Brenton Tarrant à l’écoute des observations du procureur Mark Zarifeh, le dernier jour de son audience de détermination de sa peine, à la Haute Cour de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le 27 août. John Kirk-Anderson/AP
« Vous avez commis des actes inhumains. Vous n’avez montré aucune pitié. Vous êtes non seulement un meurtrier, mais un terroriste », a déclaré, jeudi 27 août, le juge Cameron Mander, devant la Haute Cour de Christchurch, en condamnant Brenton Tarrant à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Reconnu coupable, en mars, de 92 chefs d’accusation pour acte terroriste, meurtres et tentatives de meurtre après la double attaque contre deux mosquées de la ville, le 15 mars 2019, qui avait coûté la vie à 51 personnes, le suprémaciste blanc sera le premier détenu, dans le pays, à passer l’intégralité de sa vie derrière les barreaux. L’homme de 29 ans, amaigri dans son costume gris de prisonnier, n’a pas réagi à l’annonce du verdict qui a conclu les quatre jours de l’audience déterminée à fixer la durée de sa peine
« Vous avez reconnu que rien de bon ne venait de vos crimes (…). Vous dites que c’était odieux et irrationnel, mais il n’est pas évident que vous ayiez vraiment des remords », a notamment souligné le juge, qui a noté son « absence de toute empathie » à l’égard des victimes. « Votre rejet récent de votre idéologie extrémiste nécessite de la circonspection », a-t-il ajouté. Interrogé par un psychiatre et un psychologue durant son incarcération, Brenton Tarrant n’avait d’abord montré aucun signe de regret. Puis il a changé d’attitude, affirmant qu’il se sentait ostracisé à l’époque, qu’il était dans un « état émotionnel toxique » et voulait nuire à la société par un acte de vengeance.
Le juge a ainsi suivi les réquisitions du procureur qui avait demandé l’application de la peine la plus lourde à l’encontre du « pire meurtrier de Nouvelle-Zélande », auteur d’un acte terroriste « fondé sur une idéologie raciste » . Brenton Tarrant n’a pas souhaité s’y opposer. « Son intention était (…) de causer une peur, des blessures et des pertes extrêmes à la population musulmane et non caucasienne », a encore affirmé le procureur devant les victimes et leurs proches, qui ont accueilli le verdict en silence.
Pendant trois jours, 91 d’entre eux sont venus témoigner à la demande de la cour. Souvent en sanglots, parfois dévorés par la colère, beaucoup ont choisi de s’adresser directement au « monstre » qui a fait de leur vie un champ de ruines et les regardait, impassible, depuis son box.
Colère et pardon
« Votre cruauté et votre haine n’ont pas eu les résultats escomptés. Au contraire, ils ont uni notre communauté de Christchurch, renforcé notre foi (…) et uni notre nation pacifique » , lui a lancé, jeudi 26 août, Aden Diriye, père du petit Mucaad Ibrahim, 3 ans, abattu sous ses yeux après avoir été intentionnellement visé par le terroriste. Nathan Smith, qui a tenu le corps de l’enfant dans ses bras, s’est insurgé contre la prétention du suprémaciste blanc à avoir « tué en [son] nom ». « Je suis blanc, musulman et fier » , lui a jeté ce converti d’origine britannique toujours hanté par les images de « ses frères et sœurs » agonisants. « Aujourd’hui, c’est toi le terroriste. Tu as enlevé ce nom des épaules des musulmans », a renchéri Mirwais Waziri, réfugié afghan, blessé dans la fusillade et excédé que l’assaillant ne montre aucun « remords, regrets ni honte ».
Certains ont regretté que la peine de mort n’existe pas en Nouvelle-Zélande
Impassible, Brenton Tarrant l’est resté quand Temel Atacocugu a raconté ces minutes durant lesquelles, criblé de neufs balles, enseveli sous un amas de corps, il a cru mourir. « Je pouvais sentir le sang et la cervelle de la personne sur moi qui coulait le long de mon visage et de mon cou (…).Je ne pouvais pas bouger ou émettre le moindre son, sinon le tireur m’aurait achevé comme il l’a fait pour les autres », s’est-il remémoré. Aujourd’hui, sa vie est un combat quotidien. Contre d’atroces souffrances physiques, contre ses émotions qu’il ne contrôle plus, contre ces terribles souvenirs.
Sara Qasem, qui a perdu son père, un informaticien d’origine palestinienne, a laissé exploser sa colère, le regard planté dans celui du tueur. « Tout ceci n’aurait pas dû arriver. Vous avez fait un choix. Un choix de sang froid. Un choix conscient, bête, irresponsable, égoïste, abominable, odieux, diabolique », a martelé cette professeure des écoles, avant de rendre un vibrant hommage à son père, un « héros » abattu alors qu’il venait en aide à d’autres fidèles blessés. Beaucoup ont demandé à ce que Brenton Tarrant ne revoit jamais la lumière du jour, certains ont regretté que la peine de mort n’existe pas en Nouvelle-Zélande.
Janna Ezat, qui a reçu le corps de son fils dans un cercueil le jour de son anniversaire, a, quant à elle, décidé de lui pardonner, parce qu’elle n’a « pas de haine, pas de désir de revanche », parce que son fils « ne reviendra pas ». En face, l’auteur du massacre a réagi, finalement, en hochant la tête. La fille de Janna Ezat, Aya Al-Umari, dira ensuite au Guardian que sa mère a cru « qu’il avait ressenti quelque chose ».
Les victimes n’obtiendront rien d’autre de Brenton Tarrant mais, à leur sortie du tribunal, la plupart se sont dites soulagées par le verdict.