La chute du bitcoin, dans le sillon des valeurs de la tech américaine, a de quoi questionner les particuliers qui y ont mis une part de leurs bas de laine. La star des cryptomonnaies a perdu plus de 20 % depuis le début de l’année et presque la moitié de sa valeur depuis son record de novembre. Aujourd’hui, elle navigue en basses eaux, autour de 36.000 dollars, soit son cours de juillet dernier. « J’ai l’impression de revenir plusieurs mois en arrière et que mes efforts ont été vains », déplore Tom. Cet étudiant a acheté du bitcoin quand il valait 40.000 dollars, soit plus qu’il ne cote aujourd’hui. Il comptait revendre avec une grosse plus-value à la clé, mais se retrouve à devoir patienter, pour ne pas assumer des pertes. «J’aurais dû vendre quand on a approché les 70.000 dollars. Ce niveau était déjà hallucinant », reconnaît le jeune homme. Mais maintenant que le calme règne à nouveau sur le marché, différentes stratégies sont à l’œuvre.
En janvier, le coup de froid brutal sur les marchés des cryptos est venu rappeler à quel point la star des devises numériques était volatile. La remontée des taux de la Fed, a fait chuter le marché action, et les valeurs de la tech. Certains titres ont dévissé de près de 50 %. Le bitcoin a suivi. « Le lien est direct », estime Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. « Lorsque l’inflation refait surface et que les taux d’intérêt remontent, on joue moins. On se dirige vers des choses plus traditionnelles », signale l’économiste. L’arrivée de gros institutionnels – banques, fonds de pension… – sur ce marché, est aussi de nature à amplifier les mouvements. « Cette corrélation avec le marché action tend à renforcer l’idée que c’est davantage une valeur spéculative qu’une valeur refuge en ce moment », souligne Vincent Boy, analyste chez IG.
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La star des cyberdevises n’est pas la seule crypto à avoir souffert ces derniers jours. La plupart des autres devises numériques – il en existe plusieurs milliers – suivent l’évolution du bitcoin.
Ce dernier est habitué aux chocs violents. En 2017, il avait perdu 80% de sa valeur après avoir approché les 20.000 dollars. Il s’est effondré de nouveau en mars 2020, dans le sillon des bourses mondiales, puis s’est ensuite envolé. En mai 2021, il a à nouveau lourdement chuté pour rebondir et atteindre en novembre son record à 69.000 dollars. Depuis ce sommet, il baisse de façon régulière. Le choc de début janvier a accéléré cette chute.
32% des jeunes Français
À la faveur des confinements beaucoup de Français ont placé une part de leurs économies sur les marchés financiers, et aussi sur les cryptomonnaies. Selon un sondage Ifop, 32 % des jeunes français âgés de 18 à 24 ans ont déjà réalisé des investissements ou souhaiteraient investir dans des cryptomonnaies. Cet appétit concerne 17% des Français. Elle ne touche pas que les jeunes. « Cela va du jeune de 25 ans au banquier de 50 ans, il n’y a plus de profil type », explique Giulia Mazzolini, directrice France de Bitpanda.
Pour certains, le bitcoin est devenu un vrai placement, malgré la volatilité folle. « Les hausses et les baisses pourraient effrayer plus d’un épargnant », estime Frédéric Puzin, président du groupe Corum L’épargne, mais les perspectives de gains sont telles que le risque est accepté. Il y aura des pertes c’est certain, mais c’est aussi dans une forme d’apprentissage pour cette génération ».
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Les histoires d’épargnants devenus millionnaires en cryptos font rêver. Certains conseillers en gestion de patrimoine ont vu débarquer cette nouvelle clientèle. « On a reçu des millionnaires en bitcoin malgré eux qu’il faut régulariser. Ce n’est jamais évident. Ces gains ont été faits sur des plateformes à l’étranger. Ils n’ont pas toujours conscience qu’il faut les déclarer »,explique Jérôme Rusak, à la tête du cabinet de gestion de patrimoine L&A finance.
Ceux qui ont cru au bitcoin très tôt sont encore largement gagnants. Louis est l’un de ceux-là. Il a commencé à acheter des cryptos régulièrement après le krach de 2020. «Aujourd’hui je suis plutôt en train d’investir», estime ce cadre dans la banque. D’ailleurs, si la baisse récente a pu être impressionnante, elle ne semble pas avoir créé d’effet de panique, comme cela a pu être le cas à d’autres moments de sa jeune histoire. « En 2020, le standard a été pris d’assaut, se souvient Romain Saguy, directeur marketing du courtier Français Coinhouse. C’était la panique, on a passé notre temps à rassurer. Cela a aussi été le cas en mai 2021. Mais pas en ce début d’année. Le bitcoin recule depuis novembre, ceux qui devaient vendre ont vendu », fait valoir le courtier.
Plus rien d’un Far West
Malgré la volatilité, le marché n’a plus rien du Far West des débuts. De très gros acteurs ont émergé, partout dans le monde et en France. Dans l’hexagone, les plateformes de courtage, doivent désormais s’enregistrer auprès de l’autorité des marchés financiers (AMF). Ce n’est pas une protection en soi, car cet univers n’est pas régulé, mais c’est un début d’encadrement. « C’est une garantie de sérieux et c’est déjà une avancée dans un monde qui est très neuf et où les arnaques sont nombreuses », fait valoir Claire Castanet, directrice de la relation avec les épargnants. Un agrément plus protecteur mais optionnel existe en France, et des dossiers sont en cours d’étude. Mais surtout, un agrément doit voir le jour fin 2023 au niveau européen.
C’est la rareté du bitcoin, limité à 21 millions de jetons, qui fait sa spécificité, ainsi que la sécurité liée à la blockchain, réputée incassable. Mais difficile sinon impossible de prédire quelle sera la valeur de cet actif à terme. Certains s’y risquent Goldman Sachs, la banque d’affaires américaine indiquait, juste avant les secousses de janvier sur le marché action, qu’elle voyait la crypto atteindre les 100 000 dollars d’ici à cinq ans. Ces prédictions sont notamment portées par les anticipations sur le rôle que cet actif pourrait jouer dans l’univers financier et notre économie. Un pari sur l’avenir, qui rend cette cyber monnaie, très sensibles aux annonces. En novembre, le cours avait dévissé suite à la décision de la Chine, d’interdire les transactions en bitcoin sur son territoire, et de mettre fin à l’activité de minage, à l’origine de la création de bitcoin. En 2020, PayPal avait redonné des couleurs au Bitcoin en indiquant l’intégrer comme moyen de paiement. Au gré de ces nouvelles, la valeur du bitcoin peut donc chuter aussi vite qu’elle monte. « Chacun est libre d’investir comme il l’entend. Mais il faut avoir conscience que les cryptomonnaies ce sont des montagnes russes. Il faut avoir le cœur bien accroché. Tout le monde n’est pas fait pour cela », rappelle Claire Castanet, de l’AMF.
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