Le fond était bien sûr déjà connu. La forme, elle, avait en revanche été tenue secrète jusqu’ici. Jeudi, à presque un mois du scrutin, Emmanuel Macron a confirmé son intention de briguer un second mandat, en officialisant enfin sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. Plutôt que l’allocution depuis l’Élysée à la Charles de Gaulle ou à la Valéry Giscard d’Estaing ; plutôt que le JT en direct à la François Mitterrand ou à la Nicolas Sarkozy ; plutôt que la déclaration l’air de rien à la Jacques Chirac… Emmanuel Macron a préféré opter pour une « Lettre aux Français », diffusée dans l’ensemble des titres de la presse quotidienne régionale. Un peu à la manière de la tribune qu’il avait déjà souhaité adresser, en 2019, à l’ensemble des pays européens, deux mois avant les élections européennes.
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« Je suis candidat pour inventer avec vous, face aux défis du siècle, une réponse française et européenne singulière. Je suis candidat pour défendre nos valeurs que les dérèglements du monde menacent. Je suis candidat pour continuer de préparer l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Pour nous permettre aujourd’hui comme demain de décider pour nous-mêmes », écrit-il dans sa missive parue en début de soirée. « J’ai perçu partout un esprit de résistance à toute épreuve, une volonté d’engagement remarquable, une inlassable envie de bâtir. Je l’ai retrouvée partout dans notre pays mais aussi en allant à la rencontre de nos compatriotes vivant à l’étranger. J’ai perçu en chaque lieu le désir de prendre part à cette belle et grande aventure collective qui s’appelle la France. »
Descendre dans l’arène
Soucieux d’entretenir ce qu’il a lui-même appelé un « faux suspense », le chef de l’État n’avait mis presque personne dans la confidence avant de sortir du bois. À l’exception de son premier ministre Jean Castex, reçu en tête-à-tête jeudi matin. Manière de lui confier symboliquement les clés de la gestion des affaires courantes du pays, dont il devra nécessairement se mettre en retrait dans les prochaines semaines.
Certes, la guerre en Ukraine – où « le pire est à venir » selon l’Élysée – va l’obliger à rester président « jusqu’au dernier quart d’heure » . Mais le début de la campagne présidentielle, dont il donne le top départ en entrant dans la course, va l’obliger à descendre dans l’arène. Celle où ses adversaires l’attendent de pied ferme, jaloux de son insolente et inamovible première place dans les sondages.
Capitaliser sur quelques grands axes forts, pour mieux se poser en président sortant
Non pas en se mettant en scène à la tribune d’un meeting, devant des milliers de sympathisants chauffés à blanc qui agiteraient des drapeaux et scanderaient son nom. Dans le contexte international actuel, l’image ferait mauvais genre. «Bien sûr, je ne pourrai pas mener campagne comme je l’aurais souhaité en raison du contexte », admet-il d’ailleurs dans son courrier. D’où le report de sa première grande réunion publique prévue ce samedi à Marseille. Davantage que la démonstration, l’urgence est plutôt à la présentation rapide d’un projet clair. « Cette campagne permettra un débat démocratique important pour la nation », a-t-il lui-même concédé lors de son allocution solennelle mercredi soir.
Contrairement à 2017, il ne devrait pas forcément y avoir cette fois un programme classique, avec une liste de propositions et de promesses, façon inventaire à la Prévert. L’idée serait plutôt de capitaliser sur quelques grands axes forts, pour mieux se poser dans la stature du président sortant. Quelques pistes ont ainsi été disséminées depuis la rentrée de septembre, qui a en réalité signé le début de sa précampagne.
Du Covid à l’Ukraine
Il en va d’abord de l’éducation, et de « l’école du futur » qu’il espère bâtir en donnant plus de liberté pédagogique aux établissements. Il en va ensuite de la sécurité, qu’il souhaite renforcer en doublant la présence des forces de l’ordre sur le territoire via des réorganisations internes. Il en va aussi de l’énergie, qu’il entend révolutionner en relançant la construction de centrales nucléaires. Il en va enfin des retraites, qu’il veut réformer en repoussant l’âge l’égal de départ et en instaurant trois grands régimes. Le tout sans parler du travail – il dit vouloir «poursuivre la baisse des impôts » -, de la croissance, du pouvoir d’achat. Sans parler de l’Europe, aussi. C’est l’autre grand chantier, et dont les récentes crises ont rendu son diagnostic plus actuel que jamais.
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Du Covid à la guerre en Ukraine, le Vieux Continent a franchi plus de paliers en deux ans qu’en un demi-siècle. C’est le vaste plan de relance de 750 milliards décidé au deuxième semestre 2020, basé sur l’endettement malgré les réticences historiques de l’Allemagne. Ce sont la réindustralisation et la relance de la recherche, tout juste entamées après les pénuries de masques et l’incapacité à produire un vaccin. C’est enfin la défense commune, dossier encore balbutiant et sensible, dont la crise entre Moscou et Kiev pourrait être le catalyseur le plus efficace. Le sujet sera à l’ordre du jour d’un sommet entre les chefs d’État et de gouvernement des Vingt-Sept les 10 et 11 mars à Versailles. Emmanuel Macron y participera en tant que président qu’il reste. Mais son discours sera aussi celui du candidat qu’il est. À l’image des cinq semaines qui l’attendent.
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