Comment rester un partenaire économique majeur et fiable sans apparaître comme un allié politique ? L’invasion de l’Ukraine par les troupes russes a mis les autorités algériennes, réputées proches de Moscou, dans une situation embarrassante, faisant évoluer les responsables du secteur de l’énergie sur une ligne de crête.
Un récent épisode médiatico-judiciaire semble en offrir la démonstration. Dans un très long entretien accordé au quotidien algérien Liberté le 27 février, le PDG de Sonatrach – la société nationale des hydrocarbures, major africaine de l’industrie pétrolière –, Tewfik Hakkar, assurait : « Sonatrach est et restera un partenaire et un fournisseur fiable de gaz pour le marché européen et est constamment disponible et disposé à soutenir ses partenaires de long terme en cas de situation difficile. »
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Le patron de Sonatrach ajoutait : « L’entreprise dispose d’une capacité non utilisée sur le gazoduc transméditerranéen, qui pourrait être utilisé pour augmenter les approvisionnements du marché européen », en précisant que « la contribution de Sonatrach pourrait s’étendre aux pays non desservis par les gazoducs reliant l’Algérie à l’Europe à travers des ventes de GNL [Gaz naturel liquéfié] ».
Même si Tewfik Hakkar ajoutait prudemment que ces appoints en gaz naturel et/ou en GNL restaient « tributaires de la disponibilité de volumes excédentaires, après satisfaction de la demande du marché national de plus en plus importante, et de ses engagements contractuels envers ses partenaires étrangers », l’information a été immédiatement reprise par de nombreux médias occidentaux.
Ces derniers, qui se sont peu embarrassés de nuances, ont conclu en chœur que l’Algérie, classée au treizième rang mondial pour ses réserves de gaz naturel, était prête à fournir plus de gaz à l’Union européenne.
Le bémol des majors du gaz
Dès le 28 février, on apprenait que la direction de Sonatrach avait déposé plaintecontre le quotidien Liberté, l’accusant d’avoir « déformé et manipulé les propos » de son PDG. Et sur sa page Facebook, Sonatrach a réagi en affirmant que l’entreprise n’était pas « responsable des interprétations [des propos de son PDG] faites par le journal ».
Le gaz algérien, dont les parts de marché sur le marché européen n’ont cessé de s’éroder au cours des quinze dernières années, peut-il faire son grand retour à la faveur de la crise ukrainienne ?