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L’Education nationale confrontée à une «épidémie» de tenues islamiques.
EXCLUSIF. Selon notre enquête, plusieurs incidents ont éclaté dans diverses académies ces derniers mois.
Les faits –
Le nouveau ministre de l’Education nationale accompagne ce jeudi le président de la République à Marseille. Outre la crise des recrutements, aiguë, Pap Ndiaye pourrait rapidement être confronté à la question lancinante des atteintes à la laïcité.
Des abayas et kamis ont fait leur apparition ces derniers mois aux portes de plusieurs lycées. Les élèves, garçons ou filles, revendiquent le port de ces tenues islamiques – longues robes amples, parfois assorties d’une capuche, ou tuniques masculines tombant jusqu’aux pieds, souvent portées par les musulmans adeptes d’un wahhabisme rigoriste – qu’ils qualifient de « culturelles ». Des établissements mettent leur veto, d’autres hésitent sur l’attitude à adopter. Plusieurs académies, à des degrés divers, sont concernées.
Le phénomène a récemment pris de l’ampleur, laissant penser qu’il s’agit, si ce n’est d’une opération concertée, du moins d’un prosélytisme affirmé. Des « défis » sont même apparus sur les réseaux sociaux, incitant les jeunes à tester leur lycée. Selon les informations de l’Opinion, les renseignements territoriaux ont alerté le ministère de l’Intérieur, comme les rectorats l’ont fait pour l’Education nationale. Le dossier va vite être soumis à Pap Ndiaye et pourrait servir d’examen de passage au nouveau ministre quant à sa fermeté sur les atteintes à la laïcité.
A Grenoble, deux jeunes filles ont été rappelées à l’ordre mi-mai. La direction du lycée Mounier a ensuite envoyé aux parents d’élèves un mail, cité par le Dauphiné libéré, rappelant que « les tenues non adaptées (claquettes, les tenues de plage ainsi que les tuniques longues considérées comme un signe ostentatoire religieux) ne sont pas acceptées ». Dès le lendemain, les abayas étaient plus nombreuses à l’entrée, puis une pétition « contre les discriminations faites aux lycéennes » mise en ligne sur le site change.org. Ces incidents ont eu lieu la semaine où la majorité d’Eric Piolle (EELV) votait l’autorisation du burkini dans les piscines municipales.
«Hausse significative».
Dans l’Aisne, des familles ont eu la surprise de voir des garçons en kamis le jour de la fête de l’Aïd ; d’autres, dans l’Oise, dénoncent une « épidémie » de port du voile. Les régions de Bordeaux, Clermont-Ferrand, la banlieue francilienne comme Paris intra muros sont aussi concernées. Parfois, les élèves retirent leur voile-capuche à l’entrée pour mieux le rabattre dans la cour ou dans les couloirs, tandis que les surveillants s’évertuent à faire respecter le règlement. Quand quelques lycéennes se voient priées de rentrer chez elles, c’est parfois un groupe de 10 ou 15 qui se présente le lendemain. Dans la capitale, « une hausse significative du port de tenues vestimentaires ostensiblement religieuses » a été constatée « depuis quelques semaines », indique le rectorat à l’Opinion.
Sollicitée, l’Education nationale refuse de communiquer tout chiffre, ce qui n’empêche pas ses directions de l’enseignement scolaire et des affaires juridiques d’être saisies. Interrogé lors de son déplacement sur le thème de l’école, jeudi à Marseille, Emmanuel Macron a déclaré : «Nous allons regarder, mesurer et répondre à toutes les situations qui ne respectent pas la loi de la République» (voir le tweet de l’Elysée, à 25’40 »).
« Cette recrudescence est une réalité. Le Conseil des sages de la laïcité réfléchit à la manière d’y répondre », indique Alain Seksig, secrétaire général de cette instance mise en place par Jean-Michel Blanquer. Le vade-mecum rédigé par le Conseil rappelle d’ailleurs que, s’appuyant sur la loi de 2004 sur les signes religieux ostensibles, le Conseil d’Etat a interdit en 2007 « les signes et tenues dont le port ne manifeste une appartenance religieuse qu’en raison du comportement de l’élève ». Une jurisprudence qui s’appliquerait aux abayas ou kamis.
«Cavaliers de la fierté».
Les débats peuvent être infinis sur la signification d’une tenue, l’attitude d’un élève, son degré de prosélytisme. A Grenoble, les élèves ont dénoncé une « stigmatisation » quand la référente laïcité tentait, elle, d’expliquer que ce n’était pas l’abaya qui était en cause mais la manière de la porter et, surtout, le refus de l’enlever. Le dossier est suivi avec d’autant plus d’attention qu’en 2011, une « affaire de longues robes » à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avait provoqué une polémique. Quelques lycéennes drapées dans des tenues sombres avaient fait des émules au lycée Auguste-Blanqui, aussitôt soutenues par deux groupuscules fondamentalistes, Forsane Alizza ( « Les Cavaliers de la fierté ») et le Collectif cheikh Yassine (CCY), dissous administrativement depuis.
Le second avait été créé en 2004 par Abdelhakim Sefrioui. L’homme avait, plus tard, été identifié par la proviseure du lycée Blanqui comme « l’oncle » venu défendre avec véhémence les élèves en cause. En 2019, après un cours sur la laïcité et la présentation de caricatures de Mahomet dans un collège des Yvelines, Abdelhakim Sefrioui faisait un scandale auprès de la direction. L’enseignant visé s’appelait Samuel Paty. Soupçonné d’avoir participé à l’engrenage mortel ayant conduit à l’attentat, l’islamiste est aujourd’hui incarcéré, mis en examen pour complicité d’assassinat.
Par Marie-Amélie Lombard-Latune