Aliocha Lasowski : Oui, alors c’est effectivement un long travail, un long cheminement de pensée dans la parole poétique et politique d’Édouard Glissant. Parce que les deux aspects sont mêlés dans sa parole, dans sa pensée. La créolisation est un terme qu’emploie Édouard Glissant depuis longtemps et qui est associé à d’autres termes extrêmement novateurs, innovants, modernes qu’il utilise comme le « Tout-monde », la « mondialité », des notions qu’Édouard Glissant utilise dans un champ très large pour lui qui va du poétique au politique, mais aussi dans l’anthropologie, la sociologie, l’art, la culture et aussi la langue, l’évolution du langage, du discours et de la langue.
Le terme « créolisation », vous avez effectivement raison de le comparer, voire même de l’opposer à « métissage ». Pourquoi ? Parce qu’en fait, la créolisation est une forme de métissage mais qui débouche sur un inattendu, un imprévisible. Quelque chose qu’on ne peut donc pas anticiper et qui amène des résultats insoupçonnés, totalement inédits. Et ce que dit Edouard Glissant dans le terme de créolisation, c’est que par opposition au métissage où, d’une certaine façon, on peut identifier les différentes composantes que forme un métissage. Ce n’est pas du tout le cas dans l’idée de créolisation. C’est l’idée que quand des cultures, des arts ou des langages se rencontrent, ils débouchent sur quelque chose de totalement nouveau, inédit, qui se transforme.
Ce qui est très intéressant chez Glissant, c’est qu’on se transforme, on échange avec l’autre. L’autre, c’est l’autre culture, l’autre personne, l’autre art. On échange sans se dénaturer soi-même. La créolisation, c’est donc une transformation de soi tout en restant soi. C’est ça qui fait que, d’une certaine façon, la créolisation englobe le métissage. Mais ça va plus loin, en tout cas dans l’esprit d’Édouard Glissant ; ça concerne aussi d’autres aspects de cette rencontre, de ce partage, de cet échange. La créolisation touche des domaines très variés.