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Dans la nature, leur taux de dangerosité est encore plus élevé que s’ils étaient incarcérés
Les Kurdes, qui les détiennent actuellement, menacent de les relâcher dans la nature, et la France envisage de les rapatrier.
Le retour de 130 djihadistes français et de leurs familles, jusqu’ici retenus par les forces kurdes dans des camps au nord de la Syrie, est au cœur de toutes les préoccupations. Chez Nikos Aliagas, jeudi sur Europe 1, le spécialiste du monde arabe Gilles Kepel estime qu’aucune solution ne saura être entièrement satisfaisante, mais qu’une incarcération dans les prisons françaises, doublée d’une surveillance accrue, serait la moins mauvaise.
Des djihadistes “nourris, logés, blanchis” ? “S’ils ne sont pas incarcérés quelque part, ils restent dans la nature, et leur taux de dangerosité est encore plus élevé que s’ils étaient incarcérés”, juge le politologue, auteur de Sortir du chaos (aux éditions Gallimard). Alors bien sûr, il est difficile, voire douloureux pour l’opinion publique, durement marquée par les attentats perpétrés sur le sol français, de considérer ce retour de combattants endoctrinés avec sérénité. “Les contribuables n’ont pas particulièrement vocation à faire en sorte que des djihadistes qui voulaient les tuer soient nourris, logés, blanchis et au chaud”, convient Gilles Kepel.
Les erreurs passées à ne plus reproduire. Dès lors, tout dépend de la manière dont la France va gérer ce retour, en particulier dans le milieu carcéral. “Aujourd’hui, on a déjà plusieurs centaines djihadistes en prison, et on ne sait pas très bien quoi en faire. Pendant toute une époque, ils ont été dispersés parmi les détenus de droit commun et se sont livrés à un prosélytisme très important. Puis l’administration les a regroupés dans des unités dédiées, qui sont devenues des sortes d’ENA du djihad”, rappelle le spécialiste. “Aujourd’hui, cette idéologie reste très présente dans les prisons françaises.”
Dès lors, selon Gilles Kepel, l’arrivée de ces nouveaux contingents de djihadistes venus de Syrie, “qui sont les durs des durs” et sont “auréolés de gloire dans ces milieux”, est un “facteur de déstabilisation qui nécessite une prise en compte importante de la part de l’administration pénitentiaire, et une réflexion de la justice.” “Or, pour l’instant, on n’est pas tout à fait au point”, confie-t-il.
Quid des djihadistes qui vont sortir de prison ? Aujourd’hui, le système judiciaire condamne à des peines plus lourdes les personnes reconnues coupables de djihadisme. Ce qui n’était pas le cas avant. “Un certain nombre d’entre eux ont été condamnés il y a plusieurs années à des peines relativement courtes et sont aujourd’hui en train de sortir. Il y a déjà, à partir de ce mois-ci, des gens qui sont libérés. Ceux qui ne sont pas de nationalité française sont expulsés, quand leur pays d’origine en veulent. Les autres retournent dans leurs quartiers, retrouver leurs réseaux. Même s’ils font l’objet d’une surveillance, celle-ci est, par définition faillible”, alerte Gilles Kepel, qui observe l'”énorme inquiétude” de l’opinion publique “ainsi que les services concernés”.