125 avenue de Suffren 75007 Paris Salle 1 Grand Auditorium de l’UNESCO
Mercredi 16 février 2022 9h-10h Accueil des participants
10h-11h Introduction – Membres de l’association
Sadek BELOUCIF (président)
Biographie : Professeur des Universités, Sadek Beloucif est praticien hospitalier en Anesthésie-Réanimation. Il a été membre du CCNE (Comité Consultatif National d’Éthique) de 1999 à 2007, ancien Président du Comité d’Orientation de l’Agence de la Biomédecine et ancien président de la Section éthique de l’European Society of Anesthesiology. Il est président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (Snam-HP), premier syndicat des praticiens des hôpitaux publics. Depuis 2017, il préside également le Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France.
Eva JANADIN (déléguée générale)
Biographie : Cofondatrice des « Voix d’un islam éclairé – Mouvement pour un islam spirituel et progressiste », elle officie comme imame à la mosquée Sîmorgh à Paris. Co-auteur du manifeste Une mosquée mixte pour un islam spirituel et progressiste (Fondapol, 2019), elle a également cofondé l’Association pour la renaissance de l’islam mutazilite (ARIM) qui vise à faire découvrir ce courant théologique rationaliste. Inspirée également par la mystique soufie, elle est engagée depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux pour offrir aux musulmanes et aux musulmans qui en ont besoin des espaces de dialogue libres sans avoir à subir de jugements moralisateurs et de pression communautaire.
Hela OUARDI (membre du Conseil d’administration)
Biographie : Hela Ouardi est Professeur des Universités à Tunis et membre associée au Laboratoire d’Études sur les Monothéismes au CNRS. En 2021, elle a été élue titulaire de la Chaire des Mondes francophones à l’Académie royale de Belgique. Ses travaux les plus récents se penchent sur l’histoire de l’islam des origines à partir d’une exploration des sources de la Tradition sunnite et shiite. Elle est l’auteur d’un ouvrage sur Les derniers jours de Muhammad (Albin Michel, 2016 ; édition en poche en 2017), qui a rencontré une large audience et a été traduit en plusieurs langues. Elle a ensuite étudié le règne des deux premiers successeurs du prophète de l’islam, en leur consacrant une trilogie intitulée Les Califes maudits dont le premier volume ayant pour titre La Déchirure, a été publié aux éditions Albin Michel en février 2019. Le deuxième tome, A l’ombre des sabres, est paru chez le même éditeur en octobre de la même année. Le troisième volume des Califes maudits, intitulé Meurtre à la mosquée, vient de paraître (Albin Michel, septembre 2021).
Hélé BÉJI (membre du Conseil d’administration)
Biographie : Hélé Béji est écrivain et essayiste. Née en 1948 à Tunis, Hélé Béji est agrégée de lettres modernes en 1973 (La Sorbonne), elle a enseigné la littérature à l’Université de Tunis avant de travailler à l’UNESCO en tant que fonctionnaire internationale. En 1998, elle fonde le Collège international de Tunis, société littéraire et espace libre d’échange où elle convie d’éminents intellectuels tunisiens et étrangers à venir s’exprimer sur la culture et la politique contemporaines. Hélé Béji est l’auteur de nombreux essais qui brossent un portrait critique de la décolonisation et de la société tunisienne postindépendance : apparition de nouvelles formes d’arbitraire, limitations de la liberté d’expression, régressions identitaires et danger des radicalismes… Elle consacre également des ouvrages à la question féminine, comme Islam Pride, qui tente de tracer une voie entre condamnation du voile et prosélytisme islamique, en analysant les signes de sécularisation des courants islamiques au sein des sociétés modernes. En 2016, elle reçoit le Grand Prix Hervé Deluen de l’Académie française. Elle est Chevalier de la Légion d’honneur.
11h-13h Séance inaugurale – Invités d’honneur
Argumentaire : L’identité d’un individu est toujours complexe et plurielle, jamais homogène. Prenant l’exemple d’un homme né en Allemagne de parents turcs, Amin Maalouf rappelle la chose suivante : « Aux yeux de sa société d’adoption, il n’est pas allemand ; aux yeux de sa société d’origine, il n’est pas vraiment turc. »Cette incapacité à assumer des appartenances multiples, ces injonctions à choisir l’une ou l’autre appartenance vient, selon l’auteur, d’une « conception étroite, exclusive, bigote, simpliste qui réduit l’identité entière à une seule appartenance. » Comment apprivoiser cette « panthère » qu’est l’identité[1] ? Et si la culture pouvait nous sauver ? Comme le dit le philosophe François Jullien : « une culture n’a pas d’identité car elle ne cesse de se transformer » ; autrement dit : « L’identité, c’est ce qui enferme, c’est immobile. La culture, c’est ce qui ouvre, c’est ce qui change[2]. » Il ne s’agit pas tant de défendre des ressources culturelles pour les protéger envers et contre tous mais de les exploiter et de les rendre disponibles car elles appartiennent à tous et font partie du patrimoine universel de l’humanité. Qu’en est-il du culte ? Peut-il être détaché de tout lien culturel ? Si la culture concerne l’ouverture au savoir, le culte est plutôt affaire de croyances, mais ne peuvent-elles pas se rejoindre et se nourrir mutuellement ? Quelles tensions, lignes de partage ou correspondances entre culte et culture ? Comment se construire aujourd’hui en tant que musulmane ou musulman par rapport aux autres dans sa société et sa culture de naissance et/ou d’adoption ? Cette deuxième Conférence de Paris organisée par l’association « L’Islam au XXIème siècle » permettra de confronter des théologiens, islamologues et philosophes de l’islam à la réalité du terrain, aux études sociologiques et aux questions quotidiennes et concrètes que se posent les musulmanes et les musulmans d’aujourd’hui dans la construction de leur identité.
Youssef SEDDIK (philosophe, anthropologue, islamologue et essayiste)
Né en Tunisie, Youssef Seddik est un philosophe, anthropologue, traducteur et islamologue spécialiste de la Grèce antique et de l’anthropologie du Coran. Il affirme dans ses ouvrages qu’il est légitime de relire et d’interpréter le Coran de son point de vue personnel à condition que l’interprétation soit objective et non instrumentalisée politiquement. En 2015, il décroche le prix des études en littérature et sciences sociales de la 31e Foire internationale du livre de Tunis pour son livre intitulé L’Autre et les autres dans le Coran. En 2019, il est décoré des insignes de grand officier de l’Ordre tunisien du Mérite.
