« La France, ce sont des Frances qui ont été cousues ensemble » écrivait Fernand Braudel dans un entretien au journal le Monde en 1985, peu avant sa mort. La diversité des religions, des croyances, des philosophies, mais aussi celle des usages culturels bien présents dans notre société et dans nos établissements scolaires est une richesse. Elle a toujours été présente dans notre pays : les républicains de la Troisième République l’avaient compris et ils furent moins éradicateurs de différences qu’on ne l’a écrit.
L’historien Jean-François Chanet, actuellement Recteur de l’Académie de Besançon, montre, dans sa thèse sur les petites patries , que les principes de l’unité nationale étaient clairement posés, mais que leur mise en œuvre s’est accompagnée d’un pragmatisme intelligent. C’est en s’appuyant sur ces petites patries que les républicains de la Troisième République ont formé des citoyens. La Ligue de l’Enseignement y a largement contribué avec l’action de son fondateur, Jean Macé, en 1866. Il revient à l’école laïque de construire un commun en permettant à chacun d’être soi-même dans une société diverse et fraternelle. C’est la mission essentielle de la pédagogie laïque que de transmettre à la fois le corpus juridique et politique laïque, mais aussi son esprit de liberté.
Mon propos tentera de démontrer que seule une laïcité bien comprise est une laïcité bien transmise. J’évoquerai quelques difficultés qu’il nous faut dépasser pour faire partager aux élèves les valeurs de la République. Je dirai un mot sur la Charte de la Laïcité, qui est conçue comme un outil pour faire partager la laïcité aux citoyens en général. J’insisterai sur l’histoire de notre laïcisation, car elle est très mal connue et à l’épreuve d’un certain nombre de fractures sociales, scolaires, culturelles. J’essaierai de voir comment, dans ces conditions, on peut définir une pédagogie laïque dans un établissement scolaire aujourd’hui. Enfin, je tenterai de vous persuader que l’on peut rendre notre laïcité aimable.
Seule une laïcité bien comprise est une laïcité bien transmise.
Commençons par un extrait du Code de l’Éducation, qui est le premier article de la Loi d’Orientation pour la Refondation de l’École de la République du 8 juillet 2013 : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de laïcité. »
Ceci traduit à la fois une continuité et une évolution. La continuité apparaît dans la première phrase qui est également le premier article de la Loi d’Orientation de 2005, qui est une belle loi, qui a notamment créé le socle commun de connaissances et de compétences. L’évolution apparaît dans la deuxième phrase, sous forme d’un complément qu’il a été estimé nécessaire d’introduire dans le Code d’Éducation, car il précise ce qu’il s’agit de faire partager aux élèves : « La liberté de conscience, la liberté des Êtres humains et la laïcité. » Cet ajout nous a paru indispensable. Il n’est pas anodin. Lorsque, autour de Vincent Peillon, à la rentrée de septembre 2013, dans un collège de Seine-et-Marne, nous avons présenté cette Charte de la Laïcité, elle a fait l’objet d’une indifférence à peu près générale. La Charte rappelle, dans son article 10, le rôle fondamental de tous les personnels pour ce travail de transmission. Faire comprendre la laïcité, qui est aujourd’hui souvent instrumentalisée, ce n’est pas simple : la laïcité souffre souvent de méconnaissance et d’incompréhension. Or l’intolérance et les préjugés se nourrissent de l’ignorance.
Le rôle de la Charte de la Laïcité est donc à la fois d’expliquer les enjeux du principe de laïcité, mais aussi de montrer son rapport avec les valeurs de la République pour en faire un objet d’étude très concret pour les élèves . Cette solidarité avec les valeurs est d’ailleurs exprimée dans l’article 4 de la Charte. Parce que la laïcité est constitutive de notre pacte républicain, son enseignement ne doit souffrir aucune confusion, ce qui n’est pas toujours le cas. C’est pourquoi il faut remédier au déficit de formation professionnelle des personnels qui a trop souvent été négligée en matière de laïcité. Tel est le rôle des écoles supérieures de professorat et d’éducation. J’ai le grand honneur de présider le Conseil de l’ESPE de Dijon et je salue Madame la Rectrice ici présente.
La création récente d’un Conseil des Sages Laïcité auprès du ministre et d’équipes « laïcité – fait religieux » auprès des Recteurs vient compléter les efforts que nous avons engagés depuis plusieurs années pour faire en sorte qu’aucun professionnel ne se sente démuni vis-à-vis du respect du principe de laïcité à l’école. Il y a des difficultés à dépasser, s’il l’on veut faire partager, de façon efficace, les valeurs de la République aujourd’hui à nos élèves.
