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En pays musulmans, la 1ere Obédience nationale est apparue en Egypte en 1870.
L’Islam dans sa perception et ses rapports avec la Franc-maçonnerie serait-il à ce point plus menaçant à l’égard de l’Ordre maçonnique que ne l’a été le catholicisme ? L’intolérance religieuse des pays, à majorité musulmane, suggère qu’il en est bien ainsi.
Chaque religion du livre prétend être la seule vraie … chacune prétend que les autres constituent de mauvaises voies à suivre … tous des mécréants ? Il s’agit là d’une marque de fabrique de ces courants de croyances. Chaque religion a ses intégristes, ses fondamentalistes. Dans le cas de l’Islam, ce serait simplifier la réalité que d’isoler la religion à des pouvoirs étatiques. Que peut l’Islam sans le concours et la connivence des régimes politiques ? Certes, il ne faut pas sous estimer le poids de la Fatwa du Collège de Jurisprudence islamique de la Mecque le 15 juillet 1978 : elle assimile la Franc-maçonnerie aux organisations les plus dangereuses et les plus destructrices de la Communauté musulmane.
L’histoire de la maçonnerie dans les pays musulmans est agitée, perturbée, exacerbée par l’exportation de la culture judéo-chrétienne de l’Occident et par la création de l’Etat d’Israël.
Il nous faudra distinguer deux moments : le temps des colonieset celui d’après les colonies : Née dans les îles britanniques, aux confins du XVI et XVII° siècles, la F.M. ne prend la forme qu’on lui connaît qu’au début du XVIII° siècle. L’Angleterre s’affirme à l’époque comme la 1ère puissance maritime et industrielle. Quoi de plus interpellant et attractif à la fois, qu’une « société » où l’on croit en un Dieu, à une Puissance supérieure, un Grand Architecte ou un Être suprême qui transcende les religions ! Une société qui mettrait en pratique la tolérance religieuse et qui instaurerait une égalité entre ses membres, peu importe leur statut social dans la vie profane ! Dans l’immense majorité des cas, ce sont les ressortissants des îles britanniques qui en sont les initiateurs.
Des maçons anglais ont fondé des loges dans quelques grands comptoirs : par exemple à Calcutta en 1729, capitale du Bengale sous domination britannique, – dans les îles de Sumatra en 1765, en Indonésie sous domination hollandaise. – dans l’Empire ottoman … des loges anglaises sont signalées à Izmir, en Syrie à Alep dès 1738. La « Mère », loge de St Jean d’Ecosse de Marseille avait également essaimé à Istanbul en 1768. Il est difficile de dénombrer l’ensemble des loges qui ont vu le jour dans le monde musulman avant 1800. Par contre, du temps de Bonaparte, (1798-1801), l’expédition d’Egypte a été un élément déclencheur de la présence maçonnique.
Dès le milieu du XIX° siècle, les territoires Ottoman, celui du Maghreb et du Moyen Orient basculent sous le régime du Protectorat avec la Grande Bretagne et la France. Sauf l’Algérie qui devient une colonie française. Le Grand Orient de France s’engouffre dès 1832 à Alger et à Annaba : la colonisation fait le lit de la maçonnerie française : Favorable à la colonisation, la Franc-maçonnerie est décidée á soutenir par la bienfaisance, le conseil, l’exemple et l’abnégation des premiers efforts des colons.
Les pays de « protectorat » – Egypte, Syrie, Liban, Tunisie, Maroc – forment un champ d’action privilégié des grandes loges britanniques avec l’Angleterre et l’Ecosse. L’Egypte est un kaléidoscope de la maçonnerie européenne. Le Liban s’annonce comme une terre propice à la diversité des obédiences.
Des maçons musulmans ? Il était exceptionnel de les trouver en loge au XVIII° siècle et dans la 1ère moitié du XIX° siècle. L’Ordre maçonnique était fermé aux infidèles, les Mahométans, les Païens, et parfois même, aux Juifs.