Abdennour BIDAR (philosophe et essayiste)
Philosophe, normalien, essayiste et haut fonctionnaire français, Abdennour et agrégé et docteur en philosophie. Sa thèse de doctorat, sous la direction de Souleymane Bachir Diagne, est intitulée Mohammed Iqbal : une pédagogie de l’individuation. Ancien membre de l’Observatoire de la laïcité et membre du Comité consultatif national d’éthique. De tradition musulmane soufie, il est spécialiste de l’islam et des évolutions de la vie spirituelle dans le monde contemporain. Ses ouvrages Un islam pour notre temps (2004), Self Islam, Histoire d’un islam personnel (2006), L’islam sans soumission (2008), Lettre ouverte au monde musulman (2015), L’islam spirituel de Mohammed Iqbal (2017), font de lui une des figures de l’islam libéral. À la suite de ces travaux, il est identifié par le professeur Mohammed Hashas, dans The Idea of European Islam : Religion, Ethics, Politics and Perpetual Modernity (Routledge Islamic Studies Series, 2019) comme l’un des quatre penseurs majeurs de l’islam européen.
13h-15h Déjeuner
15h-17h Table ronde 1 – L’impasse d’un Islam hors culture
Argumentaire : Un culte pur déculturé est-il souhaitable ? La transmission culturelle du religieux semble s’être rompue sous l’effet de la sécularisation, amenant des fondamentalistes à prendre leurs distances par rapport à une culture perçue comme indifférente, voire hostile à la foi (Olivier Roy). Le fondamentalisme assume ainsi une rupture culturelle justifiée par une idéologie fondée sur une opposition violente et frontale contre l’Occident et l’idée qu’il existerait un « islam pur et authentique » valable en tout temps et en tout lieu.
Modératrice : Eva JANADIN
Usama HASAN (analyste senior au Tony Blair Institute for Global Change)
Usama Hasan est analyste senior au Tony Blair Institute for Global Change, spécialisé dans l’analyse de l’islamisme. Dans ce cadre, il est l’auteur du rapport The State of the Debate within Islam: Theological Developments in the Muslim World since 9/11 (L’état du débat au sein de l’islam : développements théologiques dans le monde musulman depuis le 11 septembre) (2021). Il est aussi co-auteur du livre de dialogue interconfessionnel abrahamique : People of the Book – How Jews, Christians and Muslims understand their sacred scriptures (Les gens du Livre – Comment les juifs, les chrétiens et les musulmans comprennent leurs écritures sacrées) (Jessica Kingsley, 2019).
Titre : Libérer l’islam de l’islamisme
Résumé : L’islamisme est construit sur des interprétations extrémistes de quatre concepts coraniques : ummah (communauté), khilafah (califat), shariah (Loi divine) et jihad (combat). Parce que l’islamisme est basé sur le tricotage d’interprétations très particulières de ces quatre termes coraniques, l’islam moderne doit affronter ces interprétations de front, notamment en mettant l’accent sur des compréhensions inclusives et plus larges de ces termes qui sont plus en harmonie avec l’esprit progressiste du monde moderne.
Benjamin HODAYÉ (agrégé et doctorant en histoire)
Ancien élève de l’École normale supérieure de Lyon, Benjamin Hodayé est agrégé d’histoire. Ses recherches portent sur l’histoire du Maghreb contemporain et sur l’islam en France et en Europe. Il est co-auteur, avec Hakim El Karoui, du livre Les militants du djihad. Portrait d’une génération (Fayard, 2020).
Titre : Les militants du djihad, portrait d’une génération
Résumé : Benjamin Hodayé présentera les principales leçons de l’étude sur les djihadistes français et européens menée avec Hakim El Karoui dans le cadre de l’Institut Montaigne (Les militants du djihad, Portrait d’une génération, Fayard, 2021). De l’analyse de plus de 1 400 profils et parcours individuels, il ressort que les logiques de la mobilisation djihadiste, sans précédent, qui a touché l’Europe au cours de la décennie écoulée n’ont rien de mystérieux. Pour les comprendre, il faut s’écarter des seuls attentats et délaisser les explications univoques pour croiser au contraire les approches sociologiques, une connaissance de la diversité de l’islamisme en Europe et une familiarité avec les principaux lieux de recrutement, puisque les logiques de réseau sont fondamentales. La sensibilité aux nuances et aux tendances, dans une approche historienne, permet de retracer les évolutions récentes et de réfléchir à ce que pourrait être l’avenir du djihadisme européen, qui n’a pas disparu.
Hakim EL KAROUI (agrégé de géographie et essayiste)
Fondateur de l’AMIF (Association musulmane pour l’islam de France), normalien et agrégé de géographie, Hakim El Karoui a été conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon (2002-2005) et de Thierry Breton au ministère des Finances (2005-2006), directeur chez Rothschild (2006-2011), associé chez Roland Berger (2011-2016) avant de fonder son cabinet de conseil en stratégie, Volentia. Fondateur du Club XXIe siècle qui milite pour la juste prise en compte de la diversité des populations françaises, créateur des Young Mediterranean Leaders, il s’est engagé dans le travail de réforme de l’islam de France depuis 2015 et les attentats qui ont ensanglanté la France. Il a rejoint en 2020 le groupe Brunswick. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’islam de France : L’Islam, une religion française (Gallimard, 2018) ; Les militants du djihad. Portrait d’une génération (avec Benjamin Hodayé, Fayard, 2020), ainsi que plusieurs rapports en collaboration avec l’Institut Montaigne dont il est senior fellow : La fabrique de l’islamisme (Institut Montaigne, 2018) et Les quartiers pauvres ont un avenir (Institut Montaigne, 2020).