Il faut donc identifier quelques points de vigilance :
Le meilleur enseignement possible concernant les valeurs de la République ne sera efficace que si la réalité sociale n’apporte pas un démenti à ce qui est enseigné. Aujourd’hui, notre société est schizophrène, car elle fait souvent le contraire de ce qu’elle demande à l’école de transmettre. Or l’école et la société doivent agir de concert.
C’est l’ensemble de la société qui est en mal d’intégration, et non, seulement, une catégorie d’élèves. On passe en effet à côté du sujet dans la France de 2018 si nous considérons que seules les populations d’origine immigrée – et disons les choses, d’origine musulmane – qui auraient besoin de recevoir, de notre part, un brevet de laïcité.
La question laïque et la question sociale sont liées. Comme le rappelle l’Observatoire de la Laïcité dans son dernier rapport annuel : « La laïcité ne peut pas répondre à tous les maux de la société, qu’il s’agisse de la ghettoïsation de certains quartiers ou de la perte de repères ou de confiance dans l’avenir. » C’est la pauvreté économique, sociale et culturelle de bon nombre de nos élèves qui rend difficile la transmission de savoirs fondés sur la raison.
L’école doit donner l’exemple des valeurs qu’elle est censée faire partager aux élèves. L’échec précoce des élèves issus des familles les plus pauvres est insupportable. Il met gravement en cause l’idéal du système éducatif, qui consiste à assurer l’égalité entre les enfants. Or c’est en France que les destins scolaires sont les plus liés aux origines sociales. Notre élitisme n’est pas républicain, il est essentiellement social et ceci nuit à la crédibilité de notre école publique laïque. Malgré l’engagement de nos professeurs, il existe une fracture scolaire comme il y a une fracture sociale. Dans une période où les droits l’ont souvent emporté sur les devoirs, comment ceux qui sont privés de droits pourraient-ils considérer qu’ils ont les mêmes devoirs que les autres citoyens ? Ceci place notre école laïque en position de cristallisation de toutes les insatisfactions, en tant que représentante d’une République qui oublie parfois que la devise républicaine est un tout qu’il est illusoire de penser faire vivre la liberté, si l’on oublie l’égalité et la fraternité. À la Ligue de l’Enseignement, nous pensons que notre pays ne fera pas l’économie de reposer la question de l’existence du dualisme scolaire, qui favorise, avec le financement par l’État de sa propre concurrence, une ségrégation sociale et culturelle qui ne peut que s’accentuer avec le développement d’établissements de diverses religions, d’établissements commerciaux, parfois hors contrats, parfois aussi hors contrôles.
Ces points de vigilance étant posés, nous avons conçu un outil, la Charte de la Laïcité, pour donner un sens et faire comprendre ce qu’est la laïcité. Xavier North l’a dit hier : « La la ï cit é n ’ est pas une valeur . » Les valeurs, c’est ce qui donne du sens à notre projet commun : la liberté, l’égalité et la fraternité. Un principe, c’est ce qui rend possible la mise en œuvre des valeurs de notre projet commun avec un certain nombre de moyens, la séparation et la neutralité de l’État. Cette distinction explique pourquoi la mise en œuvre des principes de laïcité est évolutive et utilise des modalités diverses, évolue avec le droit. Ainsi, on a mis en œuvre la laïcité à l’école, en 1882, avant de laïciser l’État avant la séparation des Églises et de l’État en 1905.
Voilà pourquoi ceux qui veulent ajouter le mot « laïcité » à la devise républicaine sont dans l’erreur , car nous ne parlons pas de la même chose. En créant un lien explicite entre laïcité et valeurs, la charte ouvre la voie à une multitude d’opportunités pédagogiques pour mobiliser la laïcité dans un établissement. C’est ce que nous rappelons dans l’article 15 de la Charte de la Laïcité. Il est en effet important de préciser que les élèves doivent être en activité pour faire vivre la laïcité.
Par leurs réflexions, les élèves doivent être en activité pour faire vivre la laïcité au sein de leur établissement, car ils vivent des situations mettant en jeu leur liberté d’action, leur permettant de résoudre des difficultés et de distinguer savoir et croyance. Inscrite dans leur quotidien, la laïcité est un outil utile pour faire l’apprentissage de la citoyenneté, pour apaiser le climat scolaire et faire réfléchir sur l’usage que chacun fait de sa liberté. La laïcité garantit deux valeurs – liberté et égalité – et pour ce faire, elle utilise deux moyens – séparation et neutralité. Ces différents points sont déclinés dans les différents articles de la Charte.
La laïcité, c’est un principe d’organisation de la République qui garantit la liberté fondamentale : la liberté de conscience . Ce n’est pas d’abord un régime d’interdiction, c’est d’abord une liberté. Depuis la Loi d’Orientation de 1989, la liberté s’incarne aussi dans un établissement scolaire, car elle a donné un certain nombre de libertés aux élèves, dont la liberté d’expression. C’est ce que nous rappelons dans l’article 8 de la Charte de la Laïcité.
