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Le décret Crémieux donne la citoyenneté française
aux 37 000 Juifs d’Algérie
Le décret numéro 136, concernant les Juifs d’Algérie, déclare la « naturalisation collective
des « israélites indigènes d’Algérie ».
Celui-ci est promulgué à Tours et notamment signé par Adolphe Crémieux, ministre de la Justice et chargé des affaires algériennes, Léon Gambetta; ministre de l’Intérieur, Alexandre Glais-Bizoin et Léon Fourichon, députés.
Le décret n°136 n’est en réalité qu’un des nombreux décrets de Crémieux, mais il est considéré comme l’une des premières grandes mesures de la IIIème République.
À l’origine de ce décret, un homme : Isaac Adolphe Crémieux, l’un des chefs du parti républicain, et le fils d’un commerçant juif de Nîmes. Ce juriste et philanthrope juif français bénéficie d’une grande réputation d’intégrité dans le pays. Adolphe Crémieux a également participé à la création de l’«Alliance israélite universelle», dont il devient par la suite le président (de 1863 jusqu’à sa mort), avec l’objectif de protéger les Juifs où qu’ils soient.
Néanmoins, ce décret établit aussi une discrimination inédite entre les juifs, élevés au rang de citoyens français, et les musulmans. Tandis que les musulmans d’Algérie sont maintenus dans le statut d’indigène, c’est le début d’une fracture douloureuse et irréductible entre les deux communautés.
Par ailleurs, en France, où toute forme d’antisémitisme avait disparu sous la Restauration monarchiste et le Second Empire, le décret entraîne paradoxalement une mise en lumière des Juifs. L’antisémitisme apparaît avec force sous la IIIe République, à la faveur du scandale de Panama, qui précèdera de peu l’affaire Dreyfus.
Dans la foulée, les colons originaires d’Europe (Italie, Espagne, Malte…) sont aussi francisés en bloc. Quant aux musulmans d’Algérie, ils sont maintenus dans le statut d’indigène. C’est le début d’une fracture douloureuse et irréductible entre les deux communautés.
Dans les années 1860, prenant acte de la fin de la conquête de l’Algérie, Napoléon III préconise l’instauration d’un royaume arabe sous protectorat français, un peu comme il en ira plus tard avec le royaume du Maroc. Lui-même aurait eu le titre de « roi des Arabes ».
Par le senatus-consulte (décret impérial) du 14 juillet 1865, d’une grande générosité, les musulmans d’Algérie se voient reconnaître la nationalité française sans qu’il leur soit nécessaire de renoncer à la loi coranique.
Le projet se heurte à l’opposition violente des colons européens. Ces derniers, qui se situent du côté de la gauche républicaine, seront parmi les plus ardents à combattre Napoléon III et à se réjouir de sa chute.
La IIIe République, qui succède au Second Empire, prend le contrepied de la politique napoléonienne en intégrant plus étroitement l’Algérie à la France. Mais avec le décret Crémieux, qui abroge le senatus-consulte de 1865, elle établit une discrimination inédite entre les juifs, élevés au rang de citoyens français, et les musulmans.
Le décret Crémieux offre la citoyenneté pleine et entière aux juifs d’Algérie sous réserve du renoncement à la loi mosaique et à ses prescriptions contraires au droit civil en matière matrimoniale (ce renoncement avait déjà été entériné sous le Premier Empire par les consistoires métropolitains).
Il consacre en Algérie la rupture entre les colonisés (exclusivement musulmans) et les colonisateurs, qui viennent d’Europe et auxquels s’assimilent désormais les juifs…
Source : Hérodote