Le Front Polisario et son allié algérien peuvent se féliciter de leur coup de com’. La présence de Brahim Ghali au sommet UE-UA qui se tient à Bruxelles ces 17 et 18 février, « constitue un coup sévère assené aux projets de l’UE qui tente de contourner :
” la souveraineté du peuple sahraoui en poursuivant la spoliation de ces richesses avec l’occupant marocain » a ainsi communiqué le mouvement séparatiste pour l’indépendance du Sahara occidental, territoire sur lequel le Maroc clame sa souveraineté.
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L’invitation du leader sahraoui dans la capitale européenne en sa qualité de président de la RASD [République arabe sahraoui démocratique], état siégeant à l’Union africaine (UA) mais non reconnu par le Maroc, a même dû faire l’objet d’une clarification de l’Union européenne (UE). Bruxelles a dû chercher à se dédouaner pour ne pas risquer de froisser le royaume chérifien. Ce dernier était représenté par son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, ainsi que son ambassadeur à l’UE, Ahmed Rahhou.
GÊNE DE BRUXELLES
Le 15 février, le porte-parole de la Commission européenne, Peter Stano, a donc fait savoir que l’UE était « co-organisateur avec l’UA » et que dans le cas d’espèce, « chaque organisation invite ses membres ». Il a encore ajouté que l’UE « ne peut pas interférer dans la sélection et le processus d’invitations de l’UA ». Le responsable a évidemment tenu à rappeler que « cette invitation ne change rien » à la position de l’UE sur le Sahara occidental et qu’« aucun des États membre de l’UE n’a reconnu cette République ».
La gêne de Bruxelles s’explique aussi par la volonté de l’Europe de renouer avec Rabat après de longs mois de crise entre le royaume et ses traditionnels alliés que sont l’Espagne, la France et l’Allemagne. Forte de la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le territoire contesté obtenue en fin de mandat de Trump à la Maison-Blanche dans le cadre d’un marchandage diplomatique avec Washington et Tel-Aviv, la monarchie marocaine s’active pour que les puissances européennes emboîtent le pas à l’Amérique. Cependant, ni Paris, ni Madrid ni Berlin n’ont cédé, préférant s’aligner sur une neutralité incarnée désormais outre-Atlantique par la nouvelle administration Biden.
Résultat, au Maroc, certains organes de presse se sont déchaînés contre la venue de Brahim Ghali à ce sixième sommet entre les deux organisations continentales. « Que peut dire ou faire le protégé du régime algérien au milieu de ces tables rondes ? Que peut-il apporter aux thématiques programmés durant ce sommet ? Il n’est reconnu par aucun État membre de l’UE et la majorité des pays africains le considèrent comme illégitime. Il sera absent des tables rondes ou bien devra raser les murs, parce que personne ne voudra s’asseoir à côté de lui », lit-on dans Le 360, un site d’informations réputé proche du pouvoir.
EMBARRAS DE MOHAMMED VI
L’Agence de presse officielle marocaine, la MAP, a, quant à elle, relayé une lettre adressée à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, au chef de la diplomatie des 27, Josep Borrell, et à la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola. Dans cette missive, pas moins de 852 ONG sahraouies « actives dans le domaine des droits de l’Homme et du développement durable » exprimeraient « leur étonnement et leur rejet de la participation au sommet UE-UA d’un homme et d’une organisation responsables de graves violations des droits de l’Homme et de détournements de l’aide européenne ». Une pétition en ligne a même été lancée pour dire « Non à la présence du chef du Polisario au sixième Sommet UE-UA à Bruxelles ». Elle a, à l’écriture de ces lignes, rassemblé plus de 9 300 signatures.
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Ce n’est pas la première fois que le sommet UE-UA provoque une poussée de fièvre marocaine. En 2017, Brahim Ghali était présent à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour l’édition précédente de cette grand-messe de l’Afrique et de l’Europe. À l’époque, la traditionnelle photo de classe réunissant les chefs de délégation avait débouché sur un cliché hautement embarrassant pour Rabat. On y voyait Brahim Ghali au troisième rang, à quelques mètres du roi du Maroc, Mohammed VI, debout en première file aux côtés du président français, Emmanuel Macron.