Nous tentons de démontrer aux élèves que le principe de laïcité permet à la République de garantir aux citoyens une totale liberté de pensée et, dans ce cadre, on a la liberté d’être catholique, d’être musulman, d’être juif, d’être protestant, d’être agnostique, d’être athée. La laïcité n’est pas une option spirituelle, ce n’est pas une religion à côté des autres religions, c’est la condition de l’existence de toutes les convictions. Pour que tous les citoyens puissent vivre ensemble, c’est la République qui est laïque, et non un groupe de citoyens.
Un personnage de l’État a récemment indiqué qu’il allait constituer un groupe de travail regroupant les cultes et les laïcs. Quelle confusion ! On franchit un palier important dans la compréhension qu’ont les élèves de ce que peut être la laïcité, quand on leur dit que la laïcité est à la fois une liberté encadrée par la loi qui, de fait, les protège, notamment de tout prosélytisme et de toute pression les empêchant de faire leurs propres choix. Quand ce message est bien compris, parents comme élèves peuvent devenir de très efficaces défenseurs de la laïcité.
La Convention européenne des Droits de l’Homme de 1950 redit la même chose dans son article 9 concernant la liberté de pensée, de conscience, de religion, à laquelle s’ajoute la liberté de manifester sa religion ou ses convictions, dans un cadre défini par la loi. La laïcité, c’est aussi un cadre qui garantit la liberté. Ceci se retrouve dans l’article 1 de la Charte qui est aussi l’article premier de la Constitution : « La République assure l’égalité devant la loi sur l’ensemble de notre territoire, de tous les citoyens. » Dans la Charte de la Laïcité, nous allons plus loin, s’agissant de l’égalité entre les filles et les garçons. Mais pour garantir ces deux valeurs fondamentales, encore faut-il s’en donner les moyens.
Le premier moyen, c’est la séparation (article 2 de la Charte). Face aux élèves, nous développons ce paradoxe de la laïcité qui consiste à séparer pour rassembler : séparer le spirituel et le temporel, le religieux et le pouvoir politique, le droit civil et le droit canon, les connaissances et les croyances, le curé, le pasteur, l’imam, le rabbin et l’instituteur. Toutes ces séparations permettent de rassembler les valeurs autour de valeurs communes. La laïcité ne rejette personne, mais en contrepartie, la communauté éducative s’engage à respecter les règles applicables à l’école publique. C’est ce que nous avons écrit dans l’article 13 de la Charte de la Laïcité.
Le deuxième moyen, c’est la neutralité, illustrée dans la deuxième phrase de l’article 2. Et l’article 11 de la Charte de la Laïcité en tire une conséquence pour les personnels ; ils ont un strict devoir de neutralité. Nous mettons également l’accent sur la culture commune et sur les programmes scolaires (article 7, sur l’accès aux élèves à une culture commune et partagée). Par ailleurs, l’article 12 reprend la circulaire de mai 2004 sur les signes religieux à l’école. La question des programmes est essentielle, car c’est par la laïcisation des programmes, que notre école est devenue laïque. Il n’est donc pas étonnant d’observer que ceux qui, aujourd’hui, combattent le principe de laïcité, portent leurs attaques sur les programmes. Or ces derniers ne sont évidemment pas négociables.
Histoire de la laïcisation en France
L’histoire de la laïcisation a souvent été oubliée or elle est le produit de notre histoire.
Dans son dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire de 1887-1888, Ferdinand Buisson écrit, à l’article « laïcité » : « Ce n’est que par le lent travail des siècles que peu à peu, les diverses fonctions de la vie publique se sont distinguées, séparées les unes des autres et affranchies de la tutelle étroite de l’Église . C’est le résultat de combats d’émancipation pour desserrer l’emprise confessionnelle d’une église catholique dominante. C’est l’histoire d’un long processus de séparation du spirituel et du temporel. La laïcité est l’héritière des aspirations à la liberté du Siècle des Lumières. Elle plonge ses racines dans le bouleversement révolutionnaire de 1789 . »
Tout ceci annonce la laïcité qui existait avant le mot qui la désigne. Les législateurs de 1882, qui ont séparé les Églises et l’école, et de 1905, qui ont séparé les Églises et l’État, n’ont jamais employé ce mot qui apparaît pourtant vers 1860. Dans l’édition de 1887-1888 de son dictionnaire, Ferdinand Buisson consacre six pages et dix colonnes à son article sur la laïcité, qu’il définit comme : « la neutralité à tous les degrés ». Il dit par ailleurs, de la laïcité, que « Ce mot est nouveau et quoi que correctement formé, il n’est pas encore d’usage général. Cependant, le néologisme est nécessaire ; aucun autre terme ne permettant d ’ exprimer sans p é riphrase la m ê me id é e dans son ampleur ».
