NSO Group ne survivra pas en l’état au scandale Pegasus. Cette affaire d’espionnage via des téléphones portables, dont la longue liste de victimes à travers le monde s’allonge chaque semaine, a coûté très cher à l’éditeur israélien du logiciel de surveillance. Alors qu’au début de l’année 2021 NSO Group envisageait de s’introduire en Bourse pour une valorisation de 2 milliards de dollars, les révélations faites à l’été ont balayé toutes ses ambitions.
La réaction des États-Unis a été à la mesure de l’émoi international provoqué par l’«affaire Pegasus». Considéré comme une «menace pour la sécurité nationale américaine», NSO Group a été placé en novembre sur une «liste noire» par le département du Commerce. La société n’a plus le droit de vendre ses produits à des entités américaines, ni d’acheter des équipements, des services ou de la propriété intellectuelle à une société basée aux États-Unis.
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Or ses produits tournent sur des serveurs Dell et Intel, nécessitent des routeurs sur Cisco et tournent sur des ordinateurs équipés du système d’exploitation Windows. Ce placement sur liste noire entraîne peu de temps après plusieurs démissions dans l’équipe dirigeante, obligeant le cofondateur Shalev Hulio à reprendre un poste de directeur général.
Poursuites judiciaires
Les difficultés commerciales se multiplient. Alors qu’en juin 2021 NSO Group revendiquait 60 clients dans une quarantaine de pays (dont 51% d’agences gouvernementales de renseignement), plusieurs d’entre eux transfèrent leur contrat chez des concurrents. Le chiffre d’affaires chute, la dette se creuse, estimée actuellement à 460 millions de dollars. Les créanciers s’inquiètent. «Je me demande s’il reste une quelconque valeur dans NSO », confiait l’un d’eux au Financial Times . Pour sauver ce qui peut encore l’être, la société a reconnu cette semaine être en pourparlers avec des fonds de capital-risque basés aux États-Unis.
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Selon le quotidien israélien Haaretz, les négociations seraient avancées avec la société de capital-risque américaine Integrity. « La société suscite un grand intérêt auprès de quelques fonds basés aux États-Unis et NSO est en pourparlers avec eux», a confirmé NSO Group, sans donner de nom. Le montant de l’opération tournerait autour de 300 millions de dollars.
C’est bien loin du milliard de dollars payé en 2019 par ses cofondateurs, Shalev Hulio and Omri Lavie, et le fonds Novalpina Capital au fonds Francisco Partners. Suite à des démêlés juridiques antérieurs au scandale, les 70% détenus par Novalpina ont été depuis transférés à la société Berkeley Research Group (BRG).
Il n’y a pas de lien entre mon départ et des publications récentes liées à NSO
Asher Levy, ancien président de NSO Group
Fondée par quatre anciens membres de l’armée américaine, Integrity espère déménager le siège social de NSO aux États-Unis afin d’être régulée par des lois américaines, d’annuler tous ses contrats actuels et de repartir sur de nouvelles bases avec le gouvernement américain.
Outre ses difficultés commerciales, NSO Group fait aussi face à de multiples poursuites judiciaires. En novembre, Apple a engagé une action lui reprochant d’avoir surveillé, de manière abusive, des utilisateurs de la marque à la pomme. Facebook et d’autres entreprises technologiques avaient eux aussi lancé des poursuites fin 2020 après le piratage de 1400 téléphones via la messagerie instantanée WhatsApp. Cette semaine, la justice israélienne a annoncé l’ouverture d’une enquête après l’article d’un média financier israélien démontrant que le logiciel espion Pegasus avait aussi été utilisé par la police israélienne pour surveiller certains citoyens. Mardi 25 janvier, Asher Levy a démissionné de son poste de président de NSO Group. «Il n’y a pas de lien entre mon départ et des publications récentes liées à NSO», a-t-il déclaré.