Le Conseil constitutionnel a validé vendredi l’essentiel du projet de loi controversé de lutte contre le « séparatisme », définitivement adopté par le Parlement le 23 juillet.
Les Sages, saisis par des parlementaires de gauche et de droite sur sept articles de ce texte « confortant le respect des principes de la République », n’ont censuré que deux mesures sur les dissolutions d’associations et les retraits de titres de séjour accordés aux étrangers.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité de suspendre les activités d’une association faisant l’objet d’une procédure de dissolution décidée dans l’urgence. La procédure pouvant durer jusqu’à six mois, les Sages estiment que « le législateur a porté à la liberté d’association une atteinte qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».
L’article 26, qui prévoyait le refus ou le retrait d’un titre de séjour à un étranger s’il est établi qu’il a « manifesté un rejet des principes de la République », est également censuré. Selon le Conseil, les termes employés ne permettent pas de « déterminer avec suffisamment de précisions les comportements justifiant » une telle décision.
Le Conseil constitutionnel a validé le principe des « contrats d’engagement républicain », que devront signer les associations pour obtenir des subventions publiques. Leur versement pourra s’arrêter si les associations ne respectent pas leurs engagements, mais celles-ci ne seront pas tenues de rembourser les sommes déjà perçues avant le manquement constaté.
La loi durcit les règles de l’instruction en famille, qui passera d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation à la rentrée 2022. L’autorisation ne pourra être accordée que pour raison de santé, handicap, pratique artistique ou sportive, itinérance de la famille, éloignement d’un établissement, et aussi en cas de « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ».
Sur ce point très controversé, parce qu’il engage la liberté des familles, le Conseil constitutionnel n’a formulé qu’une réserve d’interprétation, rappelant que la décision de délivrer cette autorisation devra être prise sur des critères « excluant toute discrimination ».
Contre la « haine en ligne », le texte crée un délit de « mise en danger de la vie d’autrui » par la diffusion d’informations sur la vie privée d’une personne, lorsque celle-ci a pour but « de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ». Ce nouveau délit, puni de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, a été introduit dans le projet après l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty en octobre 2020.
La loi, désormais prête à entrer en vigueur, punira aussi de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende toute personne menaçant, violentant ou intimidant un élu ou un agent du service public dans le but de se soustraire aux règles des services publics.
Elle consacre le principe de neutralité (religieuse) des agents de droit privé chargés d’une mission de service public (entreprises de transport, Aéroports de Paris…), déjà acté par la jurisprudence.
Les Républicains et les groupes de gauche (LFI, communistes, socialistes) s’étaient opposés au texte, les premiers jugeant le projet « terne et sans ambition », les seconds le trouvant liberticide et dirigé contre les musulmans.
Saluant la décision du Conseil constitutionnel, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, qui a porté le projet de loi avec Marlène Schiappa, s’est félicité d’une « excellente nouvelle pour la République ».
De son côté, le président de la Ligue des droits de l’homme, Malik Salemkour, a dénoncé une « mauvaise décision qui ouvre à l’arbitraire et aux tensions avec les associations ».