Il faut attendre 1946 pour que le mot « laïque » figure comme attribut de la République dans la Constitution française . La formule est ensuite reprise dans l’article premier de la Constitution de 1958. Ce qui est souvent ignoré, c’est qu’en France, l’émergence de la laïcité ne s’est pas faite sans heurt, l’Église catholique et ses représentants au Parlement s’y opposant farouchement, en 1882, comme en 1905, considérant –encore aujourd’hui parfois – que les droits de Dieu sont supérieurs aux droits de l’Homme. La clairvoyance politique des législateurs de 1882 et de 1905 a permis de s’opposer aux prétentions cléricales d’édicter des comportements sociaux, mais aussi aux antireligieux qui voulaient refuser l’expression publique des convictions religieuses.
L’histoire de la laïcisation de l’école, c’est aussi l’histoire d’une méthode, d’une pédagogie de la laïcité qu’on peut résumer ainsi : fermeté quant aux principes, pragmatisme et progressivité dans la mise en œuvre. C’est une pédagogie de la laïcité qui permet de faire vivre la laïcité. L’oublier, c’est s’exposer à des difficultés chaque fois que la question laïque ressurgit. L’article 10 de la Déclaration de Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 est pratiquement l’acte de naissance de la liberté de conscience. Il convient de mesurer le courage des représentants de la Nation qui osent indiquer que : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses . » L’article 11 parle de la libre communication des pensées et des opinions qui constituent un des droits les plus précieux de l’homme.
Le premier à poser la question de la laïcité, c’est Condorcet qui, dans ses cinq mémoires sur l’instruction publique et son projet de décret de 1792, défend l’idée de séparation : « séparation absolue du pouvoir politique qui règle les actions et de l’autorité religieuse qui ne peut s’exercer que sur les consciences . »
La première occurrence forte de l’idée de séparation figure dans le projet d’avril 1792 où il utilise le verbe « séparer » : « séparer de la morale les principes de toute religion particulière et n’admettre, dans l’instruction publique, l’enseignement d’aucun culte . » Ceci revient à défendre les droits de l’enfant de ne subir aucun prosélytisme dans l’enceinte scolaire. Rien de tout cela ne sera fait avant la Troisième République. Jusqu’à Jules Ferry, en haut des programmes de l’instruction primaire, qui dataient de Guizot (1833), il était indiqué : « L’instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse . »
En 1882, après des débats acharnés et la loi de Jules Ferry : « L’enseignement primaire comprend l’instruction morale et civique . » Un seul mot a tout changé. Ce sujet a donné lieu à des débats passionnés. En voici quelques exemples.
À la Chambre des Députés, le 5 décembre 1880, Paul Bert explique ainsi le sens de la loi : « C’est une chose fâcheuse que de diviser les enfants dès leur plus bas âge sur les bancs mêmes de l’école et de leur apprendre d’abord, non pas qu’ils sont Français, mais qu’ils catholiques, protestants ou juifs . Notre projet de loi a pour but de ramener la paix là où s’agitent aujourd’hui les querelles. »
Jules Ferry
Aussitôt, le député de Brest, Monseigneur Freppel, déclare, à la tribune de la Chambre des Députés : « L’enfant ne se dédouble pas : chr é tien dans sa famille, chr é tien à l ’é glise, il doit l’être également à l’école . Par conséquent, vous devez l’y traiter comme tel. » Or à la Chambre de 1880-1882, les républicains sont majoritaires, mais de très peu de voix. Et des élections ont lieu en 1885.
À la Chambre des Députés, le 24 décembre 1880, Jules Ferry dit : « L’école dans laquelle l’instruction religieuse n’est pas séparée de l’instruction laïque, c’est forcément l’école dans laquelle les doctrines religieuses tiennent la première place, on pourrait dire toute la place . » Ceci déplaît au Député monarchiste Keller qui affirme : « La cons é quence de vos votes, la cons é quence de cette s é paration de l ’É glise et de l ’é cole, c’est l ’é tablissement d ’ une nouvelle religion d’État, la pire de toutes : celle qui consiste à n ’ en avoir aucune. Ce que je veux ici avant tout, c’est défendre la liberté de conscience qui n’a jamais reçu d’atteinte plus grave. » Et son collègue, Député monarchiste de Vendée, Paul Bourgeois, d’ajouter : « Les sectaires sont ceux qui enlèvent les crucifix de nos écoles . »
L’Église catholique et ses représentants s’opposent farouchement à Jules Ferry et la laïcisation de l’école et ils en trahissent volontairement la signification en assimilant la laïcité à un athéisme militant, une sorte d’athéisme d’État. Tel est exactement le reproche qui est fait aujourd’hui, à la laïcité, par certains islamistes intégristes fort heureusement minoritaires.
