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Les Français ont le culte de l’homme providentiel avec une préférence marquée pour les généraux.
Le haut gradé se défend de jouer le rôle du recours, mais en emprunte tous les atours, des idées simples aux formules-chocs. Par Sophie Coignard
L’ancien chef d’état-major des armées enchaîne les succès de librairie. © JOEL SAGET / AFP
Les Français ont le culte de l’homme providentiel. Avec une préférence marquée pour les généraux. En temps de crise, ils en ont plébiscité un par siècle depuis la Révolution, avec des destins très divers. Napoléon Bonaparte à la fin du XVIIIe, Georges Boulanger à la fin du XIXe, Charles de Gaulle au milieu du XXe. Et maintenant, Pierre de Villiers ? L’ancien chef d’état-major des armées, qui a démissionné après avoir été sèchement recadré par Emmanuel Macron au tout début du quinquennat, enchaîne les succès de librairie sur le thème du chef et du besoin d’autorité. Pour la promotion de son troisième ouvrage, L’Équilibre est un courage (Fayard), il sature l’espace médiatique avec le bon sens en bandoulière. Et personne ne semble lui reprocher d’enfoncer des portes ouvertes, bien au contraire.
Il ne déteste pourtant pas énoncer des évidences sur un ton solennel. Avec lui, pas de « pensée complexe ». Au micro de France Inter, il assure vouloir « réconcilier une France fragmentée ». On croirait entendre Emmanuel Macron pendant la campagne de 2017. Son diagnostic ? « Une coupure entre les citoyens et ceux qui les dirigent. » Quelle formidable révélation ! Son objectif ? Restaurer l’équilibre entre « fermeté et humanité ». On n’est pas loin du radical-socialisme. Et les lieux communs se succèdent à vive allure. « Au travers de mes rencontres, j’ai noté ce délitement du creuset national. Délitement territorial : on ne vit pas aujourd’hui de la même manière au centre d’une grande ville, à la campagne, ou dans une cité. »
Face à Ruth Elkrief, sur BFM TV, il donne quelques solutions vite emballées pour lutter contre le terrorisme : « Il faut que nous puissions arrêter les prêches intégristes islamistes radicaux », que « l’islam de France ait des imams mieux formés ». Bon sang, mais c’est bien sûr ! Il raconte volontiers son odyssée dans les cités, notamment aux Mureaux, dans les Yvelines. En conclut que « ce sont les salafistes qu’il faut combattre ». Assure aussi qu’« une fois que la violence arrive, la haine est très difficile à éteindre ». Ou encore que « le creuset national est en train de s’effilocher dangereusement ».
« La guerre civile »
Ce dimanche, le général à la mode faisait la une du Parisien, avec une phrase-choc qui a fait le tour des réseaux sociaux : « Ma crainte, c’est la guerre civile. » Voilà une analyse radicale, qui retient l’attention au lendemain d’un samedi encore marqué par les violences contre les forces de l’ordre dans les manifestations. Et qui change des lapalissades telles que « la vaccination sera un succès si les gens ont confiance », que l’ancien haut gradé égrène inlassablement. Toutefois, on n’en saura pas plus sur les contours de cette menace pourtant effrayante.
La meilleure publicité pour le général, son dernier livre et son éventuelle ambition politique, c’est l’incohérence que l’on peut parfois reprocher au gouvernement. Ainsi, il fait mouche quand il répète, lors de ses différentes prestations médiatiques, la même formule qui met assurément les rieurs et les grincheux de son côté : « Les Français ne comprennent pas qu’on leur interdise de sortir sans attestation dûment signée… mais qu’on ne puisse pas expulser un imam qui crache sur la France ! » Qui oserait le contredire ?