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La “laïcité” islamique de l’époque s’oppose à l’immixtion de la religion dans les affaires publiques et dans la politique.
De nombreux intellectuels malgré les risques d’être accusés d’apostasie, ou d’hérésie poursuivent déterminés leurs travaux. Il s’agit d’introduire la critique de la raison, de la science normative, repenser la tradition “enfermée”. Apparaît la critique scientifique de la raison, le droit musulman progressiste se développe avec la philosophie islamique, sans rejeter l’analyse des textes coraniques. C’est ainsi qu’est envisagé l’élaboration de la séparation des fonctions politiques et religieuses, entre les hommes détenteurs des pouvoirs politiques et les clercs du pouvoir religieux.
Cette adaptation devenue transplantation théologique permet d’appliquer les textes de loi, la Charia, différemment, suivant les sociétés des pays musulmans.
Sous l’hégémonie de l’Espagne musulmane, les savants andalous installent, en même temps que la gloire musulmane, le savoir, les plus grandes bibliothèques. C’est l’époque d’un grand empire “multiculturel et multiconfessionnel”. Cette période est celle aussi des philosophes et des savants. Les populations non musulmanes sont respectées, elles restent fidèles à leurs traditions, à leur religion, sous les gouvernements des califes musulmans. La “laïcité” islamique de l’époque s’oppose à l’immixtion de la religion dans les affaires publiques et dans la politique. Elle ne se confond pas avec l’irréligion ou l’athéisme, et ne s’oppose pas à la religion. Au VIIe siècle, l’un des “Pères” les plus illustres de l’Eglise, saint Jean Damascène, théologien chrétien, devient ministre d’un souverain musulman.
Jusqu’au XIIIe-XIVe siècles, le monde musulman conserve sinon la suprématie intellectuelle, du moins une sensible avance dans les domaines philosophiques, les mathématiques, l’astronomie, l’astrologie, la médecine, la géographie, la cartographie. Les recherches en milieu chrétien sont encore indécises.
Le système mis en place par les premiers califes était une tentative humaine, profane, conforme aux usages et conceptions dominantes dans la société de l’époque. Pendant le règne des califats, sultanats et autres émirats, représentants le pouvoir, chacun à sa manière composait avec la charia et l’adaptait aux besoins du moment, aux évènements sociaux qui se présentaient, dans la vie courante. La laïcité en arabe, correspondant au concept séculier, se dit “ilmâniyya”, avant d’opter très rapidement pour “lâdîniyya”.
La découverte de la doctrine et de la philosophique d’Aristote, bien des siècles après, au XIIe siècle, dans l’univers de l’Espagne musulmane, les arabes et les juifs, remettent en question les certitudes d’une certaine scolastique religieuse. Averroès, (Ibn Roshd, 1126-1118), instaure la rationalité qu’il impose face à la mentalité médiévale. Averroès est l’un des premiers à concevoir une séparation entre le pouvoir étatique et le pouvoir religieux. Ce concept est abordé par d’autres savants contemporains : Ibn Tufayl, auteur du roman philosophique, “le Vivant fils du Vigilant”. Ibn Zuhr (l’Avenzoar latin) dont le manuel thérapeutique fut traduit en latin au XIIIe siècle. Bitrûjî (l’Alpettragius) dont Michel Scott traduisit le traité d’astronomie dès 1217. Avicenne, (Ibn Sina, 980-1037), médecin et philosophe iranien. Son rayonnement a été grand dans la chrétienté médiévale. Ibn Baja mort en 1138, était un médecin et un philosophe arabe d’Espagne, connu sous le nom d’Avempace. Le grand voyageur Ibn Battuta, (1304-1377), réalise la “Rihla”, qui reste un document littéraire et historique d’envergure. Saladin avait à son chevet un grand médecin, le philosophe et principal théologien du judaïsme, Moïse Maimonide. Ibn Arabi, (1165-1241), est un grand maître soufi.
La culture arabo-musulmane représente en France, pour Rabelais, (1494-1553), une culture de référence. Elle a été capable de former le théologien et philosophe El Ghazali, soufi, réformateur religieux, a fourni une importante production d’ouvrage, (authenticité et ésotérisme, philosophie et logique, théologie dogmatique, pratique et théorie du soufisme). Le sociologue Ibn Khaldoun, (1332-1406), historien arabe, théoricien de l’histoire, a exposé sa philosophie dans les “Prolégomènes”, nommées “Muquadima”.
La séparation de la religion et la raison intéresse Ali Abd-Raziq, Djamel Adine El Afghani, Mohammad Abdou. Ces grands maîtres spirituels exploitent des recherches : le droit rationnel et le droit divin, l’esprit critique, l’esprit scientifique et l’éducation universelle, en fonction de la croyance, et parfois au nom des préceptes religieux.
A la fin du XIXe siècle, le mouvement Nahda (renaissance) surgit des profondeurs de la société égyptienne. Un immense besoin de créativité se fait sentir à travers le monde islamique.
La “Nahda” propose une dynamique capable de ranimer les grands élans collectifs et de valoriser – c’est une première – le destin individuel. Le “fondement du pouvoir en Islam” prône la séparation de la Mosquée et de l’Etat, avec l’aplomb d’un Jules Ferry.
L’islam des Frères musulmans et des wahhabites, est mêlé en une seule idéologie : “l’Occident est l’ennemi, il n’y a de loi que celle du Coran, il faut unir tous les musulmans derrière un seul calife, ceux qui ne suivent pas ces règles sont des mécréants”. La stupidité et la simplicité de ces principes font toute leur richesse. Même s’ils déguisent cette haine en défense de l’héritage des musulmans contre les idées allogènes, ce mépris du peuple et cette haine de la démocratie sont institutionnalisés.