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Le philosophe André Comte-Sponville le 7 novembre 2015 à Brive-la-Gaillarde ©Getty – Jean-Marc ZAORSKI/Gamma-Rapho
Sous le soleil de Platon – Podcast
Provenant du podcast
Sous le soleil de Platon
Résumé
André Comte Sponville, un des philosophes français vivants les plus lus, est invité pour parler de lucidité, d’illusion et de bonheur avec Charles Pépin.
avec :
André Comte-Sponville (Philosophe).
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Pour parler de joie et de bonheur, de la lucidité également qui en est peut-être la condition, André Comte Sponville, auteur d’une trentaine de livres mais dont le premier, il y a près de quarante ans, portait justement pour titre Traité du désespoir et de la béatitude, est l’invité de “Sous le soleil de Platon”, dans la caverne de France Inter.
André Comte Sponville a réfléchi grâce à ses lectures d’autres philosophes, mais aussi grâce à sa vie personnelle. Il a connu des drames, le suicide de sa mère, et la mort de son bébé de 6 semaines d’une méningite.
Le penseur nous invite dans cette émission à adopter la lucidité et nous délivre une philosophie accessible et enthousiasmante du bonheur, ou comme il le dit “du désespoir gai”.
Faut-il préférer la lucidité à l’illusion ?
André Comte Sponville répond par l’affirmative à cette question, sans l’ombre d’un doute. La lucidité vaut mieux que l’illusion : “la lucidité, c’est d’abord une exigence intellectuelle. Pour un intellectuel, c’est une exigence morale, finalement. Je me souviens d’un colloque il y a 30 ans de ça en Espagne sur l’illusion. Nous étions une dizaine d’intellectuels français et j’étais surpris de voir que neuf sur dix, tous sauf moi, célébraient l’illusion. Moi, au contraire, je célébrais la désillusion parce qu’il me semble que l’amour de la vérité est la première vertu pour un intellectuel, donc la lucidité en soi, ça vaut mieux que l’illusion, que le mensonge, etc.”
Quant à savoir si la lucidité rend heureux, le philosophe a une réponse plus nuancée : “je ne dirais pas que la lucidité rend forcément heureux, mais je dirais que l’illusion rend très souvent malheureux parce qu’elle ne tient pas la route. Finalement, à chaque fois qu’on se fait des illusions sur le réel, le réel nous rappelle à l’ordre, à chaque fois que l’on vit un espoir, l’on finit par être déçu.”
Pour lui, la lucidité est une condition au bonheur : “Parce que quand on se fait des illusions sur le réel, on finit par être déçu. Et donc la lucidité, sans suffire toujours au bonheur, est une condition du bonheur lucide. Et puis un bonheur sans la lucidité est un bonheur illusoire. On n’a pas envie de ça. On a envie d’être heureux dans la vérité, dans le peu de vérité auquel nous avons accès.”
Sa mère s’est suicidée lorsqu’il avait une trentaine d’années. Il explique ce geste de désespoir par la déception, comme il le dit : “Maman s’est tuée par déception. Elle s’est tuée parce que depuis des années, la vie ne correspondait pas aux espoirs qu’elle s’en était faite. […] Mon idée, c’est ce que j’ai défendu dans mon premier livre, c’est que lorsque la vie ne correspond pas aux espoirs qu’on s’en était faits, ce n’est pas la vie qui a tort, ce sont nos espoirs qui, dès le départ, sont vains, illusoires, mensongers.”
Qu’est-ce que le bonheur ?
André Comte Sponville décrit ce qu’est le bonheur, si fragile : “Les plus grands moments de bonheur, c’est justement les moments où je n’avais plus rien à espérer. Si vous espérez que ça dure, vous avez peur que ça ne cesse. Et déjà, votre bonheur n’est plus, n’est plus pur si vous voulez. Et donc j’avais expérimenté qu’il y a effectivement un gai désespoir et qu’au fond, les plus grandes joies se reconnaissent à ceci qu’elles ne laissent plus rien à espérer.”
Il délivre une définition en creux : “le bonheur, c’est simplement le contraire du malheur. Vous allez me dire on n’est pas très avancés, on est considérablement avancés parce que le bonheur, à la limite, personne ne sait ce que c’est. […] Mais le malheur, on sait ce que c’est. Le malheur, ce n’est pas du tout un idéal. C’est une expérience, en tout cas pour tous ceux qui ont été vraiment malheureux au moins une fois dans leur vie.”
“Aimer la vie telle qu’elle est”
Pour le philosophe, mieux vous arrêter de se bercer d’illusions. Le rêve n’est pas forcément synonyme de bonheur, loin de là. Il explique : “il y a un moment où il faut mieux aimer la vie telle qu’elle est, y compris avec ses angoisses, que rêver perpétuellement d’une vie sans angoisse. Autrement dit, arrêtons de rêver la sagesse. Il y a une formule qui m’a toujours paru résumer une forme de débilité contemporaine. C’est la formule ‘Va au bout de tes rêves’. Mais bien sûr que la plupart de nos rêves sont parfaitement idiots ou irréalisables. Ou alors, si on veut sauver la formule, je vous propose la formule suivante ‘Va au bout de tes rêves : réveille-toi’.”
Cet épisode passionnant est à écouter dans son intégralité…
Quelques ouvrages d’André Comte-Sponville
Dictionnaire Philosophique aux éditions PUF
Bonjour l’angoisse ! et autres impromptus aux éditions PUF
Le plaisir de penser – une introduction à la philosophie aux éditions Vuibert