CONCLUSION :
En guise de conclusion, nous voudrions citer quelques extraits de la «Lettre sur la tolérance » du médecin philosophe anglais John LOCKE.
Cette lettre écrite en 1886 est consacrée à la tolérance, question brûlante dans l’Europe du XVIIème siècle, déchirée par les conflits religieux.
L’argument du philosophe est issu de sa conception politique du pacte social. Abandonnant l’état de nature originel, les hommes créent librement un Etat destiné à protéger les personnes et les biens et disposant de la force pour y parvenir. Le philosophe estime que la vocation des Eglises est tout autre. Elles n’ont pour but que de regrouper ceux qui cherchent le salut de leur âme. Les buts et les moyens du pouvoir politique (que dans la langue de l’époque Locke nomme « gouvernement civil ») et de la société religieuse étant différents, LOCKE, prône la tolérance et considère que les Eglises et l’Etat doivent être séparés.
LOCKE, philosophe fondateur du libéralisme, apparaît donc comme un des premiers penseurs de la laïcité.
« Je crois qu’il est d’une nécessité absolue de distinguer ici, avec toute l’exactitude possible, ce qui regarde le gouvernement civil, de ce qui appartient à la religion, et de marquer les justes bornes qui séparent les droits de l’un et de l’autre. Sans cela, il n’y aura jamais de fin aux disputes qui s’élèveront entre ceux qui s’intéressent, ou qui prétendent s’intéresser, d’un côté au salut des âmes et de l’autre au bien de l’Etat.
L’Etat, selon mes idées, est une société d’hommes instituée dans la seule vue de l’établissement, de la conservation et de l’avancement de leurs intérêts civils. (..)
Par le mot d’Eglise, j’entends une société d’hommes, qui se joignent volontairement ensemble pour servir Dieu en public, et lui rendre le culte qu’il jugent lui être agréable, et propre à leur faire obtenir le salut.
Je dis que c’est une société libre et volontaire, puisqu’il n’y a personne qui soit membre né d’aucune Eglise. » (..)
Il n’y a donc aucune personne, ni aucune Eglise, ni enfin aucun Etat, qui ait le droit, sous prétexte de religion, d’envahir les biens d’un autre, ni de le dépouiller des ses avantages temporels. S’il se trouve quelqu’un qui soit d’un autre avis, je voudrais qu’il pensât au nombre infini de procès et de guerres qu’il exciterait par là dans le monde. Si l’on admet une fois que l’empire est fondé sur la grâce, et que la religion se doit établir par la force et par les armes, on ouvre la porte au vol, au meurtre et à des animosités éternelle ; il n’y aura plus ni paix, ni sûreté publique, et l’amitié même ne subsisterait plus entre les hommes. »
La laïcité française est à nouveau confrontée à des défis, du fait de la montée de l’intolérance, notamment pour des motifs d’ordre religieux.
Pourtant, nous sommes convaincus, en accord avec le philosophe Jürgen HABERMAS15, que la tolérance religieuse est, dans une société laïque, le moteur des droits individuels de toute nature au sein des sociétés modernes multiconfessionnelles.
Face aux risques de dérives communautaristes, aux risques sectaires, ou encore à celui de l’asservissement au nom de Dieu des individus et notamment des femmes, le principe de laïcité, ne nous apparaît pas comme une source renouvelée de conflits.
Interprété et appliqué de façon tout à la fois libérale, tolérante mais néanmoins ferme, le principe de laïcité, nous paraît, au contraire, être un garant puissant des libertés individuelles de tous les citoyens et notamment des plus faibles.
Tel est M. le Président, Mme et M. les conseillers, le sens de notre profonde conviction que nous nous permettons, pour une fois, d’exprimer ici.