Voilà ce qui est écrit dans la revue Dar-Al-Islam de Daech – qui appelle notre Charte de la Laïcité la « charte de la mécréance » : « La laïcité et la démocratie, ces fausses religions… leur caractère de mécréance… l’islam n’accepte pas la liberté de conscience, l’islam est une religion de justice et ne croit pas à l’égalité telle qu’elle est enseignée dans les écoles de la République. »
Cette séparation de l’enseignement et de la religion n’a pourtant rien de blessant pour personne. Ça n’est pas blessant de séparer. C’est ce que dit Ferdinand Buisson dans son dictionnaire : « L’enseignement primaire et laïque : les élèves de toutes les communions y sont indistinctement admis, mais les représentants d’aucune communion n’y ont plus d’autorité ni plus accès. » C’est la séparation si longtemps demandée de l’Église et de l’école : « L’instituteur à l’école, le curé à l’église, le maire à la mairie » (Victor Hugo et Edgar Quinet). « Nul ne peut se sentir proscrit du domaine où il n’a pas entrée . »
C’est ce qu’exprime très clairement Jules Ferry, en juin 1880, lorsqu’on veut chercher à assurer la paix entre deux puissances rivales, l’État et l’Église, la constitution laïque de la société et le pouvoir ecclésiastique, lorsqu’on veut que ces deux puissances morales vivent en paix, la première condition, c’est de leur prescrire de bonnes frontières. Il est encore possible d’inscrire cela en 2918. Cette séparation permet d’opérer une distinction qu’il est nécessaire de faire comprendre aux élèves : la distinction entre savoir et croyance.
Dans sa lettre adressée aux instituteurs, en 1883, Jules Ferry indiquait que : « Le législateur n’a donc pas entendu faire une œuvre purement négative. Sans doute a-t-il eu pour premier objet de séparer l’école de l’Église, d’assurer la liberté de conscience, et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous. » Personnellement, je n’ai pas trouvé de plus belle manière de montrer la distinction entre les savoirs et les croyances, qui n’est pas une opposition.
S’agissant de la fermeté quant au principe, parce que la France de 1882 est encore attachée aux principes religieux, Jules Ferry laisser figurer, dans la circulation d’application des programmes de juillet 1882 les devoirs envers Dieu à côté des devoirs envers sa famille et sa patrie. En réalité, la séparation n’a jamais été brutale et totale, l’esprit de conciliation a toujours guidé les esprits.
Quelqu’un connaît-il encore aujourd’hui le contenu des programmes laïques de Jules Ferry de 1882 ? « Devoirs envers Dieu. L’instituteur n’est pas chargé de faire un cours ex professo sur la notion et les attributs de Dieu ; l’enseignement qu’il doit donner à tous indistinctement se borne à deux points. D’abord, il leur apprend à ne pas prononcer légèrement le nom de Dieu ; il associe étroitement dans leur esprit à l’idée de la Cause première et de l’Être parfait un sentiment de respect et de vénération ; et il habitue chacun d’eux à environner du même respect cette notion de Dieu, alors même qu’elle se présenterait à lui sous des formes différentes de celles de sa propre religion. Ensuite, et sans s’occuper des prescriptions spéciales aux diverses communions, l’instituteur s’attache à faire comprendre et sentir à l’enfant que le premier hommage qu’il doit à la divinité, c’est l’obéissance aux lois de Dieu telles que les lui révèlent sa conscience et sa raison . »
Les programmes laïques de 1882 sont en fait des programmes d’inspiration spirituelle, et ce, pour trois raisons. D’abord, Ferdinand Buisson, qui est à la manœuvre, est dans la mouvance protestante et profondément spiritualiste. De plus, Jules Ferry est intimement convaincu que les programmes de l’instruction publique vont faire mourir les religions, et qu’il n’est donc pas nécessaire de leur faire violence. Enfin, il y a le contexte politique, dans une France de 1882 profondément catholique, qui n’est pas prête à cette séparation brutale. Ces devoirs envers Dieu vont subsister jusqu’en 1923, date à laquelle ils ne seront pas supprimés de façon très franche. Ils seront rétablis par Pétain, en 1940, et ne sont supprimés définitivement qu’en 1945. Il aura fallu 63 ans pour laïciser définitivement les programmes de l’école primaire dans notre pays : fermeté dans les principes, progressivité, pragmatisme dans la mise en œuvre.
