L’affaire Pegasus est désormais entre les mains de la justice française: le parquet de Paris a ouvert une enquête mardi pour examiner la plainte de journalistes dont l’infiltration de téléphones pour le compte du Maroc, ce que Rabat conteste, a été révélée par un consortium de médias.
Plusieurs médias dont Le Monde, le Guardian et le Washington Post ont révélé dimanche que la journaliste de Mediapart Lénaïg Bredoux et le fondateur du site Edwy Plenel figurent parmi les plus de 180 journalistes espionnés à travers le monde via ce logiciel pour le compte de différents États, en l’occurrence par le Maroc.
En réponse, le site d’informations a porté plainte lundi. Également visés par cet espionnage attribué au Maroc, le Canard enchaîné et son ancienne collaboratrice Dominique Simonnot, devenue Contrôleuse générale des prisons, ont annoncé leur intention de déposer plainte à leur tour.
De nombreuses personnalités visées
«Pendant plusieurs mois, l’appareil répressif du royaume chérifien a ainsi violé l’intimité privée de deux journalistes, porté atteinte au métier d’informer et à la liberté de la presse, volé et exploité des données personnelles et professionnelles », a accusé Mediapart dans un article lundi. Selon le site d’informations, le but était d’essayer de «faire taire les journalistes indépendants au Maroc, en cherchant à savoir comment nous enquêtions dans ce domaine ».
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Ces informations sont des «allégations mensongères dénuées de tout fondement », s’est défendu le gouvernement marocain, démentant avoir acquis des «logiciels informatiques pour infiltrer des appareils de communication ». Selon Le Monde, outre des journalistes marocains, «une trentaine de journalistes et de patrons de médias français figurent sur la liste des cibles de Pegasus, dans des rédactions aussi variées que Le Monde, Le Canard enchaîné, Le Figaro ou encore l’AFP et France Télévisions », tous n’ayant pas nécessairement été ensuite piratés.
Accusation multiples sur la table
L’enquête à Paris démarre sur une liste de dix infractions potentielles dont «l’atteinte à la vie privée », «l’interception de correspondance », «l’accès frauduleux » à un système informatique et «l’association de malfaiteurs », a détaillé dans un communiqué le parquet. L’enquête vise également d’autres infractions, telles que l’introduction, l’extraction et la transmission frauduleuses de données, potentiellement imputables aux utilisateurs de Pegasus.
Elle concerne aussi la «mise à disposition et détention d’un équipement » permettant des atteintes à un système de données et «l’offre et la vente sans autorisation d’un dispositif de captation de données », ce qui pourrait s’appliquer à la commercialisation du logiciel et aux intermédiaires impliqués. Les investigations ont été confiées à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), a précisé le parquet.
«Attaque majeure contre le journalisme »
Selon l’enquête publiée dimanche par un consortium de 17 médias internationaux, le logiciel Pegasus, élaboré par l’entreprise israélienne NSO Group, aurait permis d’espionner les numéros d’au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs d’entreprise de différents pays.
Le logiciel espion Pegasus, introduit dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, photos, contacts et même d’écouter les appels de son propriétaire. Le travail du consortium se fonde sur une liste obtenue par Forbidden Stories, un réseau basé en France, et Amnesty International. Elle compte, selon eux, 50.000 numéros de téléphone sélectionnés par les clients de NSO depuis 2016 pour une surveillance potentielle.
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Ces révélations ont suscité l’indignation dans le monde entier d’organisations de défense des droits humains, de médias et de dirigeants politiques. NSO, régulièrement accusé de faire le jeu de régimes autoritaires, assure que son logiciel sert uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes. Le groupe a de nouveau «nié fermement les fausses accusations portées » dans l’enquête, selon lui «bourrée de suppositions erronées et de théories non corroborées », précisant envisager des poursuites en diffamation.
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