Tribunal apparemment arbitraire, implacable, Twitter vient de fermer définitivement le compte de Jean Messiha. Mais en démocratie, bâillonner un homme politique peut rapidement devenir une affaire de justice.
Samedi, Jean Messiha a reçu un message de la part de Twitter l’informant que son compte avait été suspendu. Ce n’était pas pour la première fois. À la fin du mois de juin, il avait été privé de la plupart des fonctionnalités de la plateforme pendant sept jours. Mais cette fois la suspension était définitive. Certes, il avait posté un tweet contre l’immigration en se plaignant d’actes d’agression commis en France par des immigrés, actes qui, selon lui, s’ils avaient été commis par des Français dans les pays d’Afrique du Nord ou subsaharienne, auraient été vengés avec la plus grande violence par les populations locales. On peut accepter son argument ou non, mais son message n’a rien d’une incitation à la violence contre les immigrés en France. Quelle est donc la logique de cette suspension définitive ? S’enquérant des motifs de ce jugement draconien, il n’a reçu qu’une réponse sèche, impersonnelle, prétextant des infractions répétées aux Règles (avec majuscule) de Twitter.
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Capture d’écran des mails reçus de l’équipe Twitter par Jean Messiha
Aujourd’hui, la plateforme fait partie, avec Facebook, Instagram et autres YouTube, de ce véritable oligopole de médias sociaux qui, pour notre plus grand malheur, sont devenus indispensables à tout politicien démocratique qui cherche à communiquer avec les électeurs. En être expulsé est dramatique et ne devrait pas résulter de la seule décision d’un salarié ou – pire – d’un algorithme. Bloquer le compte d’une personnalité publique représente – comme nous l’a confié Jean Messiha lui-même – un acte castrateur. Le président de l’Institut d’Apollon est désormais privé de ses plus de 160.000 suiveurs et réciproquement. La démocratie est-elle compatible avec une justice aussi sommaire ?
L’homme propose, Twitter dispose
Comme les autres médias sociaux, Twitter a entrepris de nettoyer sa plateforme des discours haineux, des fausses informations et des actes de harcèlement personnalisés qui vicient le monde prétendument merveilleux d’Internet. Si un client trouve son compte bloqué, c’est parce qu’il a commis une infraction à ces « Règles » apparemment précises formulées par Twitter et destinées à être appliquées à tout le monde de façon impartiale. Quelles sont ces fameuses Règles et en quoi Jean Messiha aurait-il pu les enfreindre ? Selon la liste fournie par le média à l’oiseau, la première règle interdit de menacer quelqu’un de violence ou de faire l’apologie de la violence, voire du terrorisme. Messiha en est-il coupable ? Non. Également interdite est la « conduite haineuse », c’est-à-dire le fait de menacer de violence des groupes définis par leur genre ou leur ethnie. Messiha a-t-il fait preuve une telle conduite ? Non. A-t-il encouragé l’exploitation sexuelle ? Non. Harcelé tel ou tel individu ? Jamais. Encouragé des gens à se suicider ? Que nenni ! Partagé des contenus excessivement violents ou érotiques ? Non plus. Dans cet univers qui mérite comme nul autre l’épithète éculé de « kafkaïen », le crime dont on est accusé et pour lequel on est jugé reste inconnu pour le condamné lui-même.
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Pourtant, Twitter proclame qu’« il est facile de faire appel. » Mais auprès de qui exactement ? Certaines suspensions se révèlent assez vite être des erreurs et sont corrigées, mais laissent souvent l’impression que la condamnation originale est un jugement automatique généré par un algorithme ou un robot. Twitter s’évertue à nous rassurer à cet égard, affirmant que « Notre équipe d’assistance est composée de charmants humains du monde entier. » On voit mal le charme du message adressé à Jean Messiha, à moins que, dans certaines parties de ce monde, le charme ne s’exprime paradoxalement par la rudesse. Nous savons que les êtres humains, en dépit de leur charme, commettent souvent des erreurs de jugement et font preuve de partialité. C’est pour cette raison que la justice humaine doit être rendue avec la plus grande transparence possible. En revanche, les modérateurs de Twitter semblent cultiver une opacité dangereuse.
La Justice ou l’inquisition ?
Les verdicts rendus par Twitter et les autres médias sociaux sont-ils cohérents ? Difficile de le croire. Nous savons que Donald Trump a été banni de Twitter pour avoir – selon cette plateforme – incité ses supporteurs à attaquer le Capitole le 6 juin. Pourtant, les comptes associés au chef suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, continuent à publier en dépit du caractère souvent antisémite des messages. Dans un post en anglais du 7 mai, par exemple, on apprend qu’Israël « n’est pas un pays » mais un « camp terroriste » qui faut combattre. Autrement dit, cette nation doit être rayée de la carte. Le personnel charmant de Twitter semble incapable d’interpréter ce langage qu’on ne peut même pas qualifier de voilé.
Pourtant, il y a peut-être une cohérence à cette incohérence dans les jugements. Les oligarques de la Silicon Valley sont des adeptes du catéchisme mondialiste selon lequel les individus, comme les capitaux, ne doivent pas connaître de frontières, du moins dans les pays occidentaux. Or, la démocratie est censée nous permettre de débattre librement de toutes les questions, y compris de celle de l’immigration. Ce système de deux poids deux mesures est néfaste pour la liberté d’expression et, à la longue, en étouffant le débat, ne servira même pas la cause de ceux qui sont pour l’immigration.
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En juillet, l’ex-président Trump a intenté un procès en justice contre Twitter et Facebook. Jean Messiha est déterminé lui aussi à se battre contre la plateforme à l’oiseau, et Gilles-William Goldnadel a indiqué – par un tweet – qu’il est prêt à le défendre. En démocratie, il faut préférer la justice à l’inquisition des médias sociaux. Les juges seront peut-être moins « charmants » que les modérateurs de Twitter mais – espérons-le – ils seront plus justes.