« C’est une certitude pour nous, aujourd’hui encore, que les idées pédagogiques que nous défendons ne peuvent trouver leur plein épanouissement que dans une transformation de la société dans laquelle nous vivons…. Nous ne sommes, cela est évident, ni un parti politique, ni d’une façon générale, une formation politique et nous ne voulons subir la pression en tant que mouvement d’aucune formation politique. Il en résulte que nos moyens d’action, nos terrains d’application, notre langage ne sont ni les moyens d’action, ni les terrains d’application, ni le langage d’un parti politique. Et lorsque j’évoque un parti politique, il va de soi que chaque parti a lui même son propre langage, son propre mode d’expression, selon les idées, les forces qu’il représente ou les combats qu’il mène. Ce n’est pas notre langage. C’est l’évidence aussi que nous ne sommes pas un syndicat ou une tendance syndicale, que tel syndicat ou telle tendance syndicale trouve ses méthodes et son langage. Et que ce langage n’est pas le nôtre. À chaque fois que nous nous exprimerons en tant que mouvement avec un langage qui n’est pas le nôtre, nous risquons de perdre des forces, c’est vrai sur le plan politique, c’est vrai aussi sur le plan pédagogique.
Alors quel est notre langage propre ?
Parce que nous sommes un mouvement d’éducation nous avons nécessairement une action sur l’évolution de notre société. Nous voulons participer à une transformation de cette société dans un sens progressiste et nous nous situons par là dans un courant de gauche ou dans un courant socialiste ». Je viens de citer le délégué général Denis BORDAT qui intervenait il y juste 50 ans en clôture du congrès d’Orléans, devant plus de 1000 militant∙e∙s et invité.e.s dont le secrétaire d’état à la jeunesse et aux sports de l’époque, Joseph COMITI Il ajoutait ensuite : « Et là, le congrès butte sur le vieillissement des mots ou leur emploi équivoque ».Que dirions nous aujourd’hui après 50 ans, après beaucoup d’espoirs, beaucoup de déceptions et un certain nombre de trahisons ?
Peut être parlerions nous de différences de posture plus que de celle du langage. Nous sommes, aujourd’hui, dans un autre monde.
– Mais doit on se résoudre à des luttes de résistance, le dos au mur, à des luttes sociétales sectorielles, parce que notre monde n’a plus de perspectives globales ?
– Doit on se résoudre à vivre, à militer dans le seul court terme, à l’ombre des tweets, des fakes news, des injonctions néo libérales agissant le repli de la liberté d’expression pour tendre vers la tyrannie de l’opinion ?
– Doit on se résoudre à essayer au quotidien de contribuer à réduire les inégalités économiques, sociales, culturelles, éducatives face à des régimes politiques dont les actes contribuent à les creuser ?
– Doit-on se résoudre à supporter les rejets vis–à–vis de la science, des connaissances et méthodes scientifiques, les rejets de l’humanisme et de la raison, la banalisation du complotisme et de l’obscurantisme ?
– Doit-on se résoudre à subir des idéologies de divisions, de fragmentation de la société, d’opposition des uns contre les autres qui font le plus grand bonheur du capitalisme néo–libéral et de l’impérialisme qui ne sont alors plus les adversaires principaux ?
– Doit-on renoncer, 50 ans après la création de la FICEMÉA à la dimension internationaliste et universaliste de l’éducation nouvelle et des CEMÉA !
Non bien sûr ! Nous ne pouvons–nous résoudre à tout cela ! Nos engagements, notre militantisme en apportent les preuves au quotidien. Si depuis 1971, et encore plus aujourd’hui, des mots ont certainement vieillis ou n’ont plus court, il nous faut participer, à notre place de mouvement d’éducation nouvelle, à réinventer d’autres mots pour aujourd’hui et pour demain, et construire avec d’autres des utopies mobilisatrices. Ce sont elles qui permettront de faire unité, combats communs et espoirs partagés pour un changement de société que nous appelions déjà de nos voeux en 1971 et qui, seul, permettra à nos valeurs, à nos conceptions éducatives, à nos idées et pratiques pédagogiques de s’épanouir complètement.