Titre : Islamisme, intégration et quartiers pauvres
Résumé :
Farid ABDELKRIM (auteur, comédien et médiateur)
Né en France et d’origine algérienne, Farid Abdelkrim est diplômé en sociologie et médiateur en milieu carcéral où il intervient auprès de terroristes islamistes dans des programmes de désengagement et participe aux programmes de prévention de la radicalisation dans le cadre du CIPDR (Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation). Il est également l’auteur de plusieurs spectacles en tant que comédien, d’une web série (« Un muslim qui te veut du bien »), d’un talk-show (« L’invité de Farid ») et de plusieurs ouvrages (Pourquoi j’ai cessé d’être islamiste : itinéraire au cœur de l’islam en France, 2015 ; L’islam sera français ou ne sera pas, 2015 ; Les jeunes, l’islam et le sexe, des réalités cachées, 2000).
Farid GRINE (aumônier musulman)
Aumônier musulman régional adjoint en Île-de-France. Il exerce à Fleury-Mérogis et en milieu ouvert, où il rencontre des personnes suivies pour radicalisation dans un contexte autre que celui de la détention.
17h30-19h30 Table ronde 2 – Les musulmans entre foi, culture d’origine et acculturation
Argumentaire : La question du lien entre culture et religion est fondamentale. On entend ici par culture à la fois celle d’origine, mais aussi celle d’accueil dans le cadre de l’immigration, à travers la notion d’acculturation. L’islam n’est pas uniquement vécu comme une foi, des pratiques cultuelles ou une spiritualité, mais aussi comme une identité culturelle voire une loyauté à un héritage familial. On voit aujourd’hui apparaître l’expression « musulmans athées », comment l’expliquer et comment distinguer ce lien à la culture d’origine et celui à la foi ? Comment les musulmans vivent-ils leurs liens avec leur culture d’origine et s’intègrent-ils dans leur pays d’accueil ? Comment leur identité se construit-elle à travers cette double origine et comment vivent-ils leur islamité ? Leur intégration soulève la question de l’« accommodation » de l’islam à un autre contexte culturel, qui va à l’encontre de la rupture culturelle prônée par les fondamentalistes. Tout l’enjeu est de mettre en place ce que Tareq Oubrou appelle une « théologie d’acculturation », seule capable de faire disparaître le malaise de certains jeunes musulmans de culture occidentale entretenant un profond ressentiment identitaire face à cette dernière à travers un rapport binaire au monde.
Modératrice : Eva JANADIN
Samia LANGAR (docteure en sciences de l’éducation)
Samia Langar, est docteure en sciences de l’éducation et chargée de cours à l’université Lumière Lyon 2. Membre du laboratoire « Éducation Cultures Politique » (Lyon 2), elle est l’auteure de plusieurs publications dont l’ouvrage tiré de sa thèse : Islam et école en France : une enquête de terrain (Lyon, Presses Universitaires de Lyon, septembre 2021). Dans Nouvelles perspectives pour la reconnaissance ? : Lectures et enquêtes à partir d’Axel Honneth, « L’islam en France : une problématique de la reconnaissance » (Lyon, ENS Éditions, 2019, p. 311-338), dans Penser l’éducation, « L’islam dans l’école de la République : la laïcité à l’épreuve de la reconnaissance » (numéro 41, 2017, p. 87-110).
Titre : Islam, éducation et acculturation
Résumé : La communication proposée repose sur une enquête qualitative menée dans le cadre d’une recherche doctorale. Consacrée aux relations entre l’islam et l’école, comme l’indique l’ouvrage qui en est issu (Samia Langar, Islam et école en France. Une enquête de terrain, Presses Universitaires de Lyon, 2021), cette enquête donnait tout particulièrement la parole à des familles françaises musulmanes installées sur le territoire de Vénissieux. La contribution de cette communication à la conférence « Islam et identités : entre culte et cultures » porte sur les manières dont ces familles vivent et « accommodent » leur islam, en les abordant et les analysant sous l’angle de l’éducation et de la scolarité. L’analyse doit commencer par prendre en compte les particularités historiques et sociologiques de ce territoire et des familles françaises musulmanes qui l’habitent depuis plusieurs générations. Ce sont des familles en très grande majorité d’origine algérienne, dont les enfants appartiennent à la troisième voire à la quatrième génération, que l’on continue à étiqueter « issues de l’immigration ». D’autre part la ville de Vénissieux a été le berceau de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, et sa mémoire y est encore vive. L’enquête confirme l’existence d’un « retour à l’islam », ou plutôt d’un « recours à l’islam ». Ce recours peut être analysé comme une forme d’accommodation. S’y révèlent une pratique et une conception de l’islam que l’on pourrait qualifier de « modernes », en ce sens qu’elles relèvent bien plus des valeurs de l’individualisme moderne que des valeurs communautaires. Ainsi, l’islam se vit en couple. Même si le sentiment de ne pas être reconnu comme des français à part entière est vif, il ne conduit pas à un islam de rupture. Mais l’accommodation ou l’acculturation ici ne procèdent pas d’une remise en cause des pressions venues de la famille, comme ce peut être le cas dans d’autres groupes. À l’inverse, ces couples ne se contentent plus de l’islam traditionnel des parents. En quête d’un cadre moral qu’il trouve dans un islam plus « savant », l’accommodation passe pour eux par une revalorisation, une requalification de l’islam lui-même. Toutefois, ce mouvement tendanciel n’est nullement monolithique, il est tributaire des histoires personnelles. La communication s’efforcera d’en montrer concrètement les diverses nuances.
Marie-Claire WILLEMS (docteure en sociologie)
Marie-Claire Willems est docteure en sociologie, membre du laboratoire « Sociologie, philosophie et anthropologie politiques » (Sophiapol) à l’Université Paris Nanterre, et membre du Réseau Thématique Pluridisciplinaire « Islams et chercheurs dans la cité » ainsi que du Conseil d’Administration de l’Association Française de Sciences sociales des Religions. Elle participe actuellement au projet financé par le Bureau Central du Culte dirigé par Bochra Kammarti, « La pratique de l’islam dans le champ professionnel : éthiques, religion et citoyennetés ». Membre du comité de rédaction de la revue pluridisciplinaire Terrains/Théories, elle a codirigé deux numéros « Pratiques croisées en sociologie et philosophie » (2020) et « Identités et catégorisations sociales » (2015). Marie-Claire Willems a aussi codirigé un livre collectif avec Simona Tersigni et Claire Vincent-Mory, Appartenances in-désirables. Le religieux au prisme de l’ethnicisation et de la racisation (Pétra-Paris, 2019). Elle est l’autrice de plusieurs chapitres de livres et articles traitant de l’identification musulmane en France, d’une socio-sémantique historique des usages du mot et de la catégorie, des multiples narrations de soi en tant que musulman.es, de l’analyse de la triangulation des processus d’ethnicisation, de racisation et de confessionnalisation. Elle est aussi affiliée de recherche et de formation dans un Établissement Supérieur du Travail Social.