La deuxième étape de la laïcisation de l’école, c’est la laïcisation des locaux scolaires. C’est l’objet de l’article 2 de la loi du 28 mars 1882, qui nous rappelle l’origine de notre jeudi (aujourd’hui mercredi) : « Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse en dehors des édifices scolaires . »
La laïcisation des personnels intervient en 1886 (article 17 de la loi René Goblet du 30 octobre). Mais que dit l’article 18 ? « Aucune nomination nouvelle, soit d’instituteur, soit d’institutrice congréganiste ne sera faite dans les départements où fonctionnera depuis quatre ans une école normale… » Nous notons que, dans cet article, il n’est pas question des filles. Lorsque les républicains prennent le pouvoir en 1878 et 1879, il n’y a que neuf Écoles Normales d’institutrices dans le pays : il faut donc construire des écoles normales pour former un personnel laïque. C’est pourquoi on laissera les religieuses en place, le temps nécessaire, notamment dans les communes rurales.
S’agissant de la séparation des Églises et de l’État, la loi du 9 décembre 1905 peut se résumer en cette formule : « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi. »
La quatrième étape e la laïcisation de l’école est récente, elle date de la loi du 15 mars 2004 (article 1). Elle vise à rendre compatible cette liberté avec un devoir de neutralité. Cette loi rééquilibre les droits et devoirs des élèves et des personnels au sein de l’établissement. On n’a pas suffisamment dit que c’est d’abord une loi de liberté. C’est la liberté, pour un élève, d’être reconnu comme un élève quand on est scolarisé dans un établissement scolaire public et non pas comme un élève ayant une appartenance religieuse. C’est, comme le dit l’article 6 de la charte de la laïcité : « La liberté qui permet aux élèves de se forger leur personnalité dans un cadre neutre et préservé, d’exercer leur libre arbitre, de faire l’apprentissage de la citoyenneté et de ne subir aucun prosélytisme dans l’enceinte scolaire. » On a finalement une représentation imaginée de la laïcisation de notre école.
Etat des lieux de la laïcité en France
Aujourd’hui, la laïcité est à l’épreuve de fractures sociale, scolaire, culturelle et dans ce contexte, on a besoin d’une pédagogie laïque. Pour les médias comme pour beaucoup de responsables politiques, la laïcité serait mise en cause par le développement du communautarisme. Or il ne faut pas traiter hâtivement de communautaristes des solidarités communautaires. Mais personne ne doit être contraint d’être membre d’une communauté qu’il n’a pas librement choisie. L’appartenance à une communauté doit résulter d’un choix ni exclusif ni définitif. Il convient donc de défendre un droit permanent à la réélaboration des appartenances, une capacité permanente d’affiliation et de désaffiliation.
Pour réellement combattre le communautarisme, il faut comprendre qu’une communauté fermée ne survit que parce qu’elle pense se prémunir, ainsi, d’un monde extérieur qui lui semble hostile. Il faut veiller à ne pas renforcer ce sentiment. La dénonciation sans nuance du communautarisme, par exemple, des associations musulmanes, contribue à essentialiser l’islam comme religion, culture et communauté. Cette stigmatisation peut être contreproductive, car elle va solidariser des personnes qui partagent des éléments identitaires.
L’appartenance à une société commune implique que les citoyens apprennent à vivre avec des comportements venant déranger les habitudes. En ce sens, ce sont bien des accommodements qui ont marqué notre tradition française. La laïcité n’a rien d’un dogme, elle ne doit pas être prise en bloc. Dans notre brochure, à la Ligue de l’enseignement, nous indiquons que : « elle est tout autant attachée à ce qui se trame dans les têtes qu’à ce qui se voit sur les têtes. »
L’essentiel des questions sensibles sont des demandes de pratiques particulières dans la vie collective (piscines réservées aux femmes, refus de serrer la main, etc.). Ces refus sont des comportements particulièrement irritants. Mais pour faire évoluer ces pratiques irritantes, il n’y a pas d’autre voie que l’application des principes démocratiques. Comme disait Gandhi : « On n’est pas obligé d’approuver ce qu’on tolère. » Je me permets d’ajouter que, dans la République française, on n’interdit pas tout ce qui dérange.
Le cadre laïque permet de ne pas mettre les croyants dans l’alternative d’avoir à enfreindre les interdits de leur religion ou de transgresser les contraintes juridico-sociales. Par exemple, concernant la restauration collective, il est possible de prendre en compte la demande des personnes qui ne désirent pas manger certains aliments en raison de croyances religieuses, par conviction personnelle ou pour toute sorte de raison. On a besoin d’une pédagogie laïque, pour comprendre et encadrer, à l’école, les manifestations identitaires.
