DE JACQUES RIVETTE À JAMES BOND
Des planches qu’il investit dès les années 50 et qu’il n’abandonnera jamais, ni en tant qu’acteur ni en tant que metteur en scène en honorant, entre autres, quelques « modernes » qui lui tenaient à cœur, en premier lieu Samuel Beckett et Marguerite Duras, qui, par ailleurs, dirigera le comédien dans plusieurs films (Détruire, dit-elle, India Song). A propos de Duras, Michael Lonsdale, dans Visites, un livre de souvenirs publiés en 2003, écrit : « Marguerite et moi étions comme des gamins. Je n’avais pas de rapport intellectuel avec elle, c’était d’un autre ordre. Elle m’agaçait parfois avec son féminisme exacerbé et je ne la suivais pas toujours quand elle parlait politique, ce qui ne nous a pas empêchés d’avoir une vraie relation, une sympathie extrême. »
Le goût de l’aventure artistique et l’attirance pour une certaine avant-garde ne rimaient fort heureusement jamais avec élitisme et snobisme chez Michael Lonsdale, ce comédien hors pair et volontiers énigmatique qui, durant toute sa carrière, a toujours affiché une saine indifférence vis-à-vis des faux-semblants de la société du spectacle. Il suffit pour s’en convaincre d’évoquer sa carrière au cinéma. Éclectique et désireux de multiplier les expériences, soucieux de garantir son indépendance d’acteur, de metteur en scène et aussi de peintre (une autre de ses passions créatrices), l’acteur s’est parfois adonné à des expériences plus consensuelles et plus…lucratives. Si Michael Lonsdale peut s’honorer d’avoir tourné avec les plus grands, souvent dans des seconds rôles de premier choix : Orson Welles (Le procès), Joseph Losey (Monsieur Klein), Jean Eustache (Une sale histoire), François Truffaut (Baisers volés, Une belle fille comme moi), il a aussi su séduire le grand public dans des films ultra-populaires comme Hibernatus, d’Edouard Molinaro, face à un Louis De Funès déchainé.
LA FIDÉLITÉ ET LA FOI
Engagé avec le même enthousiasme par un Jacques Rivette ou un Raoul Ruiz que par les producteurs de la saga James Bond (Moonraker), Michael Lonsdale, de film en film, promenait son mystère, son humour, son talent pour endosser les panoplies les plus diverses et son inimitable voix : grave et impressionnante. « La voix est pour moi le témoignage de ce qui se passe en vous, écrivait-il dans Visites. La voix est quelque chose que l’on ne contrôle pas. On peut se maquiller, se changer, se déguiser, la voix reste la voix, elle vient du fond des tripes, de l’estomac, des poumons. Elle exprime ce que vous êtes. »
L’acteur restera fidèle à lui-même dans ces dernières années d’activité sur les planches où il multipliera les lectures (Proust, Péguy) comme sur les écrans, où il jouera entre autres dans l’un de ses meilleurs films récents de Steven Spielberg (Munich) et, surtout, dans le remarquable Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois, une fiction inspirée par l’assassinat des moines de Tibhirine, en Algérie, en 1996. Ce film qui lui valut de recevoir le seul César de sa carrière revêtait une importance toute particulière pour le comédien, dont la foi catholique n’était un secret pour personne, mais qui, malgré ses nombreux engagements (notamment dans le mouvement du Renouveau charismatique) avait le bon goût de ne pas faire de cette dernière une affaire de prosélytisme, mais une question « juste » personnelle. Michael Lonsdale ou une certaine idée de la pudeur et de la discrétion.