Titre : Musulman.e.s : Un mot, des identités
Résumé : Être musulman.es aujourd’hui en France, est-ce s’affilier ou être affilié.es à une religion, une culture ou une origine ? Selon les conditions d’énonciation, le mot présente plusieurs significations que les individus/groupes vont s’approprier différemment. Les trois expressions « religion musulmane », « culture musulmane » et « origine musulmane » sont effectivement largement mobilisées en France et portent beaucoup de sens implicites. Dans chacune d’elle, le même mot est mobilisé mais le sens diffère. Ma communication propose donc de partir d’une analyse de socio-sémantique historique des usages du mot « musulman », au regard de la construction de la catégorie en France, dont l’objectif reste néanmoins contemporain. Il s’agit en finalité d’éclairer les différents modes d’identification de soi en tant que musulman.es aujourd’hui, quel que soit le sens que les individus donnent au mot. Mon étude a cherché à multiplier les angles d’approche en proposant à la fois une sociohistoire des usages du mot et de la catégorie, en s’intéressant aux dynamiques entre la catégorisation de soi (autocatégorisation) et celle d’autrui (hétérocatégorisation) inscrites dans les narrations de soi contemporaines. Je propose, dans ma communication, d’explorer trois modèles d’identification de soi. Le premier revient sur une identification de type ethnicoculturelle, le deuxième associe un sens davantage historique et politique et, pour finir, le troisième montre l’émergence singulière de l’exclusif religieux en France. Ces trois modèles se construisent à partir de l’imbrication entre des processus d’ethnicisation, de racisation et de confessionnalisation nous permettant de percevoir les frontières des identités et de souligner toute la complexité des sens et des affiliations.
Sofia TSOURLAKI (doctorante en islamologie)
Sofia Tsourlaki est actuellement maître de conférences à la Foundation for International Education (FiE) à Londres, où elle enseigne « Comprendre les civilisations : l’islam et l’Occident ». Elle est également doctorante à la SOAS University of London. Le sujet de sa recherche porte sur « L’Islam progressiste et les médias sociaux ».
Titre : Différencier la religion de la culture et honorer les deux : une nouvelle manière d’être musulman
Résumé : À la fin du XXe siècle, les musulmans d’Europe occidentale ont été confrontés au dilemme d’harmoniser leur identité religieuse, la culture de leur pays d’origine et leur identité en tant que citoyens européens. La coexistence avec des musulmans d’autres cultures a montré que la compréhension de l’islam par leur famille n’était pas la seule expression de cette religion très diversifiée. Certains imams de mosquées, qui qualifiaient « l’Occident » de « terre de guerre », leur étaient étrangers et l’émergence des médias sociaux leur offrait une occasion unique de réconciliation entre les trois éléments. En faisant la différence entre les principes réels de l’islam et les diverses influences culturelles sur la religion, les musulmans d’Europe occidentale ont aidé les musulmans à assumer la responsabilité de leur religiosité et à façonner leur identité de manière indépendante. Les médias sociaux, au-delà d’être une plate-forme d’expression libre, sont également devenus une fenêtre sur le monde, et bientôt les musulmans du monde entier ont ressenti le besoin de s’affirmer comme musulmans européens/américains ; une évolution qui aurait été inconcevable par leurs parents. Les musulmans du monde entier se connectent, coexistent et apprennent les uns des autres, via les réseaux sociaux, et les utilisent souvent comme une forme de résistance. Ce fut le cas, par exemple, lorsqu’en septembre 2021, une campagne lancée par des femmes afghanes était destinée à partager des photos dans des vêtements afghans colorés traditionnels pour montrer la riche culture afghane et s’opposer aux efforts des talibans d’imposer un code vestimentaire aux femmes qui n’a rien à voir avec la culture du pays. Ma communication visera à montrer que les musulmans d’aujourd’hui ont une compréhension très claire de la différence entre culture et religion. L’arabisation de l’islam est activement combattue et compte tenu de l’absence réelle de clergé en islam, cette vague de jeunes musulmans contribue à réinventer la religion collectivement et dans la pratique, plutôt que sur la théorie. D’une certaine manière, les jeunes musulmans s’opposent à l’autorité, qu’elle provienne des conceptions archaïques et traditionalistes de l’islam, ou des pouvoirs politiques.
Olivier HANNE (agrégé, docteur en histoire et professeur)
Professeur à l’Académie militaire de St-Cyr Coëtquidan, Olivier Hanne est agrégé et docteur (HDR). Ses publications concernent le Moyen Âge et les relations entre l’Europe et l’Islam.
Titre : L’islam et les héritages culturels français : parallèles et ouvertures.
Résumé : La communication établira des parallèles historiques entre ce que l’on perçoit comme les héritages de la culture française et l’adhésion à l’islam comme religion. Ces héritages se définissent généralement autour de deux thématiques principales : la question du rapport entre foi et raison (cf. la philosophie grecque, les conflits entre royaumes et papauté au Moyen Âge, l’humanisme et les Lumières) et la définition de l’État et de la loi (la démocratie grecque, le droit romain, la Révolution et la nation). Or, sur ces deux thématiques fondatrices, le recours à l’Histoire dévoile une multitude de comparaisons culturelles : le transfert des savoirs grecs, le mutazilisme, certaines formes de distinction des pouvoirs, l’influence considérable des modèles européens dès le XIXe siècle, etc. On conclura que l’univers islamique et les héritages que l’on identifie comme fondateurs de la culture française ne sont pas historiquement incompatibles et que le surinvestissement sur le facteur religieux est souvent un paravent à d’autres questions. Passer par l’Histoire permet donc de quitter les apories anxiogènes, si du moins on se garde de charger le passé sur le plan émotionnel et mémoriel.
