« La dénutrition, on en meurt. » C’est avec cette annonce frappante que le Collectif de lutte contre la dénutrition, qui regroupe des médecins et des non-médecins, s’est fait connaître en 2016. Les chiffres qu’il avance sont frappants : ce phénomène touche 10 % des plus de 80 ans vivant en couple. La solitude est un facteur aggravant : 23 % des plus de 70 ans qui sont seuls sont dénutris. Passé cet âge, la dénutrition est à l’origine de 40 % des hospitalisations. Il est important de ne pas perdre de poids en vieillissant et de répondre à des besoins qui changent.
L’apport en protéines doit être 20 % plus important chez les seniors que chez l’adulte, l’utilisation des nutriments par l’organisme devient par ailleurs moins bonne. Le risque de dénutrition, qui se définit par la perte de 5 % de son poids en un mois ou 10 % en six mois, est réel si on mange trop peu ou trop mal et si on ne fait pas assez d’exercice pour maintenir sa masse musculaire.
Les effets sur la santé
Les effets sont délétères : fragilité osseuse et immunitaire, retard de cicatrisation, atteintes neurologiques, augmentation de la morbidité. La dénutrition aggrave les pathologies chroniques et peut précéder la sarcopénie (diminution de la masse et de la force musculaire). Difficilement réversible, elle a un effet sur la mobilité, le risque de chute et donc sur l’autonomie. Elle augmente la fréquence des hospitalisations, leur durée, et accélère le départ en institution. Même les personnes obèses sont concernées. La perte de la sensibilité à certaines saveurs (viande, sucré-salé, épices…) conjuguée à la solitude ou à un manque de moyens financiers font que l’on mange parfois chichement chez soi.
Mauvaise qualité nutritionnelle
En institution, le problème se double d’une qualité nutritionnelle insatisfaisante et parfois du manque de disponibilité du personnel pour aider à table. À l’hôpital, les patients, toutes catégories confondues, perdent 1,5 point d’IMC après sept jours de présence. Ce n’est pas mieux en maison de retraite, où 270 000 résidents sont dénutris (sur 730 000 environ). Face à cela, certains acteurs ont décidé d’agir. Le centre hospitalier de Perpignan a réorganisé son service de restauration, tant côté produits que côté recettes et formation du personnel. Après trois ans de chambardement, il a réduit le gaspillage alimentaire et favorisé l’augmentation du poids moyen de ses patients.
Un chef étoilé à l’hôpital, des concours de gastronomie…
À l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif), c’est un chef étoilé qui concocte les menus deux fois par semaine, et ce, depuis 2017. Le groupe privé SOS Seniors, qui gère 62 EHPAD, a quant à lui lancé Silver Fourchette, un programme national de sensibilisation visant à promouvoir une alimentation Santé et plaisir pour tous les seniors. Au menu, un concours de gastronomie entre des chefs cuisiniers d’EHPAD, des écoles de cuisine et des centres de formation d’apprentis pour stimuler un changement de mentalité chez les professionnels de la restauration collective. En ville, Silver Fourchette organise aussi des ateliers destinés aux personnes âgées. De quoi, peut-être, redonner goût à ces seniors, souvent nourris aux plateaux-repas et aux plats surgelés.
L’assiette parfaite des seniors
Elle doit comprendre l’alliance classique des protéines animales – une ou deux fois par jour –, des féculents à tous les repas, des fruits et des légumes. Une importance particulière doit être accordée aux polyphénols (fruits, légumes, graines, huile d’olive) pour lutter contre l’ostéoporose, à la vitamine A (légumes, produits carnés et laitiers) et aux oméga-3 (poissons gras, huile de colza et de noix) pour le maintien des fonctions cognitives. Il faut être attentif à ne pas trop faire cuire la viande, utile pour lutter contre la perte musculaire. Et, bien sûr, ne pas oublier le plaisir.