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Dans la foulée des attentats du 7 janvier, pour « renforcer la cohésion nationale » il nous semblé opportun de préconiser le « développement effectif de l’enseignement laïque du fait religieux » dans les établissements scolaires, une des mesures clés annoncées le 22 janvier par la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem. Nous voudrions évoquer les enjeux d’un tel enseignement.
Actuellement, l’enseignement du fait religieux existe à travers l’histoire en particulier, parfois en philosophie au lycée. Néanmoins, il faut le renforcer car il est important d’introduire chez les élèves une distance critique dans leur réflexion personnelle. Tous les faits religieux seront traités et décrits de façon neutre, impartiale. Il faut les contextualiser, les historiciser, les analyser, dans le respect des croyances de chacun.
Ce sera un enseignement transdisciplinaire, comme il existe déjà, mais qu’il faudra renforcer, notamment en histoire mais aussi dans l’enseignement moral et civique. Ce cours parlera de laïcité, des valeurs de la République, et parlera donc de tout ce qui fait la citoyenneté, le vivre ensemble, et la culture du respect mutuel. Parce que la laïcité, c’est d’abord le respect mutuel et donc aussi la compréhension de l’autre. L’enseignement du fait religieux permettra de faire tomber un certain nombre de préjugés et d’incompréhensions vis-à-vis des opinions et des croyances de chacun.
(…) La laïcité n’est pas une opinion, ni une religion, c’est le cadre qui permet à toutes les opinions et les religions de s’exprimer et de coexister. De fait, la laïcité suppose aussi une meilleure approche, une meilleure compréhension du fait religieux. Mais il ne s’agit pas de faire du catéchisme ou de la théologie, simplement d’introduire chez les élèves une distance critique dans leur réflexion personnelle.
Le fait religieux comprend tous les faits religieux. Cet enseignement sera assez large puisqu’il inclura toutes les croyances, toutes les religions. C’est surtout la notion de croyance qui doit être mieux comprise des élèves, ce qu’est de croire ou de ne pas croire, aussi bien dans le temps que dans l’espace.
La façon d’aborder ces questions dépend bien sûr du niveau : il est certain que du CP à la terminale, ces enseignements ne parleront pas de la même chose. Dans une classe de CP, cela peut prendre la forme d’un dialogue interactif, sans forcément obliger les élèves à dire ce qu’ils pensent mais permettre à chacun de penser ce qu’il veut. Mais il n’est pas question pour l’enseignant de faire de la théologie ou d’avoir une approche dogmatique. Ce n’est pas un enseignement religieux mais une approche contextualisée, historicisée des croyances de chacun et qui laisse la place au dialogue.
Ce n’est pas nouveau. Déjà, en 2002, le rapport Debray évoquait ces questions. Il s’agit plus d’un enseignement de type scientifique, qui porte sur des faits de civilisation qui sont évidents. Les religions de fait ont une influence sur la société et sur l’histoire, de même que des faits économiques, sociaux ou culturels ont pu avoir des influences considérables sur l’histoire.
Dans ce que l’Observatoire de la laïcité a proposé, l’enseignement reste transdisciplinaire à ce stade. L’Education nationale devra mener une évaluation sur cette question.
Il est intéressant que ce soit transdisciplinaire, pour ne pas non plus le réduire à un cours qui serait strictement dédié à la religion. C’est intéressant de le concevoir dans des cours qui ne traitent pas que de cela, de le relier à d’autres dimensions, artistiques, historiques…
Il y a d’autres points qui nous semblent importants, même s’ils ne sont pas directement liés à la laïcité, mais que nous avons quand même inclus dans notre avis comme l’intégration, dans les programmes scolaires, d’une connaissance de toutes les cultures présentes sur le territoire de la République ou qui ont participé à l’histoire de France, trop peu traitées à notre avis.
Certains élèves se sentent par conséquent exclus du récit national, parce que leur culture d’origine n’est pas traitée et ils vont du coup peut être se sentir moins Français que d’autres, alors qu’ils le sont tout autant. Je pense notamment aux cultures des Outres-mers, d’Afrique subsaharienne, du Maghreb et d’Asie, tous ces territoires qui ont été soit sous domination française, pendant la période coloniale, soit qui sont toujours français. Inclure ces éléments dans le programme contribuerait au mieux vivre-ensemble, et à montrer que la France est riche de sa diversité. La laïcité a d’ailleurs été conçue pour faire vivre une population diverse, de façon unie, et pour qu’elle construise malgré sa diversité une citoyenneté commune et un avenir commun grâce à cette richesse.
S’entre connaître et dialoguer pour faire reculer les préjugés et le racisme et favoriser le mieux vivre-ensemble, ce sont les objectifs que se doit de promouvoir l’enseignement des faits religieux à l’école. C’est après la publication en 2002 d’un rapport réalisé par le philosophe Régis Debray que cet enseignement sera introduit sous sa forme actuelle, sur le principe de la transdisciplinarité. En 2005, le rapport annexé à la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, dite « loi Fillon », souligne l’importance d’un tel enseignement : « Il convient dans le respect de la liberté de conscience et des principes de laïcité et de neutralité du service public, d’organiser dans l’enseignement public la transmission de connaissances et de références sur le fait religieux et son histoire. »
Deux ans plus tôt, l’enseignement du fait religieux est inscrit par décret dans le socle commun de connaissances et de compétences. Il fait partie des connaissances de « culture humaniste » que doivent acquérir les élèves, celles-ci devant leur permettre de « comprendre l’unité et la complexité du monde ». Sont désormais inscrite au programme l’étude « du fait religieux en France, en Europe et dans le monde en prenant notamment appui sur des textes fondateurs (en particulier des extraits de la Bible et du Coran) dans un esprit de laïcité respectueux des consciences et des convictions ».
La même année, en 2003, l’Institut européen en sciences des religions (IESR) est créé, conformément aux recommandations du rapport Debray. Rattaché à l’Ecole pratique des hautes études, il est chargé de fournir des ressources aux enseignants, et de former les personnels de l’Education nationale aux faits religieux au moyen de stages. Mais le peu de moyens accordés à l’institution limite la formation des enseignants.
L’enseignement laïque du fait religieux n’est pas nouveau mais est lacunaire. Il est donc appelé à se renforcer, en développant dès à présent « des formations sur site » pour les professeurs en poste. Les futurs enseignants, eux, bénéficieront d’enseignements dispensés dans le cadre de leur formation initiale, dans les écoles supérieures du professorat (ESPE). Un défi de taille pour l’éducation nationale.