Marwan SINACEUR (professeur en psychologie sociale)
Marwan Sinaceur est professeur de psychologie sociale à l’ESSEC. Il a un Ph.D. de l’Université Stanford aux États-Unis. Il est spécialiste de la résolution des conflits, des émotions humaines, et de la culture arabe. Il a publié sur ces thèmes dans des revues académiques telles Nature Human Behaviour, Psychological Science, et Journal of Applied Psychology. Ancien Fellow au Stanford Center on Conflict and Negotiation et ancien professeur à l’INSEAD, il enseigne depuis plus de vingt-cinq ans en France et dans douze autres pays, notamment le Maroc, le Liban et la Turquie.
Titre : Religion ou identité culturelle ?
Résumé : Les recherches empiriques de psychologie sociale montrent qu’il faut faire la distinction entre I’identité religieuse (par exemple, chrétienne, juive, musulmane) et identité culturelle (par exemple, nationale) sont souvent confondues. Elles n’en sont pas moins distinctes. D’un côté, la religion renvoie à la foi et à la pratique religieuse. De l’autre côté, l’identité culturelle renvoie à une identité sociale, l’appartenance à un groupe, ou les pratiques sociales de ce groupe. Par exemple, les pratiques prônées par les fondamentalistes islamistes (burqa, lapidation) sont le reflet de traditions patriarcales, non du texte coranique. Dans cette intervention, nous faisons un point sur les recherches empiriques de psychologie sociale qui montrent que ces deux identités, religion et culture, ne se recoupent pas. Dans nos propres recherches empiriques, nous avons statistiquement mis en évidence que les comportements sociaux arabes sont communs entre Arabes musulmans et chrétiens, et ne sont donc pas l’effet de la religion mais de la culture.
Jeudi 17 février 2022
10h-12h Table ronde 3 – Les musulmans avec les autres
Argumentaire :Construire son identité implique nécessairement de se définir par rapport à l’Autre, tantôt grâce à lui pour que, selon Paul Ricœur, « la liberté de l’autre soit », tantôt par son rejet. Comment désamorcer la peur de l’ébranlement de la foi et de la dilution de l’identité attribués à la mixité des religions, des origines et des convictions ? Sur quelles valeurs pouvons-nous nous rassembler dans des sociétés contemporaines plurielles ? Il s’agit là d’éclaircir les questions concrètes que se posent les musulmans au quotidien sur leurs relations avec celui ou celle qui n’a pas les mêmes convictions ou représentations (mariages mixtes, règles alimentaires, etc.).
Modérateur : Jamal OUAZZANI
Né et élevé dans l’islam, nourri d’une double culture franco-marocaine, Jamal est un jeune homme diplômé de l’ESSEC Business School et de La Sorbonne (Master 2 Cinéma), qui a habité et travaillé en agence de publicité pendant sept ans à Casablanca, Malaga, Paris, Dubaï, Shanghai, Singapour et New York. En 2020, il quitte tout pour devenir scénariste et réalisateur de films, afin d’allier sa passion pour le cinéma et son engagement pour la cause féministe et des minorités. Une lecture approfondie de 400 ouvrages sur les questions du genre et de la sexualité dans le monde arabo-musulman lui ont permis de consolider un savoir précieux, générateur de récits extraordinaires. Il est la voix derrière le podcast JINS (https://smartlink.ausha.co/jins), le premier podcast qui parle de genre, de sexualité et de féminisme pour les personnes Arabes et/ou musulmanes. Un podcast gratuit et de plus en plus écouté qui interroge notamment des invité.e.s de cette conférence de Paris organisée à l’Unesco. Jamal cherche des financements pour son premier film de fiction, POUR L’AMOUR DE DIEU, qui aborde pour la première fois dans le monde la question de l’imamat féminin (https://www.proarti.fr/collect/project/pour-lamour-de-dieu/0.
Adis DUDERIJA (islamologue)
Adis Duderija est senior fellow de l’université de Griffith en Australie après avoir été maître de conférences invité, programme des Études du Genre, à l’université Malaya (Malaisie). Il est l’auteur de Constructing a Religiously Ideal “Believer” and “Woman” in Islam (La construction du ‘croyant’ et de la ‘femme’ conformes à l’idéal religieux de l’islam, Palgrave, 2011) et de Maqasid al Shari’a and Contemporary Muslim Reformist thought (Les objectifs supérieurs de la sharia et la pensée réformiste musulmane contemporaine, Palgrave, 2014). On lui doit également de nombreuses publications relatives à l’herméneutique islamique contemporaine critique-progressiste et salafiste néo-traditionnelle : il s’y intéresse particulièrement aux questions du genre, aux études sur le hadîth, aux musulmans occidentaux et à l’islam et l’Autre religieux (https://experts.griffith.edu.au/7439-adis-duderija/about).
Titre : Le soi et les autres dans la tradition interprétative islamique
Résumé : J’examinerai dans cette présentation les principaux argumentés employés par les partisans de la pensée musulmane progressiste pour légitimer l’idée du pluralisme religieux divinement voulu dans le contexte de l’épistémè moderne tardive. Je commencerai par définir ce que l’on entend par les concepts de « pluralisme religieux » et « l’éthique du pluralisme » et comment ils se sont construits dans l’histoire islamique. Je retrace également les grandes approches de la question du salut de l’Autre religieux dans l’érudition musulmane classique.
Seyran ATEş (avocate et imame)
Née à Istanbul en 1963, Seyran Ateş vit en Allemagne depuis 1969. Elle est avocate dans son propre cabinet et auteur de plusieurs ouvrages. En tant que militante des droits des femmes et des droits de l’homme, elle est depuis plus de 35 ans l’une des voix les plus importantes dans la lutte contre la violence religieuse et traditionnelle. Elle est à l’origine et la fondatrice de la mosquée libérale Ibn Rushd-Goethe à Berlin, qui a ouvert ses portes en 2017.
Titre : L’amour est halal
Résumé : « Love is halal » est une campagne d’acceptation que nous avons lancée à Berlin en mai 2021. Nous voulons montrer qu’il y a beaucoup de personnes qui sont musulmanes et appartiennent à la communauté LGBTIQ et que toutes les personnes ont le droit de vivre leur propre sexualité librement. Pour nous, la croyance en un Dieu aimant et miséricordieux implique que Dieu a créé des personnes aimantes, sans distinction d’origine, de genre et d’identité sexuelle. Dans ma contribution, je veux parler de la révolution sexuelle en Islam.