L’affirmation politique de Denis BORDAT au congrès d’Orléans, face à un ministre de droite, tient–elle toujours ? Gisèle DE FAILLY qui inscrivait le mouvement naissant dans la lutte antifasciste, cela tient–il toujours ? Si les termes sont marqués par leurs contextes, les principes de fond qui les sous-tendaient sont–ils toujours ce qui nous guide ? Faut–il affiner, adapter, préciser, compléter ? Probablement. Mais alors, et j’y reviendrai, c’est la tâche de qui ? Et si l’outil avait peu à peu masqué l’objectif…
Si notre objectif reste la transformation sociale, pour une société juste et égalitaire, cela engage des évidences d’aujourd’hui qui nous concernent : l’égalité entre les sexes et les genres, la laïcité, l’interculturalité, la lutte contre les GAFAM. Dans la société d’aujourd’hui, il y a un grand flou sur des valeurs et des orientations qui fassent sens pour tous et chacun. Alors chaque organisation bricole son système et ses choix plus ou moins opportunistes, égoïstes, sectoriels, clientélistes…
Faute de la confrontation de propositions d’avenirs qui fassent collectivement rêver, et de la confrontation de propositions de chemins pour y parvenir, les débats et les conflits politiques sont passés au registre sociétal : PMA, laïcité, environnement, genre, statut de l’animal… C’est pareil chez nous. C’est une longue et vieille histoire : hier nous étions traversés par les différences, les luttes et les engagements syndicaux et politiques de nos militants, et il était nécessaire de rappeler, de nous rappeler, que les CEMÉA n’étaient pas un terrain pour ces luttes et ces influences-là. Aujourd’hui cette histoire se rejoue autrement.
Compte tenu de l’évolution de notre société et de ce que l’on appelle « la demande sociale », ce qui peut motiver des gens à militer aux CEMÉA aujourd’hui n’a peut-être pas d’emblée à voir avec les fondements historiques de l’éducation nouvelle et notre patrimoine pédagogique. La crise de notre société, sa droitisation libérale et idéologique, ses contradictions, tout cela peut, par endroit, entraîner de profonds changements dans l’engagement des militant.e.s qui revendiquent la légitimité de leur appartenance, voire de leur identité sociale, par rapport à des enjeux sociétaux qui n’ont rien à voir directement avec les principes historiques des CEMÉA. Nous ne sommes pas venus aux CEMÉA parce que nous sommes anti-racistes, nous ne sommes pas venus aux CEMÉA parce que nous défendons la non-mixité, c’est l’inverse ! C’est parce que nous sommes aux CEMÉA, parce que nous promouvons des principes et des valeurs propres à l’Éducation nouvelle et à l’Éducation populaire dans leur engagement social et politique que nous sommes aussi un mouvement antiraciste, que nous pouvons aussi préconiser, dans certaines situations, l’organisation de groupes non-mixtes.
Alors nous, chez nous, réaffirmons, reconstruisons la hiérarchie des valeurs qui nous guident, d’abord nos objectifs politiques et sociaux, puis leurs déclinaisons sectorielles et thématiques !
Nous sommes un mouvement d’Éducation nouvelle. Alors osons, tâtonnons ! Nous sommes un mouvement d’Éducation populaire. Alors entrainons !
Notre responsabilité est d’inventer des formes de vacances collectives, de loisirs collectifs, pour des mineurs, mais pas seulement, d’avancer avec des partenaires organisateurs prêts à s’engager dans cette recherche, de développer nos propres actions directes, expérimentales, pour autant qu’elles soient pensées et suivies collectivement, scientifiquement accompagnées, et qu’elles donnent systématiquement lieu à des comptes–rendus et des analyses à la disposition de tous. Expérimentons également des formes de vie scolaire, des espaces d’accueil de personnes en difficulté, des espaces de création, de la même façon : collective, pensée, accompagnée, diffusée. Ce que nous faisons actuellement, localement, presque secrètement, souvent en dehors d’un travail collectif du mouvement, sans diffusion des acquis ou avec une diffusion ultra–marginale, ne sert en rien notre objectif central de contribution à la transformation de la vie par la formation des acteurs du changement.
