je déteste qu’on veuille nous enfermer dans une alternative qui nous contraint à une détestation ou une inconditionnalité sans nuance. J’aime pouvoir, en quelque sorte de l’extérieur, louer sans être partisan.
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Pour être encore plus clair – puisque c’est le nœud -, s’agissant du premier tour de l’élection présidentielle, je confirme que je ne voterai pas pour Emmanuel Macron ni pour Marine Le Pen ni pour Eric Zemmour (même depuis qu’il fait équipe avec Marion Maréchal) ni pour Fabien Roussel sympathique et chaleureux mais au programme communiste ni pour Jean-Luc Mélenchon, insupportable personnalité mais remarquable manieur de mots et de concepts ni, enfin, pour Yannick Jadot pour lequel j’éprouve une estime emplie de commisération parce qu’il a été trop longtemps “plombé” par Sandrine Rousseau et que son élan s’en est trouvé forcément brisé. Cette énumération pour signifier à nouveau qu’on a le droit de se dédoubler et que le professionnel de la parole a toute justification pour apprécier ou non qui il veut en attendant que le citoyen ait à se prononcer le moment venu.
J’avais déjà écrit au sujet de Marion Maréchal mais, surtout, j’avais pu la questionner, le 22 janvier 2021, dans ma série d’entretiens : Bilger les soumet à la question (vidéo ci-dessous) . Elle avait brillamment réussi l’exercice singulier que ma pratique impose.
https://youtu.be/hMP_x8fRxS4
Mais, sur les plans psychologique et politique, je ne l’ai pas reconnue ce 13 mars. Comme si son soutien à Eric Zemmour l’avait libérée, comme si elle n’avait plus rien à retenir ni à cacher, comme si elle se sentait enfin débarrassée des précautions et subtilités qui avaient à la fois contribué à son aura mais à la longue déçu.
Au contraire, son parler-vrai lui a d’abord permis, avec une politesse ironique, de juger interminables les questions sur le rapport aux femmes d’Erie Zemmour et sa propre position sur la misogynie réelle ou prétendue de celui-ci, ainsi que sur les circonstances de son ralliement à Zemmour et la trahison que lui impute sa tante Marine Le Pen. Puis de qualifier d’offensante une interrogation, il est vrai grotesque, sur le sentiment de la mère qu’elle est à propos du bombardement d’une maternité en Ukraine, comme si on espérait qu’elle allait l’approuver…
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Cette sincérité intelligente, avec une personnalité naturellement plus souple et soyeuse que celle de sa tante malgré les efforts méritoires accomplis par cette dernière, a fait surgir de sa part, sur quelques thèmes essentiels tout de même traités, une argumentation avec laquelle on pouvait être en désaccord mais qui était plus riche, plus dense que celle habituellement proposée.
Sur les prénoms étrangers, sur l’islam et l’islamisme, sur le rôle du président de la République à l’égard de Poutine et de la Russie, sur la contradiction européenne préoccupante entre le discours fédéraliste d’Emmanuel Macron et, par exemple, la position de Mark Rutte privilégiant l’OTAN, sur l’évidente différence entre les réfugiés ukrainiens à accueillir généreusement et ceux provenant de Syrie à l’égard desquels, n’en déplaise à Robert Ménard faisant fort dans la repentance personnelle, on avait le devoir d’être au moins plus vigilant. Entre autres questions.
Un talent précieux pour Zemmour
Mais l’essentiel n’était pas là. Une question de Marion Maréchal, que je n’ai pas hésité à qualifier de “géniale” dans un tweet, m’a comblé d’aise. Péripétie tellement éclairante sur l’honnêteté et la compétence médiatiques qu’elle est de nature à supporter une généralisation.
Marion Maréchal était questionnée sur “le grand remplacement” cher à Renaud Camus qui avait assisté à un meeting d’Eric Zemmour. Face à l’insistance des deux journalistes, elle leur a tout à coup demandé s’ils avaient lu l’ouvrage de Renaud Camus sur le sujet. Gênés, ils ont avoué piteusement que non, ils ne l’avaient jamais lu. On a eu là un parfait exemple (pour le pire) de la superficialité bien-pensante des interrogations, appuyée sur une totale méconnaissance du fond. On stigmatise le grand remplacement – plutôt à mon sens encore un grand basculement – mais le fond est ignoré. La moraline remplace l’analyse et la réflexion.
Cette parole dans la plaie m’a procuré, je l’avoue, un grand bonheur intellectuel et je comprends mieux, après cette prestation, pourquoi Eric Zemmour s’est tant réjoui d’avoir le soutien de Marion Maréchal. Pour des raisons qui semblent d’abord de conviction même si d’autres considérations électoralistes ont pu jouer. Il aura à ses côtés une intellectuelle franchement conservatrice qui est passée clairement du côté de la politique et qui n’a plus l’intention de la déserter. Il est clair qu’il faudra compter avec elle, où qu’elle soit dans le futur. Elle a démontré un sacré talent et une intelligence à la hauteur de celui-ci.