Khaldoun ALNABWANI (docteur en philosophie, écrivain et traducteur)
Docteur en philosophie, Khaldoun Nabwani est un philosophe d’origine syrienne. Écrivain, éditeur et traducteur, il est l’auteur de plusieurs ouvrages et d’essais en Français, anglais et arabe. Son principal centre d’intérêt se trouve dans le rapport complexe entre la philosophie et la littérature, et il se penche depuis quelques années sur la déconstruction du Moi à partir des textes philosophiques, littéraires, mais aussi sacrés.
Titre : Vers un Islam non-identitaire
Résumé : Il n’y a pas d’identité sans altérité puisque l’identité ne se construit et ne se définit que vis-à-vis de l’autre ou des autres. Or, la crise de l’Islam radical est due, à mes yeux, à l’illusion d’une identité religieuse universelle, pure, parfaite et exhaustive. Cet islamo centrisme ne reconnait pas les autres qu’en tant qu’adversaires menaçant l’identité pure de l’Islam. Ces adversaires ne sont pas seulement les non-religieux, les athées, les laïcs, mais aussi et surtout les croyants en d’autres religions, voire les autres musulmans qui n’adhèrent pas à la même lecture de l’Islam. Quoi qu’elle se prétende universelle, toute religion demeure exclusive et identitaire. Cependant, la modernité et les Lumières ont conduit les religions en Europe à se rendre compte à leur relativité et au rôle indispensable de la laïcité pour mettre fin aux luttes confessionnelles. Malheureusement ce n’est pas encore le cas de l’Islam même en Europe. Mon intervention tâchera à démontrer l’hypothèse suivante, plus une religion s’ouvre aux autres et accepte la différence et la liberté de croyance, plus elle est universelle. Et, au contraire, plus elle est centrée sur son identité, plus elle est exclusive, renfermée, voire fanatique. L’objectif de ce papier, c’est d’explorer la possibilité d’un Islam moderne non-identitaire et qui adhère à l’altérité.
Houria ABDELOUAHED (professeure, psychanalyste et traductrice)
Houria Abdelouahed est Professeure des Universités (Sorbonne Paris Nord), psychanalyste et traductrice. Parmi ses ouvrages : Figures du féminin en islam (PUF, 2012), Les femmes du prophète (Seuil, 2016), Nashwat al-jasad (Plaisir du corps) (Bisân, Beyrouth, 2020).
Titre : L’origine en question
Résumé : L’identité est tissée d’altérité. Travaillant sur la condition féminine et la religion musulmane, je propose de réfléchir sur l’écart entre les principes de la société civile et les dogmes religieux, et la nécessité d’un travail de déconstruction pour une écriture de l’histoire au présent.
Razika ADNANI (essayiste, philosophe et islamologue)
Razika Adnani est philosophe et islamologue. Elle est membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du conseil scientifique du Centre Civique d’Étude du Fait Religieux (CCEFR), membre du groupe d’analyse de JFC Conseil et Présidente Fondatrice des Journées Internationales de Philosophie d’Alger. De 2014 à 2016, elle donne des conférences à l’Université Populaire de Caen de Michel Onfray sur le thème : Penser l’islam. De 2015 à 2017, elle contribue aux travaux du séminaire Laïcité et fondamentalismes organisé par le Collège des Bernardins. De 2017 à 2018, elle rejoint l’Université Permanente de Nantes pour donner un ensemble de conférences sur la pensée musulmane. En 2020, elle donne au Centre civique d’étude du fait religieux (CCEFR) un ensemble de conférences sur le thème : La réforme de l’islam du XIXe siècle à nos jours. Pour Razika Adnani une réforme de l’islam, tournée vers l’avenir, est nécessaire aujourd’hui plus que jamais pour un islam plus compatible avec les valeurs de la modernité et pour une meilleure cohabitation des musulmans avec autrui. Razika Adnani est auteure de plusieurs ouvrages dont Le blocage de la raison dans la pensée musulmane, Islam : quel problème ? Les défis de la réforme, La nécessaire réconciliation essai sur la violence et le dernier : Pour ne pas céder, textes et pensées, recueil de textes, publié en 2021, ainsi que de plusieurs articles de presse.
Titre : Autrui et le principe islamique : « ordonner le convenable et dénoncer le blâmable »
Résumé : Il est essentiel aujourd’hui que les musulmans posent la question d’autrui. La relation difficile avec l’autre, la violence, les problèmes d’intégration y sont directement liés. Comment cette question a-t-elle été abordée dans la pensée musulmane ? Comment construire une meilleure relation avec l’autre ?
12h-14h Déjeuner
14h-16h Table ronde 4 – Vivre l’islam au XXI
ème
siècle, une spiritualité renouvelée
Argumentaire : Comment les musulmans réinventent-ils leur islam à notre époque ? Remise en cause des pressions sociales et familiales, affirmation d’un droit à l’interprétation personnelle, intériorisation des normes religieuses ; les aménagements quotidiens du culte par les musulmans sont nombreux et les penseurs musulmans contemporains progressistes et libéraux sont de plus en plus nombreux pour refonder une nouvelle théologie en islam. Il devient aujourd’hui possible de vivre cette religion de manière autonome, tel un self islam (Abdennour Bidar). Ces musulmans perçoivent leur identité islamique avant tout comme une spiritualité universelle qui peut s’adapter à toutes les cultures sans en perdre la teneur essentielle de ses valeurs (Marie-Claire Willems).
