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« Il est impossible aujourd’hui de continuer à proposer aux musulmans un Islam qui remonte à ses premiers siècles »
Pensez-vous que le monde musulman change ? Quels en sont les facteurs ?
Aujourd’hui le monde change et les musulmans font partie de ce monde, ils ne sont pas à l’abri de ce changement. Les sociétés musul- manes connaissent une mutation palpable malgré les apparences et la résistance des conservateurs. Quand on voit, par exemple, un couple assis dans un parc, cela traduit un changement car il y a à peine quelques années, cela n’était pas possible. De même pour les femmes qui investissent le monde du travail.
Ce changement est dû au contact avec l’autre car aujourd’hui nous vivons cela, un contact réel, instantané et permanent du fait des nouvelles technologies, à la révolution numé- rique qui ont aboli les frontières. Il y aussi le fait que beaucoup de musulmans vivent en Occident.
En raison de ces changements, il est impos- sible aujourd’hui de continuer à proposer aux musulmans un Islam qui remonte à ses premiers siècles. Il faut l’adapter à une époque et une société qui ne sont plus les mêmes.
Pourquoi, selon vous, la réforme en Islam est-elle une nécessité ?
A la fin du XIXe siècle et tout au long de la première partie du XXe siècle, la question de la
réforme de l’islam a été posée. Les musul- mans ont fini par opter pour la préservation de leurs traditions. Autrement dit, ils ont opté pour la non-réforme. Pour cela, ils ont choisi l’isolement afin de protéger leur religion, leurs traditions de tout contact avec l’autre et de l’influence occidentale. Si l’isolement est aujourd’hui impossible, cela revient à dire que la réforme devient une nécessité et une responsabilité. C’est une responsabilité envers les autres mais aussi envers les musulmans eux-mêmes, car il est urgent d’en finir avec l’écartèlement entre le passé, auquel les musulmans pensent devoir appartenir, et le présent, auquel ils appartiennent. Il est impor- tant d’en finir avec le désarroi que cette situa- tion provoque et qui pousse au fondamenta- lisme, voire à la violence.
Pourquoi dites-vous que les réfor- mistes musulmans qui ont appelé à la réforme de l’islam ont en fait œuvré à son blocage ?
Lorsque je parle de réformistes, je désigne tous les docteurs et penseurs de l’Islam qui ont appelé à la réforme tout au long du XVIIIe-XIXe et première partie du XXe siècle mais qui, en réalité, ne l’ont pas réalisé, voire ont œuvré à son blocage.
Ces réformistes sont à diviser en trois catégories. D’abord, ceux qui appellent à la réforme mais considèrent qu’elle ne consiste qu’à recti-
Entretien avec Razika Adnani
Razika Adnani est écrivain, philosophe et islamologue. Elle est membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du conseil scientifique de centre civique d’étude du fait religieux – CCEFR, membre du groupe d’analyse de JFC Conseil et Présidente Fondatrice des Journées Internationales de Philosophie d’Alger. De 2015 à 2017, elle a contribué aux travaux du séminaire Laïcité et fondamentalismes organisé par le Collège des Bernardins. En 2017, elle rejoint l’Université Permanente de Nantes pour donner un ensemble de conférences sur la pensée musulmane.
fier ce qui a été abimé en islam. Ce sont les réformistes salafistes. Ils ne proposent rien de nouveau. La deuxième catégorie est celle de ceux qui parlent de la réforme et insistent sur le fait que les sociétés musulmanes ont changé. Ceux-là terminent, par contre, leur discours par des conditions qui, finalement, ne permettent pas la réforme. Par exemple : « à condition que cela ne touche pas les versets explicites ou les règles immuables ». Or ce sont justement ces versets et règles qui posent problème. La réforme ne peut pas s’arrêter à leur porte. Parmi ces réformistes qui revendiquent la réforme mais ne la font pas, on peut citer Tariq Ramadan. La troisième catégorie est celle des modernistes salafistes. Ce sont des personnes qui défendent les valeurs et idées nouvelles telles que la démo- cratie, la laïcité, l’égalité homme-femme mais cherchent toujours dans le passé le bien fondé de leurs idées. Autrement dit, ils cherchent chez les Anciens ce qui peut valider leurs idées. Ceux-là se sont mis sur le terrain des conservateurs et n’ont jamais pu convaincre les musulmans.
Quelles sont pour vous les conditions de la réforme en islam ?
Les trois catégories que je viens de citer sont sous l’influence de l’esprit salafiste. Les premiers appellent à une réforme qui est tour- née vers le passé, alors que la réforme dont nous avons besoin aujourd’hui doit être orien- tée vers l’avenir. Pour cela, il faut absolument que l’esprit des musulmans soit libéré de cette emprise salafiste.
On ne peut pas penser l’islam sans prendre en considération la pensée mise en place depuis toujours. L’avenir ne se construit pas seul. Il faut travailler sur le passé pour comprendre où se situent les problèmes. C’est le travail sur les réformistes qui m’a poussé à chercher et à revendiquer une autre manière de réformer, fondée sur une pensée libre et réhabilitée. Le salafisme a gagné au détriment de la pensée créatrice et rationnelle. On l’a accusée de tous les maux et notamment d’être un danger pour l’islam. Il est essentiel de réhabiliter cette image, qui peut permettre aussi de débloquer la raison afin d’aller vers une réforme réelle, orientée vers l’avenir.
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Mohamed Abduh juriste et mufti égyptien, fondateur avec Jamal al-Din al-Afghani du modernisme islamique du XIVe siècle.
Pourquoi dites-vous qu’il y a eu une « défaite de la pensée » en Islam ?
Les musulmans, dès le départ, se sont posé la question de la place à donner à la pensée face à la Révélation. Autrement dit, la Révélation est-elle capable de répondre à toutes les ques- tions ou ont-ils besoin de la pensée ? La pensée peut-elle être une source de connais- sance ? C’est une question épistémologique qui a interpellé les musulmans. Ils ont fini, vers le XIIe siècle, par choisir la Révélation au détri- ment de la pensée, de la raison. C’est à ce moment-là qu’il y a eu défaite de la pensée. Depuis la pensée musulmane et les musul- mans en vivent les conséquences. Il faut réha- biliter la pensée, la faculté de réflexion afin de sortir de ce schéma de défaite, qui est aussi celle de la civilisation musulmane. C’est la défaite de l’être humain face au divin, or l’être humain doit avoir sa place, l’intelligence aussi, si on veut comprendre notre réalité et penser notre avenir.