Quelle est la différence fondamentale entre la droite et la gauche ? Avez-vous une définition claire de la droite ?
Du point de vue du sentiment, ce qui prédomine à droite est l’inquiétude, alors que ce qui prédomine à gauche est l’espoir. L’homme de droite craint que ce qui est beau soit fragile. Il faut donc en prendre soin. L’homme de gauche a l’espoir d’un monde meilleur, d’améliorer ce qui est. C’est une négation du réel et du présent. Il y a le désir de transformer les choses belles et fragiles. Beaucoup d’autres choses les séparent, c’est d’ailleurs pour cela que le clivage se maintient malgré les tentatives de le dépasser ces dernières décennies.
Ne peut-on pas dire de la droite qu’elle a besoin de cet espoir, qu’elle s’enferme dans la conservation ?
Dans la droite politique française actuelle, je le pense. Si l’on prend le parti Reconquête qui fonde tout sur la question identitaire, question cruciale et essentielle, il propose le même monde qu’aujourd’hui sans les racailles et l’immigration. Or, ça ne peut pas séduire les élites qui peuvent vivre en sécurité. Et la droite a besoin des élites qui sont des agents de civilisation. Il manque d’abord une projection de puissance qui, pour moi, ne peut se situer qu’au niveau européen. C’est pour cela que j’espère une droite souverainiste et européenne qui s’oppose à l’Union européenne. Il manque également une proposition de transformation du monde, qui ne peut passer que par l’écologie qui, par essence, est de droite. Si la droite pouvait à la fois être identitaire – ce qui est la condition sine qua non de la survie de la cité – et proposer un projet de puissance dans le monde de demain contre les grands espaces civilisationnels, la droite aurait ce qui lui manque.
Lire aussi : Philosophie de droite : Repartir sur de bonnes bases
Qu’en est-il du piège populiste qui semble avoir oublié la hiérarchie et les élites ?
Il y a d’abord un effet de réaction à ce que Christopher Lasch appelait « la révolte des élites ». Nous avons subi depuis plusieurs dizaines d’années des élites progressistes qui ont été les vecteurs de la modernité et de la post-modernité. Par effet réactif, il y a eu un rejet des élites, et un élan démagogique par le peuple, pour le peuple…
Les gens qui se disent de droite en Occident le sont-ils réellement en ayant basculé dans le populisme ? Sur la question de la crise sanitaire et de la Russie, on a l’impression que la droite réagit systématiquement en s’opposant à l’élite.
Pour moi, c’est un symptôme de plus de la répulsion envers les élites depuis trente ans. C’est à cause de cette connivence entre les élites et la modernité qu’il y a un rejet de tout, même de façon irrationnelle. Le complot est souvent une paresse de l’esprit. À l’heure de la mort de Dieu, les gens ont besoin de se raccrocher à des schémas et le conspirationnisme en propose un. Pour comprendre la société, il faut en fait comprendre l’histoire, et surtout l’esprit du temps. Cette question dépasse de loin l’esprit de quelques milliardaires qui, eux-mêmes, sont souvent surpris par les événements.