Modérateur : Hakim EL KAROUI
Mohammed HASHAS (islamologue)
Chercheur affilié au Leibniz-Zentrum Moderner Orient (ZMO) à Berlin, Mohamed Hashas est membre adjoint du corps professoral au département de sciences politiques de l’Université Luiss de Rome, où il enseigne l’islam en Europe et les études méditerranéennes. Il est titulaire d’un doctorat en théorie politique. Ses domaines de recherche sont : la pensée arabo-islamique moderne et contemporaine (philosophie et théologie), l’islam en Europe, l’islam européen, la pensée marocaine moderne et contemporaine. Hashas a également été chercheur à Oxford, Berlin, Copenhague et Tilburg. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : The Idea of European Islam (2019, 2020) et Intercultural Geopoetics (2017). Il a dirigé l’édition de Islam, État et modernité (2018), Imams in Western Europe (2018), Islamic Ethics and the Trusteeship Paradigm (2020) et Pluralism in Islamic Contexts (2021). Ses essais en anglais et en arabe, publiés sur diverses plateformes, sont collectés sur son site personnel : www.mohammedhashas.com.
Titre : L’Islam, l’Homo Moralis, et le défi de la perte de contact avec le divin
Résumé : Réfléchir sur l’islam au XXIe siècle nécessite d’abord de faire une distinction simple mais fondamentale entre un islam vécu dans des contextes majoritaires musulmans, où cette religion bénéficie d’une légitimité par sa présence historique ; et l’islam vécu dans des contextes minoritaires, qui peuvent à leur tour être divisés en contextes minoritaires classiques et modernes. L’islam en Europe occidentale moderne et en Amérique du Nord – connu sous le nom de « contextes laïcs et libéraux » – fait partie de l’islam dans les contextes minoritaires modernes, tandis que l’islam en Inde et dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne est classique et jouit également d’une légitimité historique. Ces espaces sont divisés en fonction du temps : les temps prémodernes, largement favorables à la religion, et les temps modernes, qui sont souvent, mais pas toujours, moins favorables à la religion et moins favorables à l’islam. Cette considération spatio-temporelle aide à clarifier les changements et les défis auxquels est confrontée la religiosité moderne. De plus, les amalgames entre civilisation, culture, politique, mouvements religieux et aspirations morales individuelles ont causé une confusion majeure sur ce qu’est l’islam, ce qui est islamique et ce qui est islamiste. L’islam salafiste (ultra-orthodoxe), l’islam conservateur (orthodoxe) et l’islam progressiste (critique) sont trois grandes descriptions générales dans lesquelles se trouvent diverses sous-catégories, et elles abordent toutes différemment la notion de modernité. Cette communication se concentrera sur l’islam libéral comme l’un des aspects les plus importants de l’islam progressiste. Il décrit certaines de ses caractéristiques universelles et les défis auxquels il est confronté. Son interprétation de la spiritualité, sous la forme d’un self islam ou d’un personnalisme musulman, et le rôle de l’individu dans la préservation, le relâchement ou la perte de contact avec le Divin dans ce processus de (ré-)universalisation seront abordés.
Mattias ROSENFELDT (doctorant en théologie islamique et sociologie des religions)
Mattias Rosenfeldt prépare un doctorat à l’université d’Uppsala, spécialisé en théologie islamique et sociologie de la religion. Ses recherches actuelles portent sur la théologie islamique progressiste qui se développe autour de certaines nouvelles congrégations de mosquées en Europe. Il a également suivi un cursus en études religieuses à l’université de Californie à Santa Barbara, ainsi qu’à l’université de Copenhague, où il a enseigné dans le département d’études des médias. Vivant aux États-Unis dans les années 2000, il a connu et suivi les premières tentatives fragiles d’institutionnalisation de l’islam progressiste en Occident.
Titre : L’islam progressiste en théorie et en pratique : implications pour les identités musulmanes européennes
Résumé : Cette communication a deux objectifs. Premièrement, elle propose une tentative définition du concept glissant et contesté d’islam progressiste, en prenant en compte l’établissement de communautés musulmanes actives et progressistes à travers l’Europe au cours des dernières années. Deuxièmement, elle vise à mettre en valeur les adaptations théologiques locales de ces communautés progressistes, et leur impact sur la formation de l’identité des musulmans européens. Cela implique à la fois d’aborder la façon dont la théologie et la formation de l’identité peuvent s’affecter l’une et l’autre, et de réfléchir sur la manière dont les courants minoritaires et périphériques qui apparaissent dans les communautés musulmanes européennes s’articulent avec les courants majoritaires et dominant en islam.
Steven DUARTE (agrégé d’arabe, docteur en islamologie et maître de conférences)
Ancien étudiant de Paris-Sorbonne (Paris-IV), Steven Duarte est agrégé d’arabe (2010) puis Docteur de l’EPHE (2014) avec une thèse portant sur l’idée de réforme en islam depuis les indépendances et, depuis 2016, Maître de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord (Villetaneuse) en arabe / islamologie. Spécialiste des réformismes de l’islam contemporain, il a proposé une typologie inédite des mouvements de l’islam contemporain et écrit régulièrement des articles pour le site The Conversation sur des problématiques contemporaines ayant trait à sa spécialité. Il prépare actuellement un ouvrage scientifique sur l’histoire du réformisme depuis le XIXe siècle à nos jours.
Titre : L’islam libéral et son altérité juive : un défi ambitieux
Résumé : Qui aurait pu prédire que le courant du judaïsme libéral/réformé deviendrait majoritaire aux USA lorsqu’il naquit en Europe au XIXe siècle ? Et si l’islam libéral prenait ce même chemin, s’il devenait demain le courant dominant de l’islam en France ? Pour le moment il reste en gestation, il est éparpillé et trop peu structuré, mais dans un contexte national (voire mondial) « d’identités meurtrières » grandissantes, ces deux communautés gagneraient à se parler et à dépasser leurs clivages ; si elles y parviennent, elles constitueront une force motrice puissante face aux obscurantismes religieux et politiques de tous bord.
Francis MESSNER (directeur de recherche émérite, professeur conventionné)
Francis Messner, ancien boursier de la Von Humboldt Stiftung, est directeur de recherche émérite au CNRS et professeur conventionné à l’Université de Strasbourg. Directeur de la Revue du droit des religions, il mène des recherches dans le domaine du droit des religions et des relations entre l’État et les religions. Il est membre du bureau de l’European Consortium for Church State Studies et a été membre de la commission de réforme des cultes en 2005 (Commission Machelon) et chargé de mission auprès de la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du ministre de l’Intérieur (2013-2016). Professeur invité à l’université de Come et de Sienne et à l’Institut des sciences religieuses de Hanoi, il a dirigé de nombreux programmes de recherche nationaux et internationaux. Il coordonne actuellement le projet RELIEN financé par Interreg/Union européenne. Il est également membre du conseil d’orientation de la Fondation de l’Islam de France et du bureau et du conseil scientifique de l’Institut du droit local alsacien mosellan. Il a, entre autres ouvrages, co-dirigé le Traité de droit français des religions (Paris, LexisNexis, 2013) et L’enseignement de la théologie universitaire musulmane (Paris, Cerf, 2018) et dirigé le Dictionnaire de droit des religions (Paris, Éditions du CNRS, 2011) et Le statut des ministres du culte musulman en France (Strasbourg, PUS, 2021).