Jusqu’au milieu du XIX° siècle, les loges sont composées, exclusivement d’Européens et de temps à autres, de Turcs et d’Arabes chrétiens ou Juifs. Ainsi, signale-t-on en 1785 et en 1787 la présence de six frères algériens, dont certains on été reçus dans les loges britanniques. Vers 1850, après 120 ans de présence maçonnique, seuls 14 nationaux indiens sont été initiés, dont 10 musulmans et 4 parsis, … mais pas d’hindou, ni de sikh.
A la fin du XIX° siècle, l’Algérie héberge une maçonnerie très impliquée dans la politique coloniale, très réactionnaire, dont l’antisémitisme apparaît parfois, et surtout des résistances au recrutement de nationaux algériens. Entre 1843 et 1875, 37 noms d’Algériens apparaissent dans les tableaux de loges, alors que les effectifs oscillent annuellement aux environs de 600 maçons.
Il n’en était pas autrement en Tunisie. En 1910, le Vénérable de « La Nouvelle Carthage » déplorait, je cite : « L’ostracisme des préjugés de race » qui écartait les « non-Français », les « Indigènes » … des loges maçonniques. Le rejet des musulmans explique en grande partie leur absence des loges pendant près d’un siècle.
Dans cette même période, l’Eglise catholique prenait des mesures à l’encontre de l’Ordre dans l’empire de la Sublime Porte. Des dignitaires chrétiens intervinrent auprès du sultan Mahmoud 1er, ce dernier en 1748 donne l’ordre d’emprisonner les maçons, de détruire leur temple. Les accusations d’immoralité, de suspicion d’hérésie et de menace pour la « sûreté des royaumes » vont donc coller aux basques des maçons du Proche-Orient.
La maçonnerie a accompagné la colonisation, c’est toujours l’étranger venu d’Europe qui apporte la lumière. L’inverse ne s’est jamais produit, même si, au fil des années, les barrières raciales et religieuses ont tendance à s’estomper. Si bien que des loges restent des « clubs » de colons, mais il en est d’autres qui se sont ouvertes largement aux musulmans et à l’opinion réformatrice. En ce siècle, les musulmans sont interpellés par la modernité, la sociabilité maçonnique apparaît comme présentant bien des analogies dans ses modes de fonctionnement avec les confréries soufies.
La F.M. va apparaître en Turquie, et en Egypte comme un lieu de réconciliation entre l’Orient et l’Occident. Pour les intellectuels ottomans, la loge, confrérie éclairée, était l’occasion de réfléchir aux modes de pensées venues d’Europe, de s’interroger sur leur adaptabilité au contexte musulman. L’Orient s’essayait à faire l’expérience du libéralisme. Dans ce processus, l’influence du Grand Orient de France ne fut pas négligeable.
En pays musulmans, la 1ere Obédience nationale apparut en Egypte. En effet, la Grande Loge Nationale d’Egypte vit le jour en 1870. Ses loges étaient au nombre de 43 en 1903. L’année suivante, une Obédience nationale, d’inspiration « Grand Orient de France », est créée : la Grande Loge de l’Empire Ottoman, est appelée plus tard « Grand Orient de Turquie », riche de 65 loges en 1935.
L’Emir Abd el-Kader, héros de la résistance algérienne entre 1832 et 1847, prisonnier des Français, avant de pouvoir se retirer en Syrie, sauve la vie de milliers de chrétiens lors des émeutes de Damas. Précisément en juillet 1860, les Druzes de Syrie, révoltés, massacrent les Maronites chrétiens et la révolte atteint le pachalik de Damas. (Il s’agit de la division administrative de l’ancien empire ottoman confiée au gouvernement d’un pacha). Dans cette ville, grâce á la générosité de Napoléon III, Abd el-Kader mène une existence très large, entouré d’une importante garde personnelle. Dès qu’il est informé de la gravité du mouvement, il tente de l’arrêter en intervenant auprès des Ulémas, des chefs druzes et en se rendant chez le gouverneur turc, le tout sans résultats. Le 9 juillet, à Damas, la foule en furie marche sur le quartier chrétien. C’est alors que se place l’action d’Abd el-Kader qui ordonne á sa troupe de Maghrébins de conduire les chrétiens menacés vers sa résidence. Après avoir essayé d’apaiser la foule hurlante, il ne parvint á la repousser qu’en menaçant de donner á ses hommes l’ordre de faire feu, pour les sauver du massacre.