Comment sont pris en charge les enfants des djihadistes français ?
On les appelle les « revenants ».
77 enfants de djihadistes français, partis combattre pour le compte de l’État islamique en zone irako-syrienne, sont rentrés en France. L’État a pour mission de les prendre en charge. Mais de quelle manière ?
Ces Français sont partis combattre en Syrie ou en Irak pour rejoindre les rangs de Daech, et sont désormais susceptibles de rentrer en France. Avec leur retour, se pose la question de la prise en charge de leurs enfants, de nationalité française.
Comment d’enfants sont concernés ? À ce jour, ils sont très précisément 77 enfants à être revenus en France. Leur arrivée s’est échelonnée sur les deux dernières années. Pour ceux qui sont encore dans la zone irako-syrienne, le chiffre est plus flou. Ils seraient entre 350 et 450 mineurs, selon une estimation des services de renseignement. S’il n’existe pas de liste précise, c’est parce que beaucoup d’entre eux sont nés sur place et n’ont donc pas été déclarés. Seule une trentaine est parfaitement identifiée, car leurs parents ont été arrêtés et toujours détenus dans la zone.
« Plusieurs » enfants de djihadistes orphelins de cinq ans et moins ont été rapatriés en France puis la Syrie. (Photo prise à Baghouz le 14 mars) © AFP
Traumatisés par la séparation avec leur mère. À leur retour, ces enfants se trouvent dans un état psychologique très compliqué. Mais les atrocités d’une zone de guerre ne sont pas la première cause de leur traumatisme. « On a une séparation entre une mère et un enfant qui n’a connu qu’une relation quasi-exclusive avec elle. On se rendra compte des effets de la proximité avec un environnement extrêmement violent dans le temps. En revanche, le diagnostic psychologique qui est fait dès l’arrivée de l’enfant est forcément embrassé par le traumatisme que subit l’enfant au moment de la séparation avec sa mère », explique Jules Boyadjian, président de l’association Artémis, spécialisée dans la prévention de la radicalisation.
Traités comme les autres. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces enfants ne bénéficient pas d’un suivi très spécifique. Ils sont traités comme les autres, pour qu’ils se développent comme les autres, assure Nabil, l’un des formateurs d’Artémis. « On a l’habitude de travailler sur la violence extrême, sur la délinquance. Le phénomène de radicalisation doit être traité comme on traite le phénomène de maltraitance des enfants », considère-t-il.
Des familles d’accueil qu’il faut accompagner. Les familles d’accueil ou les foyers qui reçoivent ces enfants sont un peu déboussolés. Ils doivent parfois surmonter les peurs et les « a priori », car ces familles ne se sont pas spécialement portées candidates pour ces profils. « Certains vont vous dire que c’est un problème religieux, qu’ils ne veulent pas y toucher, que leur pratique religieuse les dérange, etc. D’autres vont vous dire que l’enfant est confronté à un problème psychologique profond ».
Tout en travaillant sur les enfants, il est donc primordial d’accompagner les familles qui les accueillent. Ce sont exactement les mêmes que celles qui hébergent les enfants placés pour délinquance ou les enfants abandonnés. Il n’existe aucune présélection. Et vu le nombre de familles candidates, les autorités n’ont pas le luxe de faire un tri.
Le retour d’Émilie König, djihadiste « française ».
Emilie König, figure de la mouvance djihadiste française, est actuellement détenue par les forces Kurdes en Syrie où elle doit être jugée pour ses exactions dans les rangs de Daesh. Mère de trois enfants, cette bretonne s’était convertie à l’islam dès l’adolescence en se radicalisant au contact de son premier mari d’origine algérienne et du groupe islamiste Forsane Alizza, avant de devenir une recruteuse notoire pour l’État Islamique.■
Fille de gendarme, cette Lorientaise était connue des services de renseignements français pour sa propagande djihadiste sur Internet dans le cadre de la filière de Nîmes. Partie en Syrie dès 2012, Émilie König était une pionnière à rejoindre l’armée de Daesh. En 2014, Émilie König fut inscrite par l’ONU sur la liste des combattants les plus dangereux de l’État Islamique. Les services anti-terroristes avaient intercepté ses appels récurrents à attaquer les institutions françaises ou à s’en prendre aux femmes de soldats français.
Malgré le parcours radicalisé et criminel d’Émilie König, sa mère a exigé récemment son rapatriement en France, avec ses trois enfants, affirmant que sa fille s’est repentie. Maître Bruno Vinay, l’avocat d’Émilie König, exige également que sa cliente soit jugée en France conformément aux engagements internationaux. Maître Bruno Vinay insiste sur l’obligation des autorités françaises à juger sa cliente car les forces Kurdes ne disposent pas, selon lui, d’autorités identifiées pour rendre la justice.
Cette forte mobilisation pour le retour d’Émilie König en France a pour seul objectif de lui épargner une éventuelle peine de mort qui pourrait être prononcée à son encontre par les forces Kurdes. Une peine capitale que mérite pourtant cette femme terroriste qui a soutenu très tôt la propagande meurtrière de Daesh et qui représente un véritable danger pour la France.
Bannir toute « naïveté et angélisme ». Le procureur a de nouveau souligné qu’il fallait se départir de toute « naïveté et angélisme ». « Il y a (eu) une inflexion idéologique » à partir de l’été 2017 lorsque des organes liés au groupe « Etat islamique » ont appelé les femmes et les enfants à participer au djihad armé.
Partager la publication "Comment sont pris en charge les enfants des djihadistes français ?"