La mission de l’école laïque n’est pas de rendre tous les jeunes identiques . C’est pourquoi, dans l’école, certaines contestations ne sont pas toutes des menaces pour la République. N’oublions pas que nous avons affaire à des adolescents en formation. Un enseignant correctement formé, travaillant en équipe, avec de bonnes conditions de travail peut remplir pleinement sa mission d’éducateur et, en tant que professionnel, régler la plupart des contestations. La recherche d’identité doit se concevoir comme le dit Aimé Césaire : « La quête d’identité, ce n’est ni tourner le dos au monde, ni faire sécession au monde, ni bouder l’avenir, ni s’enliser dans le repliement communautaire ou dans le ressentiment. Elle n’a de sens que s’il s’agit d’un ré-enracinement, certes, mais aussi d’un épanouissement, d’un dépassement et de la conquête d’une nouvelle et plus large fraternité. »
Nous devons former nos élèves à vivre une laïcité confiante. Dans l’école laïque, le dialogue doit être la règle, mais tout n’est pas négociable. Il ne faut pas passer sous silence des difficultés majeures. Il y a des situations problématiques et la question sociale n’explique pas tout. Il y a une pression religieuse qui s’exerce très fortement dans certaines parties du territoire ; il y a des situations dans lesquelles des enseignants doivent expliquer, plus qu’ailleurs, la primauté de la loi républicaine sur les prescriptions religieuses.
La mise en cause des valeurs républicaines au nom de principes religieux est une réalité dans certains établissements scolaires. Le 13 juin, au sein du Comité national d’Action laïque, nous rendrons publics les résultats d’une grande enquête sur les enseignants et la laïcité dans ce pays. Ceci nous permettra de faire le point à ce sujet.
Il convient de retenir trois repères utiles :
La liberté, y compris celle d’affirmer une identité particulière ou collective, n’est jamais absolue, elle est toujours encadrée par la loi. Dans la République française, la loi est de source humaine (article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) : « Le principe de souveraineté réside essentiellement dans la Nation; nul corps, nul individu ne peut en exercer une autorité qui n’en émane expressément. »
Maurice Schumann, qui participe, le 3 septembre 1946, à la deuxième Assemblée Constituante, a cette magnifique formule : « La la ï cit é de l ’É tat signifie son ind é pendance vis- à -vis de toute autorit é qui n ’ est pas reconnue par l ’ ensemble de la Nation . » Cela n’empêche nullement les croyants de penser qu’il existe une loi supérieure aux lois humaines : les croyants ont parfaitement le droit de croire cela.
C’est ce qui est encore dit aujourd’hui dans le catéchisme catholique issu de Vatican II (Gaudium et spes – article 6 la conscience morale) : « Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. »
Les catholiques ont parfaitement le droit de dire cela, mais les croyants, quels qu’ils soient, doivent se plier aux lois républicaines.
Un des moyens que se donne la laïcité, c’est la neutralité. Mais la neutralité, ça n’est pas la neutralité des valeurs et un État laïque n’est pas un État faible.
Il est important de ne pas commettre de contresens sur le principe de laïcité. Pendant longtemps, l’Église catholique a accusé l’école publique laïque de ne pas être vraiment neutre. Jean Jaurès lui a répondu en ces termes : « La plus perfide manœuvre du parti clérical, des ennemis de l’école laïque, c’est de la rappeler à ce qu’ils appellent la neutralité et de la condamner, par-là, à n’avoir ni doctrine, ni pensée, ni efficacité intellectuelle et morale . » Et Jaurès de conclure : « En réalité, il n’y a que le néant qui soit neutre . »
La neutralité vis-à-vis des convictions religieuses, n’est pas la neutralité des valeurs. Élisabeth Badinter disait dans le journal Le Monde du 12 avril dernier : « Il n’y a pas de féminisme sans laïcité. Les églises interdisent au nom de Dieu, alors que la laïcité est libératrice. »
Parce que la croyance personnelle n’est pas liée à une appartenance sociale, les éducateurs doivent combattre toute pression exercée par certains groupes d’élèves ou d’adultes au nom d’une obligation d’appartenance à une identité particulière. Il y a donc une limite aux accommodements. La laïcité et les questions sociales sont liées, ce que Jaurès rappelait, dès 1893 : « La république doit être laïque et sociale ; elle restera laïque si elle aura su être sociale. »
Le repli sur soi et la peur de l’autre ressurgissent à chaque période d’insatisfaction sociale. L ’existence de zones d’exclusion est incompatible avec l’idéal républicain. Ferdinand Buisson nous disait, en 1911 : « Il y a toujours une question scolaire, mais ce n’est pas de savoir qui, de l’Église ou de l’État, dirigera l’école : la chose est jugée. C’est de savoir si notre démocratie réussira à faire, par l’éducation, la France de demain, plus forte, plus grande, plus juste, plus humaine que ne fut celle d’hier . »
Ce n’est pas la diversité culturelle qui menace l’unité de la société mais le fanatisme religieux et l’inégalité persistante et croissante qui porte en germe l’émergence de constructions identitaires de substitution, au mieux créatrices d’enfermement communautaire, au pire, de trajectoires individuelles. Quand la cité, l’école et l’entreprise n’offrent plus le sentiment d’être chez soi, à égalité avec les autres, alors la religion devient un refuge pour ceux qui se sentent rejetés par la société. Dans ce contexte, on parle à la fois de retour et de recours au religieux.
