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Le rêve de Victor Hugo, “l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui”, une phrase prononcée en 1850.
Depuis que les premiers éléments du projet du gouvernement sur la loi de séparation des Eglises et de l’Etat ont filtré, les laïques sont confrontés à une équation complexe : comment assurer un meilleur contrôle des dérives radicales de l’islam sans remettre en cause la non-ingérence de la puissance publique dans les affaires religieuses
Les plus farouches défenseurs de la laïcité, d’habitude prompts à dénoncer les dangers de la montée de l’islam radical, n’ont qu’une peur lorsque l’on évoque avec eux les réformes gouvernementales à venir : que l’Etat se mêle trop des affaires des musulmans. Les réformes envisagées pourraient concerner près d’un tiers des articles de la loi de 1905 qui a instauré en France le régime de laïcité : séparation des Eglises et de l’Etat, neutralité de la puissance publique. “Il s’agit ni plus ni moins d’adapter la loi du siècle dernier à la poussée de l’intégrisme islamiste”, et donc de préparer la fameuse réforme de “l’islam de France”.
Le volet le plus important de la réforme concerne le contrôle et le financement des associations religieuses. En effet, nombre d’associations musulmanes sont inscrites comme associations de loi de 1901, afin d’éviter les obligations de transparence imposées aux associations régies par la loi de 1905. Pour les inciter à s’inscrire comme associations cultuelles, le gouvernement prévoit de faciliter leur financement, en revenant sur la loi qui interdit aux groupes religieux d’investir dans l’immobilier pour en tirer des revenus… et également de recevoir des aides de l’Etat “pour réparations et rénovation énergétique”. En échange de ces facilités, il faudra soumettre les associations cultuelles à un contrôle strict, et notamment limiter le financement des mosquées par des puissances étrangères. La rivalité entre l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie et les pays du Maghreb qui investissent dans les mosquées en France est fréquemment désignée comme l’une des causes principales de l’implantation du salafisme dans l’Hexagone.
“S’il s’agit de vérifier la provenance des fonds, cela ne pose pas de problème en soi. Mais si cela implique de trouver un système de financement des cultes par le public, voilà qui est beaucoup plus problématique.” Ce n’est pas parce qu’on assèche le financement étranger des cultes que l’on doit faciliter des moyens de financement actuellement très contrôlés par la loi.” Si certaines mesures de renforcement de police des cultes et de transparence financière s’envisagent parfaitement dans le contexte actuel, cela semble être présenté davantage comme une sorte de ‘deal’ et donc de concessions mutuelles”. Une logique de négociations d’intérêts qui entre en contradiction avec la neutralité de l’Etat.
Autre volet sensible, la formation des imams : l’Etat doit-il s’impliquer dans la sélection de responsables religieux ? Cela remettrait en cause sa neutralité. Mais ne pas intervenir, c’est risquer de laisser le champ libre aux radicaux… Le problème semble relever de la quadrature des cercles. L’importation en France par des puissances étrangères d’imams relayant “une idéologie antirépublicaine dangereuse” est “un problème majeur“. Ces difficultés “ne sauraient-elles être des justifications suffisantes pour accepter une ingérence de notre Etat laïque dans cette religion plurielle“. La solution contre les prêcheurs radicaux ? “Des moyens concrets pour appliquer la loi de 1905 et son article 26, par exemple, qui interdit la tenue de réunions politiques dans les locaux cultuels ; de véritables moyens donnés à la police du culte, aux forces de l’ordre et aux services de renseignements qui ne peuvent faire face à cette grave crise”.
Les réflexions actuelles du gouvernement sont le reflet d’un échec : celui du Conseil français du culte musulman (CFCM), association fondée en 2003 par Nicolas Sarkozy et ayant vocation à représenter les musulmans de France. Il est aujourd’hui désavoué, rongé de l’intérieur par les querelles entre les représentants des différents pays d’origine des pratiquants de l’islam, et jugé tout aussi incapable d’établir un dialogue avec les musulmans que de faire émerger des représentants d’un islam “éclairé”.
Mais l’islam, religion profondément décentralisée, divisée entre plusieurs variantes nationales, travaillée par des courants radicaux, n’impose-t-elle pas des réalités spécifiques dont la République de 2018 devrait tenir compte ? Ce serait aux cultes de s’adapter aux règles républicaines, il n’y a pas de négociation ni de transaction à concevoir. La République n’a pas à s’instituer en autorité théologique, mais seulement pour des formations ‘Civiques et Civiles’.” Pour s’en convaincre, il invoque l’exemple du protestantisme, qui n’a “pas de véritable hiérarchie, des courants très divers” mais parvient tout de même à “s’organiser lui-même sans recourir à l’interventionnisme de la puissance publique.” Un concordat avec une quelconque religion serait un grave retour en arrière. La loi n’a pas à s’adapter à un dogme, fût-il celui des Jedi de Metz ou de l’islam, c’est justement la force de notre principe de laïcité que d’être sourd et aveugle aux spécificités cultuelles pour les traiter à égalité”.
Et de reprendre le vieux rêve de Victor Hugo, “l’Eglise chez elle et l’Etat chez lui”, une phrase prononcée en 1850… à une époque où ni l’islam ni l’ordre des Jedi de Metz ne pratiquaient leur culte dans la République française. Quelques membres de “l’Ordre Jedi de Metz” continuent de défiler en Moselle. Déguisés en personnages de la saga, les quelques participants entendaient dénoncer par l’humour le Concordat de 1801 qui régit en Alsace-Moselle les rapports des cultes et de l’État.