Ce pourrait être une histoire d’une tristesse et d’une banalité absolues, celle d’un fils de milliardaire perdu qui noie l’absence de sens de sa vie dans la drogue. Celle d’un junkie qui plonge désespérément la tête dans la drogue et qui ne doit sa survie qu’aux piqures de Narcan que l’infirmier chargé de le surveiller lui administre à temps.

En réalité cette histoire est hors-norme à plusieurs titres.

Elle est insolite de par la personnalité de l’« addict » aux produits stupéfiants, puisqu’il s’agit de Cheikh Khalid bin Hamad Bin Khalifa al-Thani , frère de l’actuel émir du Qatar et fils de l’ancien émir. Ce prince du petit émirat gazier n’a plus l’excuse de la jeunesse puisqu’il a maintenant dépassé la trentaine et ne peut être considéré comme un adolescent attardé.

Elle est également singulière au regard de la religion.

Le Qatar et la famille régnante ne cessent de faire du prosélytisme pour instaurer un islam rigoureux, radical, politique. Ils soutiennent les Frères musulmans dont le but ultime est d’instaurer la charia dans le monde entier. Ils hébergent à Doha, le théologien et prédicateur égyptien, Youssef al-Qaradâwi qui émet des fatwas contre tous ceux qui bravent ses interdits, la drogue étant haram, Khalid al-Thani enfreint donc les règles religieuses. C’est un blasphème. Quel sera le châtiment pour le jeune al-Thani ? Probablement aucun… « Faites ce que je dis, pas ce que je fais… »

Et que fera le procureur général du Qatar, Ali Bin Fetais al-Marri, qui pourtant se montre intraitable avec les travailleurs étrangers asiatiques qui construisent les infrastructures du Mondial 2022 ? Comme le décrit très bien Jean-Pierre Mariongu dans ses deux derniers livres, « InQarcéré » et « Qaptif », ces ouvriers sont nombreux à hanter comme des ombres les prisons de la pétromonarchie, et encore c’est dans le meilleur des cas, lorsqu’ils survivent…

Si l’histoire s’arrêtait là, à la seule mise en danger d’un prince milliardaire qui ne sait plus comment occuper son temps et son argent, cela pourrait être considéré comme du domaine privé sans conséquence autres que celles sur sa santé. Mais du haut de son statut de fils et frère d’émirs richissimes, le prince se croit tout permis et entraîne son personnel dans ses folies au risque de leurs vies.

Un procès fédéral aux Etats-Unis

C’est ce que démontre un bien étrange procès qui a lieu aux Etats-Unis actuellement et qui dévoile les coulisses d’une pétromonarchie bien malade.

Deux hommes ont porté plainte contre Khalid al-Thani. Le premier, est un ancien Marine, Mattew Pittard, qui avait été embauché comme directeur de la sécurité du prince. Il l’accuse de lui avoir demander d’assassiner un homme, qui réclamait le remboursement d’une dette de 6000 dollars, et une femme qui avait envoyé des SMS, dont on ne connaît pas la teneur, à une personnalité du Moyen-Orient ! Mal à pris à Mattew Pittard de refuser d’accomplir ces sales besognes. A partir de ce moment sa vie est devenu un enfer, il a été menacé par son employeur de « payer le prix », « d’être enterrer dans le désert » et de « tuer toute sa famille ». Après moult péripéties, le Marine a fini par pouvoir quitter son poste, à condition toutefois de signer un accord de confidentialité.

Mattew Allende, employé comme aide médical, a eu moins de chance. Eprouvé par la vie de fêtard de Khalid al-Thani, qui lui imposait une présence continuelle des jours durant sans avoir la possibilité de dormir, il a tenté de s’enfuir en sautant un haut mur. Résultats : deux jambes fracturées, opéré à Doha, il lui a fallu attendre deux mois avant d’être autorisé à retourner aux Etats-Unis.

Aujourd’hui les deux hommes réclament des millions, car pour couronner le tout, comme si les menaces et les privations de liberté ne suffisaient pas, Khalid al-Thani les a sous-payés, n’a pas respecter le code du travail américain et n’a pas régler, bien sûr, les centaines d’heures supplémentaires que les deux hommes ont fait.

Bienvenue au Qatar…

Source : Le blog de Observateur indépendant du Qatar de Mediapart