Titre : Les politiques religieuses en matière de transmission culturelle de l’islam. L’exemple de la création de facultés de théologie musulmane et d’instituts d’islamologie en Europe
Résumé : Nombre d’États européens confrontés au fondamentalisme de certains groupements musulmans mais également soucieux de traiter de manière égalitaire les différentes religions ont créé des pôles d’enseignement de théologie ou d’islamologie au sein d’universités publiques ou privées. Ces pôles ont un double objectif. Ils favorisent d’une part la circulation d’idées religieuses libérales conformes aux approches universitaires. Ils facilitent d’autre part la formation des cadres religieux musulmans et notamment des imams sur le territoire national en proposant à ces derniers un cursus complet ou encore des éléments de formation à charge pour les communautés religieuses de les compléter (bi parcours universitaires et confessionnels).
Ani ZONNEVELD (fondatrice des MPV et imame)
Ani Zonneveld est écrivaine, chanteuse, compositrice, fondatrice et présidente des Muslims for Progressive Values (MPV), une organisation internationale au service des droits humains, qui agit pour la justice sociale et l’égalité pour toutes et tous, qui défend la liberté d’expression et de conscience, ainsi que les droits des femmes et des personnes LGBTQ. Ani promeut ces valeurs aux Nations Unies en dénonçant les abus contre les droits humains commis au nom de l’islam, et en offrant une compréhension inclusive fondée sur la justice et des droits humains universels. En 2017, Ani a également fondé en Tunisie, l’organisation « Alliance of Inclusive Muslims » (AIM), un réseau constitué de 35 associations, réparties sur 6 continents. Elle s’est exprimée au sein d’un TEDx intitulé « Islam : As American As Apple Pie », et a eu l’opportunité d’être le sujet du documentaire intitulé « Al-Imam » présentant ses engagements, qui a été diffusé en 2019 au Festival de Cannes. Plus d’informations sur son site internet : https://www.mpvusa.org/ani-zonneveld-1
Titre : Mettre en pratique le « vrai islam »
Résumé : Il ne sert à rien d’apprendre les finalités de la Loi divine (maqâsid al-sharî’a), c’est-à-dire les valeurs coraniques à appliquer au-delà de la lettre, si les musulmans ne les mettent pas en pratique. Depuis 2006, j’essaye d’incarner les interprétations progressives du Coran, telles qu’elles ont été conceptualisées par les philosophes et les théologiens, anciens et contemporains, en les rendant accessibles au grand public, dans le but d’affecter positivement et concrètement la vie des gens. Des droits de l’Homme aux chants spirituels, en passant par la façon dont nous adorons Dieu, par la création d’une structure égalitaire pour les femmes imames et la célébration des mariages interconfessionnels (en particulier entre une femme musulmane et un homme non musulman), ma communication présentera comment nous avons posé les fondements d’un islam le plus en adéquation possible avec l’esprit du Coran, et uniquement les hadiths (traditions prophétiques) qui le soutiennent, en vue d’inculquer une culture enracinée dans les droits de l’Homme pour les sociétés musulmanes.
16h-16h30 Pause
16h30-18h Séance de clôture – Visions de grands témoins
Éric GEOFFROY (islamologue, professeur émérite)
Islamologue universitaire, Éric Geoffroy est spécialiste du soufisme. Il travaille également sur les enjeux de la spiritualité dans le monde contemporain. Conférencier à l’échelle internationale, il est l’auteur d’une douzaine d’ouvrages, dont plusieurs sont traduits en différentes langues. Il est membre de l’Académie Arabe du Caire, et président de l’association Conscience Soufie (www.eric-geoffroy.net / https://www.facebook.com/ericgeoffroysoufisme). Derniers livres parus : Allah au féminin (Albin Michel, 2020) ; Cheikh Ahmad al-‘Alâwî, vivificateur de la Voie soufie (Albouraq, 2021).
Karima BERGER (écrivaine)
Karima Berger est écrivaine. Auteure de plusieurs romans et essais tous inspirés par la double culture arabo-musulmane et française de son enfance algérienne. Son dernier essai Hégires (Actes Sud, 2019) ravive l’Hégire du Prophète en 622 et éclaire d’un jour nouveau l’exil d’aujourd’hui et ses capacités spirituelles d’enracinement. Elle est vice-présidente de Écritures & Spiritualités qui réunit des écrivains de différentes traditions religieuses et/ou spirituelles. Son prochain ouvrage Les gardiennes du secret. Les grandes figures féminines de l’imaginaire musulman parait en mars 2022 aux éditions Albin Michel.
Tareq OUBROU (Grand imam de Bordeaux, théologien et essayiste)
Né au Maroc, Tareq Oubrou est un essayiste et imam français officiant à Bordeaux. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages à destination du grand public : Profession imâm (avec Cédric Baylocq et Michaël Privot, Albin Michel, 2009) ; Appel à la réconciliation : foi musulmane et valeurs de la République française (Plon, 2019).
Mohamed BAJRAFIL (théologien, linguiste et essayiste)
Né aux Comores, Mohamed Bajrafil est un théologien, linguiste, essayiste et imam français. Il est l’auteur de plusieurs essais : Islam de France, l’an I : il est temps d’entrer dans le XXIe siècle (Plein Jour, 2015) ; Réveillons-nous ! Lettre à un jeune Français musulman (Plein Jour, 2018).
18h-19h30 Conférence de presse
[1] A. Maalouf, Les Identités meurtrières, Paris, Le Livre de Poche, 2001.
[2] F. Julien, Il n’y a pas d’identité culturelle, Paris, L’Herne, 2016.