Faire respecter l’État de Droit partout est une condition essentielle de la préservation de la laïcité dans notre pays. Tout le monde est d’accord pour favoriser la mixité sociale, mais si possible pas dans le collège de ses enfants. Nous saluons le courage de certaines autorités académiques pour réintroduire un peu de mixité sociale dans certains secteurs. Et ceux qui crient au communautarisme sont souvent les mêmes qui préfèrent payer les amendes plutôt que d’introduire un peu de mixité sociale dans leur ville.
Alors, comment rendre la laïcité aimable ?
La laïcité qui se pratique plus qu’elle ne s’enseigne ne doit pas seulement être défendue, mais mise en valeur par l’exemple et être ainsi rendue aimable. C’est un défi pour nous. C’est la responsabilité des éducateurs.
La laïcité, c’est le respect des spécificités, c’est la conjugaison de la diversité et d’unités – pour se rassembler, il n’est pas nécessaire de se ressembler dans une République laïque – ce sont des droits et des devoirs, c’est le respect des particularismes et la recherche de valeur universalisable. C’est pourquoi la laïcité est le seul outil qui permette d’éviter l’éclatement de l’espace public de l’enseignement en communautés étanches.
Elle est irréversible dans son principe, mais elle n’est pas figée dans ses modalités de mise en œuvre : c’est une dynamique, un processus qui n’a pas besoin d’une épithète (positive, négative, plurielle, etc.) pour s’imposer comme valeur essentielle de la République. La laïcité ne peut être qu’en mouvements, en histoire. Et en 2018, la fin de l’histoire n’est pas arrivée.
Vivre, aujourd’hui, dans une société laïque suppose que les citoyens apprennent à vivre dans une société qui se transforme , qui s’enrichit de ses différences. Cela suppose, dans le même temps, que les religions, anciennes ou nouvelles sur le territoire national, acceptent cette pluralité et la séparation du religieux et du politique.
La difficulté, pour porter cette idée, c’est que la laïcité est devenue un champ de bataille, à cause de ce qu’Abdennour Bidar, qui a travaillé avec nous sur la charte de la laïcité, appelle « les énervés des deux camps », c’est-à-dire, d’une part ceux qui crient à la stigmatisation des musulmans, voire au raciste d’État dès que le principe de laïcité est rappelé pour préserver la priorité des politiques sur le religieux et d’autre part, ceux qui glissent vers une intransigeance totale à l’égard du religieux et réclament la disparition de sa présence dans les espaces sociaux. Il faut faire confiance à la durée en ayant en mémoire le siècle de combats qui sépare les promesses de la Révolution, des réalisations de la Troisième République. Ce sens de la durée n’a de chance d’être accepté que s’il repose sur une confiance fraternelle.
Tout au long de mon propos, j’ai volontairement évité de parler de « vivre ensemble », car vivre ensemble, cela n’est pas suffisant . Le maître et l’esclave vivent ensemble. Pour autant, cela n’est pas un modèle de société enviable. Ce qu’il faut, c’est passer du « vivre ensemble » au « faire ensemble », faire ensemble société. Parce que, si le vivre ensemble n’est qu’un côte-à-côte , il devient vite un face-à-face.
Tout est dit dès l’article 1 de notre Constitution. La France n’est pas, comme on l’entend souvent « une et indivisible », la République est indivisible. La différence est importante, parce que ceux qui parlent de République une et indivisible sont les plus réticents devant la diversité. Les Constituants de 1946, et ceux qui ont repris leur formule en 1958, en ne retenant pas le mot « une », reconnaissait par là même la diversité d’une République qui ne saurait être unique. Mais en mettant sur l’accent sur l’indivisibilité de la Nation, en plaçant l’énoncé de ce principe en tête du pacte républicain, ils ont voulu rejeter toute tentation de structuration de cette diversité en entités distinctes juxtaposées. C’est pourquoi il est dit avec force que notre république est indivisible. Mais pour gérer un ensemble dont ils reconnaissaient la pluralité, tout en refusant ne pas vouloir traduire cette diversité structurellement, les Constituants ont donné la méthode : « Notre République indivisible doit en même temps être laïque, démocratique et sociale. »
Jean-Paul Delahaye, Inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire, vice-président délégué de la Ligue de l’enseignement, président du Comité national d’action laïque
Transcription de la conférence du #CongrèsMlf 2018
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