Dans la triste période sociale et économique actuelle, cette affirmation de notre engagement pour contribuer à transformer la vie doit nous conduire à nous ouvrir clairement, volontairement, et cependant de façon non exclusive, à ceux et celles qui vont mal. Nous devons (re)construire, renforcer, des partenariats et des actions de terrain avec des centres sociaux, des équipes de prévention spécialisée, des actions locales humanitaires et caritatives, des mairies de villes populaires, des comités d’entreprises et des comités des oeuvres sociales, des Groupes d’entraide mutuelle…. Ceci toujours en respectant la logique de choix et de nos compétences : la formation des acteurs, l’association du plus grand nombre, le travail pour que les institutions soient au service des personnes et des usagers, l’expérimentation novatrice.
C’est ce concret de terrain qui (re)légitimera notre revendication d’être l’un des acteurs forts de l’Éducation nouvelle et de l’Éducation populaire.
Parce que notre finalité ce n’est pas simplement la formation, notre finalité c’est la transformation sociale. Et notre contribution à celle–ci ne peut pas passer principalement par la formation d’individus isolés dont nous perdons la trace dès qu’ils ne sont plus chez nous. Certes, il y a des intérêts pour la continuation de l’organisme de formation, il y a des intérêt pour les individus eux–mêmes, mais ceci sans aucun effet de masse sur les réalités environnantes. Nos démarches pédagogiques ne servent à rien sans articulation structurelle avec des acteurs institutionnels du changement. Des stagiaires venus une fois, isolés sur leur terrain d’action, sans réel suivi ni soutien de notre part, c’est pour nous, politiquement, une perte de temps et d’énergie. Qu’il s’agisse de jeunes en BAFA, de professionnels expérimentés en FPC ou de stagiaires dans des formations diplômantes.
Gisèle DE FAILLY a inventé et revendiqué la notion de « Centres d’entrainement ». Qui dit centres, dit lieux de rassemblement. Qui dit entraînement, dit dynamique, mouvement, expérimentation, recherche. Qui dit méthodes d’éducation active, dit outillage pédagogique, participatif, collaboratif, expérientiel, suscitant, autorisant les essais et les erreurs. Car on s’entraine à plusieurs, et on agit ensuite à plusieurs. Comment refaire du collectif avec nos partenaires potentiels, et surtout comment faire pour que nos stagiaires agissent à plusieurs ? Notre fonction sociale, d’où découle notre compétence pratique qu’on peut appeler notre métier, c’est la « formation des acteurs du changement ». Qui sont–ils ? Où sont–ils ? Contribuons–nous à changer l’école ? Influençons–nous les organisateurs de vacances ? Contrarions–nous certaines des orientations soignantes des équipes des établissements psychiatriques ? Quels impacts forts sur l’évolution, sur la réalité des formes de vacances et de loisirs de mineurs ont aujourd’hui nos dizaines de milliers de stagiaires en animation volontaire et en animation professionnelle ?
Sommes-nous encore en capacités d’apporter des réponses culturelles à des problèmes sociaux, à des questions sociétales, en travaillant le recentrage du rapport éducation — culture comme paradigme du mouvement d’Éducation nouvelle en ce début de XXIe siècle ?
Dans une période de société où les exclusions sont grandissantes, où l’individu se comporte « soi-même comme un roi » – pour reprendre le titre d’un livre d’Élisabeth ROUDINESCO – où les particularismes identitaires prennent l’ascendant sur ce qui fait bien commun, un mouvement comme les CEMÉA, traversés aussi de ces secousses, ne peut se satisfaire de seulement maintenir des activités du seul point de vue économique et de l’accueil de personnes majoritairement sous forme individuelle.
Les acteurs et les actrices du changement, ce sont les personnes qui vont avoir la possibilité de mettre en œuvre des formes collectives et libératoires de relation, d’animation, d’apprentissages, d’accompagnement. Les gens de terrain donc, et aussi ceux qui encadrent, dirigent, conçoivent. Notre pratique doit alors être de les former à agir ensemble, en les accompagnant, en les soutenant.
Cette réflexion doit traverser toutes nos actions de formation, du BAFA aux diplômes professionnels et à la FPC. Parce que « notre métier, c’est la formation », n’importe quel organisme peut le dire.
Et nous ne sommes pas n’importe lequel.
