Au programme l’application de la laïcité chez les fonctionnaires.
■ Pourquoi venir à Auxerre ? Dans le cadre de la nouvelle loi Déontologie, nous avons rappelé le principe de laïcité et l’avons inscrit dans le statut du fonctionnaire. L’idée de la visite est de faire des états des lieux sur le terrain, avec des agents pour voir comment on peut répondre aux différentes difficultés concernant l’application de la laïcité dans la fonction publique. Nous avons mis en place une commission laïcité, présidée par Émile Zuccarelli.
Cette commission a été créée parce que nous avons pu constater que les agents de la fonction publique n’étaient pas suffisamment équipés dans la relation avec l’usager sur les questions de laïcité. Émile Zuccarelli est, comme moi, radical de gauche, et pour nous, la laïcité est un principe fondamental de droit. Rappeler le droit et de prendre en compte le bienêtre des agents publics sur le terrain.
■ La laïcité n’apparaissait pas dans la loi avant celle d’avril 2016 ? La neutralité était déjà explicite avant dans le statut du fonctionnaire mais, dans la loi sur la déontologie dans la fonction publique, nous avons voulu rappeler le principe de laïcité. À partir de là, il nous faut apporter des outils et des réponses concrètes aux agents qui, sur le terrain, ont besoin de pouvoir faire vivre cette laïcité. Il faut nous mettre d’accord sur la sémantique et dépasser ça en évitant les tabous, la crispation.
■ À quel niveau l’application de la laïcité pose-t-elle problème ? Celui des fonctionnaires ou des usagers ? Il y a deux choses. Tout d’abord, la neutralité du fonctionnaire est une obligation dans l’exercice de ses fonctions. Il s’abstient de manifester ses opinions religieuses et respecte la liberté de conscience des personnes qu’il peut côtoyer dans son travail. On n’a pas énormément de difficultés dans ce domaine car les cadres sont précis. Ça peut arriver dans le milieu hospitalier avec des internes ou des stagiaires, qui ne sont pas encore agents de la fonction publique et qui n’ont donc pas signé de charte de la laïcité. Dans ces cas, il y a peut-être un petit décalage sur lequel il faut travailler. Là où nous devons soutenir nos agents, c’est dans le contact avec l’usager, qui peut manifester son appartenance religieuse, dans les limites posées par la loi et sous réserve du bon fonctionnement du service. Il existe un dé calage entre la théorie et la pratique, et c’est là où les agents peuvent se sentir démunis, où il faut leur apporter des réponses.
■ Au sein de l’hôpital, un sondage a montré la progression des idées frontistes en mars. La commission a été créée en juin. Y a-t-il un lien de cause à effet ? Mieux prendre en compte le bienêtre de l’agent dans nos politiques de management est un vé ritable enjeu. C’est vrai pour l’application de la laïcité comme pour beau coup d’autres sujets. Nous devons travailler sur cet aspect et sur la prise en charge des usagers. Quand l’agent se sentira mieux, il sera mieux préparé à af fronter l’usager et ses exi gences.
■ La situation n’est pas nouvelle. Des réponses n’avaient-elle pas déjà été apportées ? Si, les textes et le cadre existent : la charte de la laïcité, des vade mecum pour les communes par exemple. Mais ce qu’on ressent bien quand on va sur le terrain, c’est aussi un besoin d’échange entre le fonctionnaire et sa hiérarchie. Un besoin d’être transparent sur la manière dont on peut aborder la question de la laïcité et éviter toute polémique.
■ À l’hôpital Bichat, quels exemples concrets vous a-t-on présentés ? Dans le privé comme dans le public, même si le fait religieux est en augmentation, les problèmes ne sont pas si nombreux. À l’hôpital cela peut venir autour des questions de nutrition, de menus proposés, mais aussi d’exigences précises d’usagers : un papa qui veut que son enfant prématuré, en couveuse, porte la kippa en permanence, des personnes qui ne veulent pas se faire soigner par un homme ou par une femme, des questionnements sur le lait à utiliser en maternité… La question, c’est, jusqu’où peut-on aller dans l’accompagnement des usagers ? À quel moment peut-on répondre sans que ça ne pose problème dans l’organisation de l’hôpital ? Il est indispensable, pour éviter tout conflit, d’avoir des cadres précis, des supérieurs hiérarchiques qui accompagnent les agents.
■ Mais ce message doit aussi passer au niveau de la population ? Comment faire quand le principe de laïcité et globalement les symboles de la République sont parfois mis à mal ? Dans le cas de l’hôpital, c’est le dur métier, à ce moment-là, des médecins, infirmiers, etc., de faire comprendre les risques en terme d’hygiène, de sécurité, de sur vie. Il est important pour les personnels de pouvoir expliquer leur démarche. Et il faut qu’il y ait eu des informations claires, posées à l’avance pour pou voir s’opposer à certaines choses. Pour le reste, ça dépasse largement la question de la laïcité. C’est une question de citoyenneté. Quant aux symboles de la République je me rappelle que le drapeau bleu blanc rouge a été partout dans les rues de France au moment de l’Euro 2016. Et après les attentats, les Français l’ont mis à leurs fenêtres. Les valeurs de la République, c’est d’abord aux fonctionnaires de pouvoir les met tre en œuvre, dans leurs pratiques. Ce sont eux les sentinelles de la République, les derniers contacts avec les usagers. ■