Car oui, nous sommes encore un grand mouvement d’Éducation populaire et d’Éducation nouvelle. Notre histoire, notre surface, nos engagements… tout cela nous donne droit à parler, voir nous impose de parler. La conception de l’éducation que nous défendons n’est pas une conception neutre, les pratiques d’activité que nous promouvons ont pour particularité de ne pas seulement faire acquérir des nouvelles connaissances et des apprentissages ; elles revendiquent de contribuer à l’éveil des personnes dans leur conscience du rapport aux autres, à leur émancipation et à la prise de conscience du fait que l’action sur le milieu produit des effets sur les changements sociaux. Laïcité, autisme, universalisme, discriminations, exclusions, pauvreté, dérives sécuritaires, les objets actuels de prises de position ne manquent pas et nous y avons à dire. Mais aussi sur l’école et son évolution, sur la psychiatrie publique et sa déconstruction par exemple. Mais ce qui est fondamental pour nous, c’est le rapport étroit et permanent à la pratique. Ce que nous disons sur la place publique, ce que nous défendons comme positions, ne doit exister, n’a de valeur que parce que nous sommes directement impliqués dans ce que nous disons. Et être impliqués, cela signifie avoir des groupes de militant.e.s qui construisent collectivement une pensée et des positions. Nous pouvons donc, si ces groupes existent, dire ce que nous pensons des politiques scolaires, des politiques d’animation, d’aide à l’insertion, de santé mentale, d’action sociale, de coopération internationale, d’action culturelle…
Avec la crise sanitaire, une partie de la population s’est confrontée davantage à la pauvreté économique, à la nécessaire survie immédiate, à la difficulté d’accès aux droits et s’est éloignée des institutions tout en étant dépendantes soient des économies endogènes, soit des possibilités caritatives. L’écart s’est creusé avec les classes moyennes et de nouvelles solidarités se sont mises en oeuvre, portées à la fois par les institutions caritatives, religieuses et par les collectivités locales. C’est un enjeu fort de l’action sociale d’aujourd’hui.
Nous pourrions ajouter à cela, les effets de cette crise :
– Sur ce que nous appelons la « fracture numérique » et ses conséquences sur l’accroissement des écarts sociaux et territoriaux,
– Sur les inquiétudes massives des populations par rapport à l’avenir, en particulier des enfants qui s’accentuent dans les milieux populaires et les croyances, les religions alors perçus comme recours,
– Sur l’engagement de nombreux jeunes mobilisés, à la fois dans des enjeux planétaires comme ceux de l’écologie et du climat, des migrations, des nouvelles économies de production mais qui s’investissent peu dans les formes traditionnelles (partis politiques, syndicats), certains d’entre eux interrogeant les catégories universalistes et revendiquant des reconnaissances multiples et combinées des oppressions.
Dans cette période, les métiers des professionnels de l’éducation ont beaucoup évolué. Il en est de même dans l’enseignement. Comment capitaliser ces changements ? En quoi influent-ils aujourd’hui sur l’évolution des contenus et des pratiques de formation mais aussi sur l’accompagnement des professionnels, des responsables associatifs et des populations au quotidien ?
Face à ces enjeux et à ces nouvelles façons de les formuler et de les penser, il me semble important que nous ne nous repliions pas sur « nos acquis pédagogiques ». Les transformations sociales, encore plus aujourd’hui qu’hier, passeront sans nul doute par les lieux et les personnes qui influencent les orientations et les décisions collectives. À nous d’agir aux bons endroits, et c’est le moment, au risque sinon de nous diluer encore plus et de perdre notre identité !
Cette identité revendiquée est celle d’un mouvement militant ! Si la militance doit se situer dans le projet et dans la culture qui l’anime, pas dans le statut des personnes qui agissent au risque de les mettre, symboliquement et pratiquement en concurrence, nous devons reprendre la main pour redevenir un mouvement où les cadres salarié.e.s et militant.e.s, les permanent.e.s du mouvement sont au service de l’engagement bénévole et volontaire.
– Pas d’actions qui ne soient pas conçues, construites et portées par un groupe de militant.e.s,
– Pas de formation ou d’action courte qui ne soient pas encadrées essentiellement par des bénévoles et des volontaires,
– Pas d’actions ou de formations longues sans interventions et place systématique, fortes et régulière de militant.e.s bénévoles.
Être militant.e aux CEMÉA, c’est un engagement, un choix, donc un effort. L’effort de se rencontrer pour s’imprégner des références théoriques et des pratiques. L’effort de considérer que ces rencontres doivent se faire aussi dans un parcours unique et obligé, dont on ne devrait pas s’abstraire. Lutter contre l’absence de culture commune dans les acquis de références, c’est permettre aux équipes régionales et aux militant.e.s de se consacrer au coeur du métier : le projet éducatif, social et culturel. Mais peut-être sommes-nous aussi tributaires d’une forme d’essoufflement de notre modèle. L’unité du projet politique et pédagogique d’une grande association comme les CEMÉA, sa cohérence et sa ligne, tout cela demande une direction intentionnelle et opérationnelle forte qui suppose de penser le pouvoir et le rapport aux pouvoirs dans une définition de complémentarité et de collectif avant tout.
Abandonner le mille-feuille des étages de décision, alléger les nombreux lieux de contrôle, pour retrouver une vision plus éclairée tout en maintenant l’articulation positive de la démocratie directe et permanente avec la démocratie élective et délégataire, tout cela devrait permettre à chaque militant.e à, d’abord, se penser militant∙ des CEMÉA, avant d’être d’Occitanie, de Bretagne ou d’Alsace ! Tout cela devrait nous permettre par ailleurs de mieux identifier les lieux de pouvoirs, d’accepter de le confier clairement, tout en en le contrôlant, quand nous passons aujourd’hui beaucoup d’énergie à tenter de l’annihiler.
La grande autonomie des associations territoriales se confronte aujourd’hui à la nécessité de plus et mieux faire union. Les seules alertes, massives, qui conduisent à des droits de regards institutionnels, sont très souvent économiques quand nos mutualisations récentes portent sur des outils « au service de ». Notre système est au bout de ce qu’il permettait de dynamiques collectives, et nous sommes aujourd’hui englués dans ce qu’il permet de chacun chez soi. Si diriger, c’est porter un projet (des options fortes, des choix forts) collectivement élaboré et débattu, aux conclusions partagées et respectées, et le mettre en oeuvre au sein d’une équipe désignée pour cela, chez nous, personne ne dirige (et c’est un directeur général qui parle). Alors, en fait, qui dirige ?
Si l’on ose se regarder en face, si l’on ose “se parler à nous” alors, force est de constater que les questions que je soulève, là, ne peuvent pas émerger dans notre système parce que les non–dits, les représentations, les intérêts conduisent des annihilations réciproques, circulaires et collectives. Peut–être fonctionnons–nous implicitement, inconsciemment avec un idéal des CEMÉA qui n’est pas la réalité, celle–ci n’étant pas interrogeable parce que c’est cette illusion d’idéal en acte qui nous tient.
Dans un congrès dont l’un des enjeux est de travailler sur la « démocratie interne », je pense que nous avons besoin de mettre à plat nos fonctionnements institutionnels en reconnaissant au préalable qu’ils sont, pour partie, insatisfaisants. Combien de votant.e.s aux Assemblées générales régionales ? Combien de votant.e.s aux Assemblées générales nationales ? Pourquoi cet échec de la « Grande cause nationale » sur les adhésions ? Il est donc particulièrement utile de réfléchir, aujourd’hui, à quels dispositifs de démocratie directe faire exister, renforcer, réactiver, valoriser, à tous les niveaux, afin de ne pas nous enfermer uniquement dans une démocratie élective, délégataire qui ne fonctionne pas à elle–seule.
Les richesses, les acquis, les ressources sont le résultat de la longue histoire du mouvement et de l’association. Et une association qui a une si longue histoire inspire de la poursuivre. Les points d’appui de notre patrimoine pédagogique et culturel sont la force des engagements de demain. Les éléments énoncés dans ce droit d’inventaire des lectures critiques observables, en sont les fissures, les faiblesses. Et quand les fondations s’effondrent, l’ensemble de l’édifice ne peut pas résister longtemps. Nos fondations restent solides, il suffit d’y retourner si elles sont méconnues, ou de les revisiter pour en saisir la pertinence. L’éducation est toujours nouvelle de ce point de vue.
« Les Rois nous saoulaient de fumées
Paix entre nous ! guerre aux Tyrans !
Appliquons la grève aux armées
Crosse en l’air ! et rompons les rangs !
Bandit, prince, exploiteur ou prêtre
Qui vit de l’homme est criminel ;
Notre ennemi, c’est notre maître :
Voilà le mot d’ordre éternel. »
L’internationale
Jean-Luc CAZAILLON
Congrès Ceméa 2021 – Jean-Luc Cazaillon (5min) © Cemea